L’inadéquation des compétences dans les secteurs informel et rural par rapport aux besoins du marché du travail en Afrique a été identifiée comme l’une des raisons à l’origine des sérieux problèmes de chômage des jeunes et de sous-développement du continent.
Selon l’étude des Perspectives économiques en Afrique (AEO), les secteurs pour lesquels il est le plus difficile, pour les recruteurs, de trouver des employés convenables sont ceux qui exigent des qualifications techniques, tels que ceux du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière, des industries chimique et pharmaceutique, l’industrie manufacturière, l’agro-alimentaire et la logistique. La plupart des établissements d’enseignement supérieur en Afrique se focalisent sur les exigences de l’emploi dans le secteur public plutôt que de tenir compte des attentes des employeurs dans le secteur privé. Comment le continent peut-il surmonter cet obstacle d’autant que l’on parle beaucoup de la renaissance de l’Afrique ?
Les diplômés dans les disciplines des sciences humaines et sociales ont plus de difficultés à obtenir un emploi que ceux qui se spécialisent dans la technologie de l’information, l’agriculture et les domaines de l’ingénierie. Une étude de l’institut Mo Ibrahim, en 2013, montre que les sciences sociales et les sciences humaines ont les taux d’inscrits et de diplômés les plus élevés. Ceux dans les secteurs de l’ingénierie, l’industrie manufacturière, la construction et l’agriculture, sont en queue de la liste en termes de taux d’inscrits et de diplômés.
À ce titre, notons que seulement 2% des jeunes en Afrique étudient l’agriculture, alors que le continent a grand besoin de spécialistes dans ce domaine, surtout que l’agriculture contribue en moyenne pour 25 % au produit intérieur brut de l’Afrique (PIB). L’Afrique subsaharienne a la plus faible proportion de diplômés en génie dans le monde. Les secteurs des ressources naturelles, telles que les industries minières, pétrolières et gazières emploient moins de 1% de la population active en Afrique. Malgré ces statistiques inquiétantes, le continent souffre en plus d’un sérieux problème d’exode des cerveaux parce que les conditions d’emploi dans ces secteurs demeurent précaires.
Une étude de la Banque Africaine de Développement (BAD) avise qu’en Afrique subsaharienne, l’emploi non rémunéré représente plus de 80 % de l’emploi total pour les femmes et plus de 60 % pour les hommes. Neuf travailleurs sur dix, ruraux et urbains, ont des emplois informels en Afrique. La plupart sont des femmes et des jeunes. Les plus grands employeurs en Afrique sont les secteurs de commerce de détail, l’agriculture et l’industrie hôtelière qui restent cependant précaires. Près de 90 % des emplois fournis par le secteur agricole, par exemple, sont précaires.
Il existe donc un besoin d’efforts conjoints pour rendre les compétences techniques et professionnelles plus attractives aux yeux des jeunes et des femmes en Afrique. Les États africains, en collaboration avec des universités et des think tanks, doivent encourager l’inscription, en particulier au niveau universitaire, dans des spécialisations comme l’ingénierie, l’industrie manufacturière, la construction, l’exploitation des ressources naturelles et l’agriculture. Les administrations centrales, en collaboration avec les gouvernements régionaux et locaux doivent sécuriser les emplois, notamment dans le secteur agricole. Si ces emplois demeurent précaires, les jeunes et les femmes de l’Afrique ne seront pas incités à choisir ces formations, créant ainsi une inadéquation par rapport à la demande de travail dans le secteur privé. Puisque les capacités d’emplois publiques et privées existantes sont trop faibles, l’investissement dans le secteur informel et rural peut être considéré comme une opportunité, si les défis des salaires et de la productivité ainsi que l’éducation et de la formation sont relevés. Il est donc temps pour les Etats africains de repenser l’adéquation des compétences dans le secteur informel et rural pour répondre aux besoins du marché du travail en Afrique.