Suite au succès de Limé Mic La, Krys, la nouvelle révélation du mouvement reggae/ragga/dancehall s’apprête à commercialiser son deuxième opus. K-RYSmatique, prévu pour le 5 juin 2006, s’annonce d’ores et déjà comme étant l’album le plus attendu de la scène afro caribéenne. Interview.
Krys again ! K-RYSmatique, le deuxième album de la nouvelle coqueluche du reggae/dancehall arrive dans les bacs le 5 juin prochain. Celui que l’on surnomme Mr « Limé Mic La », du nom de son opus précédent, va avoir l’occasion de confirmer tout le bien que les fans pensent de lui. Cette expérience musicale se veut plus personnel, plus intime, plus dansante, et plus consciente que jamais. Menant en parallèle une vie d’étudiant en école de commerce, Krys prouve que passion et obligation sont tout à fait compatibles. A moins que l’un ne serve à l’autre de roue de secours. En dépit de son jeune âge, Krys a su faire preuve de charisme dans les charts, alignant les tubes au fil des compilations. Fidel à Kickilla Records, Krys vient néanmoins de signer en licence chez Universal. Une aubaine pour lui, qui affronte son public sur la mythique scène de l’Olympia, le 14 mai prochain.
Afrik.com : Comment vous sentez-vous, à quelques mois de la sortie de votre deuxième album ?
Krys : Bien. Merci. Pour cet album, j’ai tenu à donner le meilleur de moi-même. Chaque phrase, chaque mélodie, chaque note, présente sur l’album sort de mes tripes. J’ai pris mon temps, afin de proposer un produit de qualité. Mon kiffe, dans la musique, est de pouvoir faire danser les gens. L’album est beaucoup axé sur cet aspect. Il y a également des lyrics conscients, car compte tenu de l’actualité, en tant qu’artiste, il m’était impossible de ne pas réagir. En parlant de réaction, je ne saurais prévoir, en aucun cas, l’accueil dont va bénéficier mon opus. Nous espérons, mon équipe et moi, que l’album plaira au plus grand nombre, car tout a été mis en œuvre pour proposer le meilleur produit possible.
Afrik.com : A votre avis, sur quoi repose l’engouement du grand public pour le dancehall ?
Krys : Cette musique a beaucoup d’énergie. Les gens ont besoin de danser, de se défouler, de laisser leur corps s’exprimer. Rares sont les musiques qui apportent cela. En regardant le paysage musicale français, on constate qu’il y a de nombreux styles musicaux, cependant tous ne permettent pas de danser. Le reggae/dancehall est une musique efficace qui sait mettre l’ambiance, qui sait tirer les gens de leur torpeur. C’est une musique qui ne laisse ni le corps, ni l’esprit indifférents.
Afrik.com : Est-ce un effet de mode ou un rythme qui va s’installer dans la durée ?
Krys : Je pense que le reggae/dancehall va perdurer. Cette musique a de la force. La musicalité du reggae est basée sur les battements du cœur. Le fondement même du reggae, c’est le DJ, celui qui voit la réalité. On dit que le DJ est la voix des sans voix. Un DJ, c’est un chanteur de dancehall. Souvent dans mes prestations, je dis que le reggae/dancehall est une musique magique, parce qu’elle permet de faire danser mais aussi penser.
Afrik.com : De quel œil voyez-vous la profusion d’artistes se réclamant de ce mouvement ?
Krys Ce phénomène est récurant lorsqu’une musique explose. Tout le monde veut se lancer sur le créneau. Beaucoup veulent mettre des « Bananes » comme on dit (Rires). Le seul problème est qu’à un moment donné la banane pourri. Ceux là ne durent pas. Ils trompent le peuple et touchent leur argent. Cela ne fonctionne pas bien longtemps. Il est impossible de mentir indéfiniment au public. Seuls les vrais s’installeront sur la durée.
Afrik.com : En disant cela vous comptez-vous parmi les « Vrais » (Rires)?
Krys : En affirmant que seuls les vrais vont s’installer sur la durée, en toute modestie, je me sent très proches d’eux (Rires).
