Répondant aux questions de la journaliste Afsane Bassir Pour, pour la Revue » Géopolitique africaine « , le Secrétaire général des nations Unies a eu des mots très clairs sur la mise en train d’une véritable démocratisation des Etats africains.
» Je crois vraiment que la démocratie et l’Etat de droit sont en train de s’implanter en Afrique. Récemment, nous avons assisté à la tenue d’élections libres en Afrique du Sud, au Nigeria et au Ghana. Nous avons vu, en Côte d’Ivoire, à quel point la population est en train de comprendre ses droits et comment la démocratie doit venir du peuple vers les gouvernants et non l’inverse… L’autre progrès important vient du fait que les leaders africains eux-mêmes commencent à parler de démocratie et du règne du droit. »
En effet l’observation de Kofi Annan se vérifie de plus en plus d’un bout à l’autre de l’Afrique : le discours de légitimation du pouvoir politique, fût-il oppressif, ne peut plus se passer de la référence démocratique, au moins comme horizon d’attente et comme projet politique ultime. S’ajoutant aux exemples cités, les cas du Sénégal et du Cap Vert sont venus confirmer cette suite démocratique. Dans d’autres pays, la nécessité d’une réconciliation nationale, d’un conseil national de transition ou d’un pardon solennel, ont manifesté cette obligation démocratique, à laquelle les dirigeants se sentent désormais obligés de sacrifier.
La démocratie nécessaire
Il n’est pas jusqu’aux évolutions récentes de pays comme l’Algérie ou la Tunisie pour infirmer la réalité d’un besoin démocratique partagé par tous les peuples d’Afrique, et désormais clairement assumé comme une revendication politique. La Tunisie de Ben Ali a beau afficher des performances économiques et sociales indéniables, elle ne répond pas aux aspirations démocratiques qui apparaissent au sein de sa population. Elle croit encore possible de les faire taire. Pourtant tôt ou tard, elle devra nécessairement y faire droit, et les proches du Palais de Carthage en sont de plus en plus conscients.
Kofi Annan avait lui-même répondu à cette objection sceptique : » On pourrait nuancer ce fait, en observant que tous n’y adhèrent pas. Mais le simple fait d’en parler incite les Africains et les Africaines à réfléchir sur leurs droits. Ils pourraient même être amenés à prendre au mot leurs dirigeants. » Car si les dirigeants sont désormais obligés de parler publiquement de démocratie et de droits humains, s’ils ne peuvent plus supporter une étiquette totalitaire, c’est parce qu’ils savent que leurs peuples ne la supporteraient pas non plus très longtemps.
Prendre au mot les dirigeants
L’avantage, avec les beaux discours, c’est qu’ils obligent tout de même un peu. Il n’est pas possible de mettre ses actes en trop grande discordance avec les principes que l’on affiche. Alors la leçon du Secrétaire général de l’ONU est nette : à l’heure où tous les gouvernants du monde sont obligés de se costumer en démocrates, il faut les prendre au mot, et les obliger à croire en leur personnage. Jusqu’à ce qu’ils y adhèrent suffisamment pour vivre sereinement l’alternance. Démocratique.
Cf Géopolitique africaine, n°2, Printemps 2001, 40, rue des Renaudes, 75017 PARIS, FRANCE / 22, rue de Behagle, BP 11 50, BRAZZAVILLE, CONGO