En réaction aux événements de Kisangani – plusieurs dizaines de personnes assassinées par le mouvement RCD – la société civile de Kinshasa exige du Conseil de Sécurité des Nations Unies la mutation du mandat de la Monuc en une force de maintien de la paix.
De notre correspondant permanent à Kinshasa
Une foule évaluée à 300 personnes a accompagné, jeudi 23 mai à Kinshasa, les représentants de la Société Civile de Kinshasa venus manifester leur colère devant le siège de la Monuc (Mission d’Observation des Nations Unies au Congo) face à ce qu’ils considèrent comme un comportement indifférent de la Monuc devant les événements qui, le 14 mai 2002, ont endeuillé la population de la ville de Kisangani.
Beaucoup de femmes, mobilisées pour la cause, bandeaux blancs sur la tête en signe de deuil, ont pris place devant le QG de la Monuc dès 9 heures du matin, scandant des slogans hostiles au RCD/Goma et à l’APR (Armée Patriotique Rwandaise), accusés d’avoir provoqué les tueries de Kisangani. » Nous, les femmes, ressortissantes des provinces de l’Est de la RDC, sommes coalisées pour signifier à la Monuc notre désappointement face à son inefficacité devant des drames humanitaires comme ceux qui viennent de frapper les populations de la ville de Kisangani « , martèle Mme Elise Mulimuzi, secrétaire exécutive de la Conafed (Coordination Nationale des Femmes du Développement) et porte-parole du groupe.
Les femmes sont en colère
En dépit des circonstances, l’ambiance a semblé quelque peu festive avec fanfares et groupes folkloriques des ressortissants de la province orientale. Pour des raisons de sécurité, la Monuc a gardé ses portes fermées. Seuls quelques officiers militaires et un personnel civil dirigé par Hamadoun Touré, le porte-parole de la Monuc, sont venus à la rencontre des manifestants.
» Nous sommes venus mêler notre voix aux protestations de la société civile de Kinshasa contre les tueries massives perpétrées à Kisangani, devant les yeux de la Monuc, qui n’a rien fait d’autres que d’assister passivement au drame, s’insurge Baudouin Hamuli, directeur du Cenadep (Centre National d’appui au Développement et à la Participation Populaire), une ONG des droits de l’Homme. La communauté internationale ne doit pas être dupée par les manoeuvres dilatoires fomentées par le RCD/Goma et le Rwanda dans le seul et unique but de justifier la surmilitarisation de Kisangani, ceci pour contrer l’application de la mise en oeuvre de la résolution du Conseil de Sécurité de l’Onu exigeant la démilitarisation de cette ville « .
Que s’est-il passé à Kisangani ?
Plus d’une semaine après les événements, on ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé à Kisangani. On sait par contre qu’il y a eu des morts. Beaucoup de morts. La version de la mutinerie au sein des militaires du RCD/Goma est de plus en plus contestée par la société civile qui privilégie plutôt » un scénario macabre » concocté par le RCD/Goma pour retarder ou rendre inapplicables les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies exigeant non seulement la démilitarisation de Kisangani mais aussi le retrait inconditionnel des troupes rwandaises et ougandaises, reconnues comme troupes d’agression.
Le 14 mai 2002, un groupe de militaires avait pris d’assaut la station de la radio publique de la ville de Kisangani et appelait la population à se rebeller contre l’autorité du RCD/Goma et contre l’occupation des troupes rwandaises. Selon Mgr Laurent Monsengwo, archevêque de Kisangani, les troupes d’intervention supposées venir contrer la mutinerie ont été curieusement applaudies par les mutins. Le prélat catholique a affirmé sans ambages qu’il ne croyait pas à la version officielle d’une mutinerie. C’est lui qui, citant les sources religieuses, a estimé le bilan des victimes à au moins cinquante, tandis que la société civile locale parle de 250 tués.
Comptabilité macabre
La radio privée catholique » Elikya » diffusant à Kinshasa estime ce dernier bilan non exagéré dans la mesure où, selon elle, citant l’agence catholique » Misna « , des corps non identifiés flottaient encore, vendredi, 17 mai 2002, sur les différents cours d’eau de Kisangani avant d’être repêchés par la Croix-Rouge. Au nom de la Monuc, Hamadoun Touré a reçu les doléances des manifestants. Il leur a déclaré qu’il comprenait leur colère et leur affliction devant ce qui s’est passé à Kisangani et leur a révélé que la Monuc n’est pas restée inactive pendant les événements du 14 mai 2002.
Le bilan des victimes n’est pas loin de celui de l’archevêque de Kisangani : » Dans la commune de Mangobo, la Monuc a obtenu l’identité des 18 personnes tuées mardi 14 mai, dans l’après-midi. Dans la nuit de mercredi à jeudi, d’autres exécutions sommaires ont eu lieu sur le pont de la rivière Tshopo et à l’embarcadère de la brasserie Unibra. Des fonctionnaires de la Monuc ont pu observer les corps, dont certains étaient mutilés et placés dans des sacs en plastique. Une vingtaine de corps auraient également dérivé jusqu’à la ville d’Isangi et seraient ensevelis dans une fosse commune à l’est de l’aéroport. «