Afrik.com : Comment gérez-vous vos études et votre passion ?
Krys : C’est de moins en moins évident. Surtout depuis notre signature en licence chez Universal. Je parle au pluriel, car je fonctionne avec la structure Kickilla Records. Nous disposons de plus de moyens, d’où l’obligation de résultats. Cette obligation de résultats nous met la pression, ce n’est pas une mauvaise chose. C’est surtout une question d’organisation, qui plus est lorsque, comme moi, on aime ce que l’on étudie.
Afrik.com : Qu’étudiez-vous?
Krys : Je suis en école de commerce au Mexique.
Afrik.com : Pourquoi avoir choisi le Mexique?
Krys : L’international est très important lorsqu’on fait des études de commerce. Il me fallait partir un an à l’étranger ; j’ai choisi le Mexique. C’est une expérience enrichissante. De plus, j’étais attiré par l’espagnol, une langue que je trouve très belle. Mon objectif n’a pas été de venir en Europe, mais au contraire, de découvrir une nouvelle culture. Il était indispensable pour moi de voir des choses nouvelles. D’ailleurs partir en Amérique Centrale m’a permis de revenir avec des idées de reggaeton. J’ai de très bons souvenirs de cette expérience.
Afrik.com : Connaît-on Krys au Mexique ?
Krys : (Eclats de rires) Je pense qu’il n’y que mes camarades de fac qui me connaissent. Là-bas, en dehors de Sean Paul, les gens n’ont aucunes notions de reggae/dancehall. Quand je parlais d’Elephant Man ou Sizzla, les gens avaient les yeux hagards. J’en ai profité pour faire découvrir à quelques personnes les classiques du genre.
Afrik.com : Par quel biais êtes-vous arrivé au dancehall ?
Krys : J’ai été élevé à Lauriscisque, un quartier difficile de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe, ndlr). A 13-14 ans, j’ai commencé à faire du rap avec des amis du quartier, dans la mesure où le rap était roi. Au début c’était un peu par influence, mais au fur et à mesure, ce procédé d’écriture m’a plu. Le fait de pouvoir écrire ce qu’on pense m’a immédiatement motivé. Un an après je découvrais le dancehall.
Afrik.com : Quel a été le déclic ?
Krys : Des amis m’en ont mis dans les oreilles ! En 1995, il y avait un morceau de Red Rat & Gouffy qui m’a beaucoup influencé. Il y avait des groupes locaux, comme le Karukera Sound System (KSS), le Washintone Crew, le Wu-Tan Park… qui prouvaient la force du mouvement antillais. A l’âge de 15 ans, j’ai intégré le Black Micky Crew. Ensemble, nous avons fait le tour des sounds systems. Ce fut en quelque sorte l’école de l’underground. Quelques années plus tard, alors que je me trouvais en France pour des raisons scolaires, Kickilla Records, compte tenu de ma notoriété acquise dans l’underground, m’a placé sur une compilation qui a très bien marché dans l’Hexagone. Le succès des morceaux que j’enregistrais au fil des compilations a fini par les persuader. D’où mon contrat avec Kickilla Records, et dans la foulée, la sortie du maxi « Limé Mic La » en décembre 2004.
Afrik.com : Quels sont vos liens avec les autres artistes de la scène dancehall ?
Krys : Nous nous entendons bien. Nous nous connaissons tous. Comme partout, il arrive qu’il y ait certaines mesquineries, certaines jalousies ; la nature humaine est ainsi faite, mais en général, il n’y a aucun conflit, le mouvement est assez uni. Par exemple, Admiral T et moi nous connaissons depuis très longtemps. Avant d’être sur le devant de la scène nous nous côtoyions déjà. Aujourd’hui chacun fait plus ou moins son chemin tout en ayant à l’esprit qu’il nous faut ouvrir encore plus de brèches pour le développement de la scène dancehall.
Afrik.com : Pouvez-vous nous expliquer le titre de votre deuxième album ?
