Si les films africains sont particulièrement rares à Cannes cette année, on trouve tout de même quelques beaux instants de cinéma en se donnant la peine de chercher.
Le Burkina à Un certain regard
Souvenez vous : l’année dernière à Cannes, un film africain faisait l’événement. « Moolaade » de Ousmane Sembene présenté à « Un Certain Regard », en remportait le prix, mais surtout montrait au monde entier le combat d’une femme contre l’excision. C’est dans cette même sélection cannoise, un an plus tard, qu’un autre réalisateur africain fait parler de lui. Avec Delwende (« Lève toi et marche »), S. Pierre Yameogo dénonce une autre forme d’oppression. Aujourd’hui, dans les campagnes, on attribue encore parfois la responsabilité de morts inexpliquées à des « mangeuses d’âmes », femmes alors vite mises au ban du village. Ce qui permet de se débarrasser officiellement de personnes gênantes, ou cherchant à dénoncer des injustices.
Le réalisateur burkinabé a déjà à son actif des courts métrages et de nombreux documentaires, dont un réalisé pour Envoyé Spécial sur le même sujet. Ne pouvant aller aussi loin qu’il le souhaitait dans un cadre strictement de reportage, il a préféré faire appel à la fiction et en est récompensé par ce coup de projecteur qu’est une sélection cannoise. Lorsque les hommes eux-mêmes se « lèvent et marchent » pour faire évoluer les traditions qui oppressent les femmes, c’est un bon signe. « Ce sont les hommes qui les ont établies, à eux de les abolir », résume S. Pierre Yameogo. En montrant cette réalité, le cinéma souhaite, à son niveau, contribuer à changer le monde et les mentalités.
Deux jeunes Marocaines à Cannes
Deux jeunes réalisatrices du Maroc sont présentes à Cannes. Elles ouvrent et clôturent le festival. Encore mal connues (ce sont leurs premiers films), elles gagnent à être découvertes. Tout d’abord, dans le cadre de la programmation de l’ACID (Agence du cinéma indépendant pour la diffusion), (le 13 mai) et de Cinémas du monde (le 14), un film de Yasmine Kassari a été présenté. Le 13 mai au soir, dans cette programmation « off » qu’est celle de l’Agence pour le Cinéma Indépendant et sa Diffusion, L’enfant endormi a fait salle comble. Dans un coin perdu du Maroc d’aujourd’hui, Zeinab se marie. Mais le lendemain de sa nuit de noces, son homme part travailler loin. Zeinab enceinte de cette brève nuit d’amour, part à la ville où elle fait « endormir » le fœtus qui ne grandira qu’au retour de son père. Mêlant le Maroc contemporain et les traditions les plus anciennes, cette jeune réalisatrice dessine le portrait de son pays à travers de beaux personnages de femmes.
Même démarche pour Leïla Marrakchi, dont le premier long métrage Marock sera présenté lui aussi à Cannes, mais dans le cadre de la très officielle sélection « Un certain regard », en fin de festival, le 20 mai prochain. Un avant goût de son talent était déjà présent dans la sélection des Cinémas du monde (le Maroc en a fait l’ouverture le 14 mai), avec son court métrage 200 dirhams. Marock, c’est d’abord la jeunesse dorée d’un pays, mais très vite la réalisatrice s’attachera à une jeune fille de 17 ans, l’année du bac, qui découvre à la fois sa première histoire d’amour et le poids des traditions incarné par son frère.