Suite à plusieurs communiqués diffusés depuis le 27 avril par l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques, Afrik.com a relayé une information concernant la Tunisie qui pourrait se révéler fausse.
L’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques avait effectivement annoncé la mort d’un jeune internaute dans les locaux de la police tunisienne pour avoir surfé sur un site « interdit ». Malgré les enquêtes menées sur place par certains acteurs de l’humanitaire tunisien et nos recoupements auprès de plusieurs associations, il semblerait que l’histoire ait été inventée de toutes pièces. Le Collectif de la communauté tunisienne en Europe a appelé vendredi les autorités françaises et tunisiennes à diligenter une enquête judiciaire afin de faire toute la lumière sur cette affaire et punir les coupables.
Si celle-ci se révèle effectivement être une escroquerie de la part d’un Tunisien soit-disant poursuivi par les autorités de son pays, Afrik.com regrette l’utilisation de ce genre de procédés, alors que des personnes, en Tunisie, souffrent réellement de persécutions comme le webmaster de Tunezine, Zouhair Yayahoui, emprisonné depuis l’été dernier.
En éclaircissement, nous publions ce texte d’Omar Mestiri, directeur de la rédaction du magazine électronique de l’opposition tunisienne Kalima :
Irresponsabilité : « affaire Maher Osmani » – par Omar Mestiri
Il y a tout lieu de croire que les milieux Démocratiques tunisiens viennent d’être victimes d’une gigantesque opération d’intoxication montée par les services spéciaux tunisiens à travers l' »affaire Maher Osmani », objet d’un large écho médiatique international et qui a mobilisé de nombreuses ONG durant les deux dernières semaines. Certaines sources tunisiennes, généralement fiables, ont lancé un appel au sujet d’un jeune tunisien répondant à ce nom qui serait décédé entre le 20 et 21 avril dans les locaux de la sécurité d’Etat des suites de torture.
La principale source à l’origine de l’affaire qui s’est présenté aux auteurs de l’appel comme étant « le frère de Maher Osmani », s’est révélé en fait un usurpateur, puisqu’il est aujourd’hui avéré qu’il s’agit en réalité de Tarek Ferchichi. Les responsables du communiqué à l’origine de l’affaire ont eu onnaissance de ce fait depuis plusieurs jours. Aucune précision n’est venue éclairer l’opinion et mettre un terme à cette grande manipulation. On ne peut que regretter que la célérité – pour ne pas dire la légèreté – de l’alerte initiale ait laissé place à une rétention d’information, contribuant à abuser toutes les bonnes volontés qui se sont engagées dans une formidable mobilisation.
Pourtant, ces éminents juristes savent mieux que personne que ce dossier ne repose que sur de simples assertions non vérifiées. Le CNLT qui a observé une stricte réserve à l’égard de cette agitation médiatique, s’est mobilisé des jours et des jours pour trouver des faits confirmant les thèses allègrement étalées sur l’internet. Ses enquêteurs se sont rendus dans les quartiers supposés de la résidence de la prétendue victime ; dans les cimetières ; ils ont vérifié les registres de l’état civil, les instructions ouvertes dans les tribunaux… bref, aucun indice matériel n’a pu être collecté. Le fait que toute cette affaire ne repose que sur les paroles d’une personne qui s’avère être un imposteur, affaiblit singulièrement la thèse avancée.
Il peut arriver à tout le monde, malgré les précautions d’usage, de tomber, de bonne foi dans le traquenard de l’intoxication auquel nous sommes soumis à chaque instant, cela n’a en soi rien de déshonorant. C’est l’une des armes de prédilection des dictateurs et il est assez courant que des militants aguerris soient piégés par les désinformateurs. Simplement il est de leur devoir de déjouer l’opération publiquement, prévenir leurs partenaires et l’opinion publique afin de minimiser les dégâts d’une part et d’aider à cerner les dysfonctionnements à titre pédagogique, d’autre part.
Nous pouvons comprendre qu’on puisse garder encore des doutes malgré certaines évidences… mais il est inexcusable de ne pas informer l’opinion publique et nos partenaires de faits avérés et essentiels, que chacun pourra interpréter selon sa conscience. Les responsables de cette rétention tombent ainsi, malgré eux, dans une collaboration indirecte et irresponsable avec les auteurs de l’intox. Nous avons attendu plusieurs jours une mise au point de leur part. Il est de notre devoir de rompre le silence. Car il y va de la crédibilité de l’ensemble des défenseurs tunisiens des droits de l’homme.
Tunis, le 13 mai 2003, par Omar Mestiri