Jeudi, le retour dans la capitale congolaise du principal concurrent de Joseph Kabila dans la course à la présidentielle, Jean-Pierre Bemba, ne s’est pas fait sans heurts. En plusieurs endroits, Kinshasa s’est embrasée.
De notre correspondante à Kinshasa, Lola Jessé
Il est aux alentours de midi ce jeudi 27 juillet 2006. Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) est de retour dans la capitale congolaise. Il a décidé de faire la route à pied de l’aéroport (départ à 10h30) jusqu’au au stade Tata Raphaël où il doit tenir son meeting à 15h. Tout au long des quinze kilomètres, un impressionnant cortège se forme. Cela saute aux yeux : Bemba est très populaire ici à Kinshasa. Une habitante avoue n’avoir jamais vu ça. Elle est restée bloquée plusieurs heures en voiture dans le cortège de drapeaux et de t-shirts, de chants et de slogans. Les partisans scandent qu’ils ont dores et déjà choisi leur président, Jean-Pierre Bemba. « Le 30 juillet ne sert plus à rien, car nous avons déjà voté », crie la foule.
La maison de Bemba en flammes
Commune de la Gombe. Ici se trouvent la résidence et les militaires de Jean-Pierre Bemba. 13h30. Deux mirages déchirent le ciel. Quelques minutes plus tard, une épaisse fumée noire s’élève de la résidence de Bemba. On entend comme des coups de feu. Ce sont les munitions qui explosent au contact des flammes. Les gens crient, s’échappent du camp embrasé. On sort des valises en hâte. Des femmes pleurent déjà, se roulent de douleur au sol. On comprend que des proches sont toujours à l’intérieur. L’une d’elle veut retourner dans les flammes chercher son enfant, on la retient. Une femme au regard hébété se traîne littéralement, mitraillette en travers du corps. Les toutes premières rumeurs disent qu’il s’agit d’un court-circuit provoqué par l’allumage d’un téléviseur. De là serait parti l’embrasement. Puis vient la thèse du sabotage. Les deux mirages auraient bombardé le camp. On dit que ce serait un coup du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) de Joseph Kabila, jaloux du succès exceptionnel de Bemba au centre-ville.
L’Eufor, mission de la force européenne en RDC, aux commandes des mirages de l’après-midi, est pointée du doigt avec virulence. Un responsable a dû s’exprimer le soir même à la télévision pour tenter de dissiper les accusations. « Je comprends que les Congolais puissent être inquiets de voir des avions passer dans leur ciel, mais il s’agit de vols de reconnaissance, non armés. Il s’agit de faire de simples photos, parce que nos pilotes sont basés à Libreville, il faut bien qu’ils s’habituent un peu au terrain », explique-t-il calmement. Devant son poste de télévision, Jacques se lève et s’énerve : « Ils sont en train de mentir ! Pour faire ces reconnaissances, pourquoi n’ont-ils pas pris des hélicoptères ? En mirage, ce n’est pas possible… Ce sont eux ! » Lui a vécu la scène de très près, puisqu’il habite à trois maisons de la résidence de Bemba.
Saccages en série
Zamba playa, commune de Kasavubu. Le lieu de répétition du groupe Wenge Musika Maison mère, le groupe de Werrason, a été violemment attaqué. Le chanteur Werrason s’est ouvertement rangé du côté kabiliste, le 15 juillet dernier, lors du meeting de Joseph Kabila. Les opposants au PPRD ont utilisé tous les combustibles. Kin la belle à feu… et à sang. Bilan de l’émeute : un policier tué et trois blessés graves parmi les civils. Dans l’après-midi également, la Haute Autorité des Media (Ham) et l’Eglise armée de l’Eternelle du pasteur Soni Kafuta ont été saccagées. Soni Kafuta est un sympathisant du Président-candidat.
De son côté, la Ham est accusée de laisser la chaîne de télévision kabiliste Digital Congo continuer d’émettre. L’organe de régulation avait suspendu pendant 72 heures plusieurs media pour leur soutien inconditionné à certains candiats. Une suspension qui n’avait pas été respectée. Si l’évocation du simple nom du Président échauffe tant les esprits à Kinshasa, c’est que Jospeh Kabila est accusé par les uns d’être rwandais, par les autres d’être tanzanien… Jean-Pierre Bemba, lui, a été accueilli aujourd’hui comme un enfant du pays : « Aza mwana Congo », résonnait cet après-midi dans les rues de la capitale.
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