Krys : Ce nom d’album a une histoire. Mon cousin Régis, big up à lui, m’a aidé dans le choix du titre. Cet album est tellement personnel que d’emblée j’ai souhaité qu’il soit éponyme. Nous galérions tellement pour trouver un titre que j’en ai parlé à Régis. Il me soutien énormément, nous parlons de ma musique ensemble…Un jour, il m’a envoyé un texto, m’indiquant qu’il avait trouvé dans le dictionnaire un mot me définissant. (À cet instant Krys sort de sa poche son portable, afin de prouver l’existence du message de son cousin). Dans le Robert, la première définition du mot charisme a un sens théologique : « Don particulier conféré par grâce divine pour le bien commun ». (Eclat de rire).
Afrik.com : Quels sont vos objectifs à court ou moyen terme ?
Krys : Tout d’abord le dimanche 14 mai 2006, date de mon concert à l’Olympia. Ce sera la première fois qu’un artiste francophone dancehall se produira dans cette salle mythique. Ensuite vient la date de la sortie de K-RYSmatique mon deuxième album, le 5 Juin 2006. En juillet août, je serais en tournée aux Antilles, avant d’en poursuivre une autre à travers toute la France. Ce sera aux alentours de septembre octobre 2006.
Afrik.com : Vous allez devenir le premier artiste dancehall à faire l’Olympia, que représente pour vous cette date du 14 mai 2006 ?
Krys : C’est tout un symbole. Pour moi, c’est une grande responsabilité. Tout est mis en œuvre pour que ce show reste dans les mémoires. Ce concert servira de transition entre l’opus précédant et le nouveau. J’interpréterai les tubes connus, tout en présentant mon nouvel album. Je convie tous mes fans à venir nombreux me soutenir et soutenir le mouvement reggae/dancehall.
Afrik.com : Vous avez collaboré avec des artistes du continent africain. Ce type de rapprochement est-il important à vos yeux?
Krys : C’est quasiment indispensable. Pour les jeunes de ma génération, toutes divergences ou séparations tiennent du ridicule. Nous sommes tous Noirs. Noirs des Caraïbes et Noirs d’Afrique sont les mêmes. D’ailleurs on n’a de cesse de nous le rappeler au quotidien. Dernièrement j’ai collaboré avec Faly Ipupa du Quatier Latin International. J’ai fais du dancehall sur du n’dombolo. Vous l’entendrez incessamment sous peu.
Afrik.com : Quels sont les thèmes que vous abordez dans votre album ?
Krys : J’aborde des thèmes ayant trait à la vie et aux relations Hommes Femmes. Je parle également du contexte politique actuel et de faits de société. Ils y aussi et surtout de nombreux morceaux pour faire la fête.
Afrik.com : Que pensez-vous de la situation faite à la communauté afro antillaise en France ?
Krys : Si je devais faire un état des lieux de la situation actuelle, ce serait loin d’être positif. On se rend de plus en plus compte que la France est un pays hypocritement et profondément raciste. J’en parle ouvertement dans mon album. Il nous faut être plus soudés entre nous. En tant qu’antillais, je suis né Français, mais cela ne m’empêche pas de constater un rejet vis-à-vis de moi et de mes semblables.
Afrik.com : Comment se sent-on lorsqu’on est jeune et qu’on vit aux Antilles ?
Krys : Aux Antilles, les jeunes ont leurs propres codes. Nous sommes bercés par des influences françaises, mais aussi caribéennes ; raison pour laquelle la musique jamaïcaine nous arrive directement et prioritairement. En ce qui concerne le reggae/dancehall, nous sommes nettement à l’avant-garde de ce qui se fait en France. Si l’on devait comparer un concert de Capleton aux Antilles et en France, on remarquerait très vite que ce sont deux choses différentes. Idem pour les autres artistes. Aux Antilles, il y aura moins de monde, mais l’ambiance sera plus intense. Les jeunes vivent le reggae/dancehall pratiquement comme les Jamaïcains ou les Sainte-Luciens. La proximité avec les Etats-Unis influence énormément les jeunes Antillais. Tout ce melting-pot culturel nous pousse à la tolérance, à la différence de ce que l’on constate en France.