L’adieu à Othmane Bali


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L’Algérien targui Othmane Bali, 52 ans, est mort dans la nuit de vendredi, emporté par la crue d’un oued, dans le Tassili n’Ajjer. Il était l’ambassadeur du tindé, le genre musical de sa région de Djanet, qu’il a contribué à faire découvrir au public algérien et international.

Le chantre de la musique targuie Othmane Bali a été emporté, dans la nuit de vendredi, par la crue de l’oued Tinjatat, qui traverse Djanet, après les fortes pluies qui se sont abattues sur la région. Son corps a été repêché samedi à 2 km de la ville et inhumé dimanche au cimetière d’Aghoum, en présence d’une foule nombreuse. Le troubadour nomade, médecin de son état, ayant un pied à Paris et l’autre dans les sables du Tassili n’Ajjer, à 2 000 km d’Alger, a stoppé sa course. A 52 ans. « Othmane Bali est parti sans avoir achevé son œuvre, une œuvre immense comme son désert natal et sa culture targuie », écrit Fayçal Metaoui dans El Watan.

Othmane Bali, de son vrai nom Mebarek Athmani, est né au mois de mai 1953 sous le palmier le plus haut de Djanet, dans le Grand Sud algérien, au sein d’une famille de mélomanes et de poètes. Il a été bercé par la musique de sa mère, grande chanteuse de tindé, le genre musical de la région, qu’il a remis au goût du jour et fait connaître en Algérie et à l’étranger. Virtuose du luth, un instrument qu’il avait découvert lors de ses études en médecine au début des années 70, il écrivait des textes en tamacheq et en arabe, saupoudrant parfois ses couplets d’un peu de français. « Il a revisité la musique du terroir et a contribué à sa renaissance et à son élargissement au-delà des frontières. Auteur, compositeur, interprète, il a rehaussé la musique targuie pour lui donner une dimension universelle. Citoyen du monde par sa musique, et ambassadeur émérite, il a porté haut et fort sa voix par-delà les frontières », explique Kheira Attouche, journaliste au quotidien Horizons.

Musique en famille

Pour mettre en valeur ce blues de l’oasis intense et captivant, il avait créé sa propre formation. Autour de lui : sa famille. Son fils, sa superbe femme, ses nièces, aux chœurs, et bien sûr sa mère, Khadidjata, incontournable, frêle silhouette à la voix puissante, qui l’accompagne partout. « C’est mon porte-bonheur », disait-il volontiers. Enchaînant en riant : « Elle a déjà fait deux fois le tour du monde avec moi ! Elle m’a même accompagné au Japon ! » A leurs côtés, Othmane était à l’aise, laissant éclater son profond talent. Il aimait l’improvisation et était capable de jouer jusqu’au bout de la nuit, arrachant des notes épicées et des complaintes lancinantes à son luth, jusqu’à le faire pleurer ou gémir.

Sa voix, chaude et sucrée comme une datte, accompagnait ses mélopées jusqu’à la transe. Respectueux de la tradition, Othmane Bali était aussi ouvert aux fusions et aux métissages. Il avait notamment enregistré trois albums avec l’Américain d’origine indienne sherokee Steve Shehan et venait de terminer une belle aventure musicale avec le jazzman français Jean-Marc Padovani. Leur spectacle (le dernier du Targui), en mai dernier à Alger, avait soulevé l’enthousiasme du public. Modeste et discret, Othmane Bali représentait l’homme bleu dans toute sa splendeur. Habillé et coiffé en permanence des attributs traditionnels de sa région, il possédait une classe naturelle, un sourire immense et des rides creusées par le soleil du désert. Il laisse un grand vide dans la musique algérienne.

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