Baloji, le rappeur congolais de 31 ans qui réside en Belgique, sort officiellement son premier album solo, « Kinshasa Succursale », le 28 novembre. Un album enregistré à Kinshasa qui marie sonorités modernes et traditionnelles. L’artiste y aborde l’importance des valeurs familiales, et des thèmes liés à la politique. Pour délivrer son message, il s’exprime également en Swahili et lingana. Rencontre.
Afrik.com : En mai 2011, Afrik.com vous a interviewé pour la sortie de cet album. Aujourd’hui vous faites à nouveau la promotion de ce même album qui selon vous n’est pas sorti officiellement. Que s’est-il passé ?
Baloji : L’album était censé sortir l’année dernière. Mais nous avons eu des différents avec la maison de disque avec laquelle nous travaillons. Elle n’a en réalité jamais sorti l’album. Actuellement nous faisons à nouveau sa promotion car il ne sort officiellement que le 28 novembre. C’était une véritable catastrophe ! On a galéré un an pour remettre les choses à leur place.
Afrik.com : Dans cet album, vous reprenez la mythique chanson « Indépendance tchatcha » enregistrée lors de l’indépendance du Congo. Elle a connu un succès planétaire et est quasiment devenu l’hymne national congolais. Pourquoi teniez-vous à la revisiter ?
Baloji : Il était intéressant pour moi de faire cette reprise car l’on arrive au cinquantenaire des indépendances africaines. Elle a permis aux Congolais de se réapproprier leur indépendance. C’est une chanson fédératrice. Le Congo est un pays émergeant qui s’est bâti en moins de 50 ans. Même s’il est en retard sur le plan du développement, je trouve que les choses avancent vite.
Afrik.com : Vous parlez également beaucoup de Kinshasa. Pourquoi cette ville vous tient tant à cœur ?
Baloji : C’est une ville très importante pour moi. Il y a une vraie dynamique. Kinshasa c’est un choc. C’est bouillonnant, brouillant, désorganisé et en même temps chacun sait où il va. Il y a une espèce de chaos organisé qui est fabuleux. Vous imaginez ? Cette ville construite pour 100 000 habitants en compte aujourd’hui 12 millions. C’est une véritable mégalopole.
Afrik.com : Vous avez collaboré avec de multiples artistes congolais, notamment des femmes qui font les chœurs dans la plupart des chansons…
Baloji : J’adore collaborer avec les artistes. J’aime beaucoup le côté « famille nombreuse ». Les artistes qui chantent dans l’album sont essentiellement originaires du Congo. Je mélange des instruments modernes et traditionnels, tels que le balafon, djembé… Parfois aussi je pars de musiques traditionnelles que j’essaye de moderniser.
Afrik.com : Vous chantez aussi en sawali et lingala. C’était important pour vous de transmettre votre message à travers des langues africaines ?
Baloji : Le sawali est ma langue maternelle et le lingana est très chantant. Chanter dans ces langues est une façon pour moi de transmettre un message d’unité. Elles font partie de moi. Dans l’album je parle de valeurs familiales, de société, de politique. Il est très difficile lorsqu’on parle de société en Afrique de ne pas parler de politique. Les gens discutent constamment de politique dans les pays africains.
Afrik.com : L’Album est-t-il sorti au Congo ?
Baloji : Il est sorti au Congo. Mais il a été essentiellement piraté. Ce qui ne me dérange pas. Je trouve cela tout à fait normal. Dire le contraire serait très hypocrite. Le fait qu’il soit piraté permet aux gens de le connaitre et de venir aux concerts. D’ailleurs on prépare une tournée dans toute l’Afrique, au Congo, Gabon, Sénégal, Mali et Cameroun.
Afrik.com : Quel regard portez-vous sur les affrontements qui opposent les partisans du président Joseph Kabila et du leader de l’opposition Etienne Tchisekedi à quelques semaines de l’élection présidentielle en RDC ?
Baloji : La situation est assez problématique surtout à Lumumbashi. Je suis d’autant plus inquiet qu’il s’agit de ma ville natale. Actuellement il y a beaucoup de confusion autour de ces élections. Certains disent même qu’il vaut mieux reporter le scrutin. J’ai entendu dire que Kabila va se retirer, car il ne gère plus rien. D’autres disent que Takedishsi va prendre le pouvoir. C’est une situation très complexe et incertaine. Je pense qu’il faut attendre de voir les prochaines semaines pour voir comment tout cela va évoluer.
Afrik.com : La diaspora africaine en Belgique connait-elle les mêmes difficultés que celle qui vit en France qui estime parfois être victime de discrimination sur le territoire français ?
Baloji : La diaspora africaine en Belgique connait effectivement les mêmes difficultés que celle qui vit en France. Il y a une hiérarchie des couleurs qui est évidente et une stigmatisation des étrangers qui se sentent comme des citoyens de seconde zone. En Belgique, le regard sur les immigrés est déjà forcément altéré puisque la double nationalité n’est pas reconnue. Moi-même qui suis né au Congo et suis arrivé à l’âge de trois ans en Belgique, je ne peux pas me sentir entièrement comme un Belge. Tout comme je pense que les Sénégalais qui vivent en France ne se sentent pas totalement Français. Aujourd’hui, la question que se pose dans beaucoup de pays est de savoir si c’est le droit du sol qui prévaut ou le droit du sang.
Afrik.com : Vous allez régulièrement au Congo. Comment êtes vous perçu là-bas ? Comme un Belge ou un Congolais avant tout ?
Baloji : Comme un entre deux. C’est comme avoir des enfants métisses. En fait, je suis vu comme un congolais de la diaspora. Mais cela ne veut pas dire que tu es perdu comme le pensent ceux qui sont restés là- bas. Tu as une lecture différente des choses. Tu apprends beaucoup des autres, tout comme eux apprennent de toi.
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