Kissina Nzinda, d’origine congolaise, basée en région parisienne, a fondé le concept « Voyage culinaire ». Son but est de faire découvrir les gastronomies africaines et antillaises toujours méconnues du public. Elle vise également à déconstruire les préjugés à l’encontre des cuisines du continent.
Faire découvrir et promouvoir la richesse et la diversité des cuisines africaines et antillaises, tel est l’objectif que s’est donnée Kissina Nzinda en fondant, en 2017, « Voyage culinaire ». Un concept à travers lequel elle organise, tous les deux mois, un évènement au cours duquel plusieurs chefs cuisiniers viennent présenter les différents mets culinaires d’un pays mis à l’honneur. « C’était important de mettre en avant un pays ou des régions à chaque édition, ce qui permet de présenter et de faire découvrir ces cuisines ainsi que les acteurs, tels que les chefs ou cuisiniers qui œuvrent derrière les fourneaux », explique à Afrik.com Kissina.
« L’idée est de faire connaître des mets méconnus ou revisités, mais aussi l’histoire qu’il y a derrière chaque plat. Pour donner de la force et un caractère solennel à cet événement, des ambassadeurs de divers pays ainsi que des entrepreneurs et artistes y sont conviés. Le but étant d’immerger totalement dans la culture du pays ou des régions représentées », poursuit-elle. « Je souhaite, à travers ce concept, valoriser par la démonstration les gastronomies africaines pour évacuer les clichés dont elles font l’objet ».
Exporter « Voyage culinaire » dans d’autres villes et pays »
Les voyages culinaires se produisent en effet aussi bien dans des lieux populaires tels que des restaurants parisiens comme Moussa l’Africain, la Villa Maasai, que dans des hauts lieux, tels que l’Ambassade du Congo, l’UNESCO, à Paris… « Je souhaite participer à la reconnaissance de ces cuisines et à leur inscription au patrimoine mondial. Je compte aussi exporter « Voyage culinaire » dans d’autres villes et pays », assure Kissina. Le concept est également pour elle un moyen de créer du lien entre les amateurs de bonnes cuisines. Il s’agit de rassembler, faire découvrir, s’évader, tout en donnant de la visibilité à de nouveaux talents et de fédérer des synergies.
Six ans après la création du concept, qui a attiré des milliers de visiteurs et plusieurs médias français, tels que Le Monde, qui en ont parlé dans leur colonne, Kissina sait malgré tout qu’il y a encore du chemin à faire pour la valorisation des cuisines africaines et antillaises: « Elles sont non seulement méconnues du grand public mais aussi assimilées à des idées reçues comme étant trop grasses, épicées, lourdes… et l’offre n’est pas encore assez variée », constate-t-elle.
Des cuisines africaines toujours méconnues et considérées comme trop grasses, épicées, et lourdes !
« Si on devait la comparer à la cuisine chinoise, elle n’est pas encore suffisamment répandue pour avoir beaucoup d’adeptes, de fins connaisseurs, défenseurs ou représentants sur chaque continent, excepté l’Afrique. Mais ce n’est pas peine perdue. Nous œuvrons actuellement à inverser la tendance et cela se fera par étape », renchérit-elle. C’est d’ailleurs pour contribuer à atteindre ces objectifs qu’elle décide de lancer l’entreprise de communication Food Divine, qui englobe également « Le voyage culinaire », à travers laquelle elle accompagne et fait la promotion des entrepreneurs qui évoluent dans le domaine des gastronomies africaines et antillaises.
Créer toutes ces entreprises et concepts a également été un moyen pour Kissina de se reconnecter à ses origines et d’œuvrer pour impacter la société afin de contribuer à changer de narratif sur le continent africain et sa Diaspora. Issue d’une famille modeste, celle qui est née au Congo, deuxième d’une fratrie de sept enfants, arrivée en France, dans la ville de Grigny, alors qu’elle n’était encore qu’un bébé de neuf mois, fait partie de cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui estiment que l’heure de la Diaspora et de l’Afrique a sonné. Elle a, en effet, durant tout son parcours, toujours travaillé autour de l’Afrique et de sa Diaspora qui lui tiennent particulièrement à cœur.
Une précoce initiation à l’entrepreneuriat
Kissina a eu très tôt une fibre entrepreneuriale, qui lui a été transmise par son père, qui était chef d’entreprise. C’est lui qui l’a initiée à l’entrepreneuriat. La bonne vivante, qui chante aussi du jazz, dont le livre de chevet est « L’art du bonheur » du Dalaï-lama, n’a pas hésité à braver les difficultés de la création d’entreprise. Une fois son master en marketing en poche, elle a, dès 2003, créé le magazine de société Kissina, qui a pour but de valoriser la culture afro et les acteurs d’impact de la Diaspora.
Conçu par une maison d’édition qui le diffusait via les messageries de la presse parisienne, le concept séduit des médias comme France 2, qui en font l’un des sujets de reportage de leur journal télévisé. Mais les ventes ne décollent pas. « A ce moment-là, j’étais sans doute trop en avance sur mon temps, puisqu’à cette époque ni la Diaspora ni le continent africain n’étaient considérés comme incontournables dans l’échiquier politique et économique mondial », affirme-t-elle. Une expérience que la jeune femme ne prend pas comme un échec mais estime au contraire qu’elle lui a beaucoup appris, contribuant à faire d’elle la femme qu’elle est aujourd’hui.
De plus en plus d’entrepreneurs se lancent dans le domaine des gastronomies africaines
Face à toutes ces expériences, elle n’abdique pas et rejoint par la suite la société de production People tv, qui diffuse des émissions sur l’économie et les initiatives africaines, avant d’intégrer l’Agence Française de Développement (AFD), comme chargée de développement. Un poste très dense qui ne l’empêche pas de se remettre à l’entrepreneuriat pour développer « Le voyage culinaire » et son entreprise Food Divine, auxquels elle consacre actuellement le plus clair de son temps.
Aujourd’hui elle estime que le fait qu’il y ait de plus en plus d’entrepreneurs qui se lancent dans le domaine des cuisines africaines et antillaises est « une chose positive car cela va permettre de rendre plus visible cette gastronomie afro et de la démocratiser. Il y a une réelle demande et le fait d’avoir de nouveaux acteurs, chaque jour, ne peut être qu’une satisfaction. Chacun va proposer une offre différente et c’est ce qui va constituer une richesse pour le tissu gastronomique afro. Il faut voir cela comme une force », conclut-elle.