« L’abacost » kenyan, nouveau symbole de l’unité nationale


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Le modèle homme et femme du costume traditionnel

Après l’abacost de l’ancien Président zaïrois Mobutu Sese Seko, le Kenya a lui aussi créé un costume national traditionnel pour faire rempart au modèle traditionnel occidental. Ce retour aux sources, initié par le gouvernement, a mobilisé nombre de Kenyans. Mais ils ne se sont pas rués pour l’acheter. Faute de moyens.

Un habit traditionnel pour lutter contre l’impérialisme vestimentaire. Depuis quelques semaines, les Kenyans peuvent se procurer la Cape kenyane, le nouveau costume national traditionnel. Le ministère de la Culture espère que cette idée, qu’il a promue, va permettre de casser la popularité du trois pièces occidental. Mais le prix de l’ensemble, bien au-dessus des moyens de la majorité de la population, devrait dissuader plus d’un Kenyan d’apporter un soutien autre que moral initiative.

Des politiciens dissidents à l’origine de la kenyane

Selon le quotidien anglais The Guardian, une friction à l’Assemblée nationale serait au cœur de ce projet. Au mois de juillet, le ministre des Travaux publics et deux députés se sont présentés dans l’édifice vêtus d’un costume traditionnel africain. Le président de l’Assemblée nationale leur a demandé de vider les lieux pour « vêtements incorrects », car le règlement stipule que seul le costume cravate est de rigueur. Héritage de l’époque coloniale. Quelques jours plus tard, les trois politiciens expulsés ont récidivé, mais ont pu rester travailler avec ses confrères.

Cette histoire a défrayé la chronique et plusieurs questions ont été soulevées. Quelque temps après le ministère de la Culture a lancé un concours de six mois. Les trois dissidents n’en espéraient sans doute pas tant : ils voulaient juste que le code vestimentaire de l’Assemblée soit revu. « Au départ, les Kenyans ont voté pour leurs couleurs préférées pour le vêtement national. Cette étape a rapidement été suivie par un appel national aux designers et amoureux de la mode pour qu’ils envoient leurs dessins et leurs idées », a commenté le ministre de la Culture Ochilo Ayacko au discours inaugural du 14 septembre, disponible que le site du concours. Au final, neuf personnes ont été sélectionnées pour analyser et synthétiser les meilleures idées, afin de créer trois modèles homme et trois pour femme.

Les Kenyans votent par milliers

Après une tournée dans plusieurs villes du pays, les Kenyans ont voté par centaines de milliers, par e-mail ou lettre, pour un modèle homme et un pour les femmes. Un panel de neuf stylistes a ensuite été constitué. Leur but, se rapprocher de ce que veulent porter les Kenyans. Au final, explique The Guardian, le modèle pour homme se compose d’une chemise et une cape portée sur une épaule. Pour les femmes : une longue robe qui arrive aux chevilles et d’une longue pèlerine. Beijing information ajoute que la création est « inspirée du modèle [courant] de tissu imprimé très coloré, qui enveloppe les hanches et remonte sur l’épaule ». Le tout aux couleurs du drapeau du pays.

Ochilo Ayacko a déclaré lors de l’inauguration de l’ensemble, qu’après « quarante ans d’indépendance, il est temps que nous aussi nous montrions au monde que nous pouvons développer des symboles d’identité nationale ». « Nous devrions avoir une tenue qui nous apporte l’unité dont nous avons tous besoin dans ce pays, une tenue qui apporte la fierté au peuple kenyan », a expliqué le Vice-Président Moody Awori, qui a porté cette tenue le jour de l’inauguration, comme une majorité de politiciens. La styliste kenyane Patricia Mbela, qui a participé avec huit autres personnes à l’élaboration de la cape kenyane, est pour sa part beaucoup plus ferme dans ses termes. « Les Britanniques n’ont rien laissé au hasard. Les membres du Parlement, les juges. Tout le monde est en costume. Ça n’a rien à voir avec nous », a déclaré la jeune femme.

Pas la cote comme l’abacost

Mais à son grand regret, à part chez certains missionnaires, la cape kenyane n’a pas le succès de son homologue zaïrois, l’abacost, créé par l’ancien Président Mobutu Sese Seko. « Cela fait 40 ans [depuis l’indépendance] que nous attendons notre vêtement national, mais maintenant qu’il est enfin là, les gens continuent à s’habiller de façon conservatrice », a-t-elle déploré lors d’une interview avec The Guardian. Et d’ajouter auprès de l’agence de presse Reuters que les Britanniques « ont fait un bon travail en nous rendant embarrassés d’être africains ».

Les Kenyans préfèrent peut-être le style occidental. Mais la cherté de l’ensemble a sans doute sa part dans cette désaffection. Le quotidien anglais souligne, en effet, qu’il se vend pour une somme avoisinant les 63 euros, alors que la majorité de la population vit avec moins de 0,72 euros par jour. Ce qui explique que la population se tourne vers les vêtements que leur vendent pour une somme modique des commerçants, qui les ont obtenus par le biais d’organismes de charité en Occident. Dans ce contexte, la suprématie du trois pièces a encore de beaux jours devant lui.

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