Kinshasa accuse Joseph Kabila de haute trahison et suspend les activités du PPRD


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L'ancien président congolais Joseph Kabila
L'ancien président congolais Joseph Kabila

Coup de tonnerre sur la scène politique congolaise ! Dans un tournant majeur de la crise sécuritaire qui ravage l’est de la République démocratique du Congo, le gouvernement congolais a annoncé l’ouverture de poursuites judiciaires contre l’ancien Président, Joseph Kabila Kabange, pour « participation directe » à l’agression armée orchestrée par le Rwanda à travers le mouvement rebelle M23, désormais associé à la nouvelle entité politico-militaire AFC. Dans la foulée, les autorités ont également ordonné la suspension de toutes les activités du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), formation fondée par l’ex-chef de l’État.

La tension entre le Président congolais, Félix Tshisekedi, et son prédécesseur, Joseph Kabila, prend une tournure dramatique en raison de deux mesures prises ce weekend par Kinshasa : l’ouverture de poursuites judiciaires contre Joseph Kabila, et la suspension de son parti politique, le PPRD.

Des poursuites pour « haute trahison »

Le ministre d’État à la Justice et garde des Sceaux, Constant Mutamba, a ordonné dans un communiqué officiel la saisine de l’auditeur général des Forces armées et du procureur général près la Cour de cassation pour initier des actions judiciaires contre l’ancien Président. Joseph Kabila est accusé de complicité active avec les forces ennemies qui occupent une partie de l’est du pays, au mépris de la souveraineté nationale.

Selon les autorités, l’ex-chef d’État aurait entretenu des liens étroits avec les commanditaires de l’agression rwandaise et leurs relais au sein du mouvement AFC/M23. Le gouvernement évoque une « participation directe » à cette rébellion armée, qu’il qualifie d’acte de haute trahison envers la nation. En conséquence, une série de mesures sévères a été engagée, dont la saisie de l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’ex-Président. Des restrictions de déplacement ont également été imposées à plusieurs de ses collaborateurs proches.

Le PPRD dans le collimateur

Dans un geste tout aussi symbolique que politique, le gouvernement a également suspendu les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. La décision a été prise par le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, en vertu des articles 29, 30 et 31b de la loi sur les partis politiques.

Dans son communiqué, le VPM dénonce l’attitude « ambiguë » de Joseph Kabila dans la crise actuelle. Son silence face à l’occupation de Goma par les forces pro-rwandaises est jugé « assourdissant », voire complice, surtout après son retour controversé dans cette ville sous influence ennemie, où sa sécurité aurait été assurée par les mêmes forces accusées d’agression. Ce retour inattendu, après près de deux ans d’absence, est interprété à Kinshasa comme un acte aux relents de duplicité.

Jacquemain Shabani accuse ouvertement l’ancien Président d’un « activisme troublant » et d’un comportement contraire aux obligations constitutionnelles incombant aux partis politiques, notamment la défense de l’unité nationale, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale.

Vers une recomposition du paysage politique ?

Ces développements marquent un basculement inédit dans l’histoire récente de la RDC. Joseph Kabila, Président de 2001 à 2019 et aujourd’hui sénateur à vie, était jusqu’à récemment resté en retrait de la vie politique active. Mais son retour et les accusations portées contre lui pourraient bien faire voler en éclats l’équilibre fragile issu de la transition démocratique.

À Kinshasa, certains hauts responsables vont plus loin encore, désignant ouvertement Kabila comme le cerveau de la résurgence du M23 sous l’étiquette AFC. Une accusation grave, lourde de conséquences, qui risque d’aggraver les tensions politiques alors que l’est du pays reste en proie à de violents affrontements et à une crise humanitaire persistante. La grosse question qui s’impose à l’esprit est de savoir si la RDC a besoin d’un tel scenario à ce moment précis. Les mesures que s’apprête à prendre le pouvoir contre l’ancien dirigeant ne risquent-elles pas de créer plus de problèmes que d’en résoudre ?

Une réponse politique à une crise militaire

En ciblant à la fois l’ancien Président et son appareil politique, le gouvernement du président Félix Tshisekedi semble vouloir envoyer un signal fort, à la fois à l’intérieur du pays et à ses partenaires internationaux. Il s’agit de montrer que l’État entend défendre sa souveraineté par tous les moyens, y compris en brisant les tabous liés à l’immunité des anciens chefs d’État.

Pour sa part, Joseph Kabila affirme vouloir contribuer au rétablissement de la paix. Mais pour les autorités en place, ses intentions sont loin d’être claires, et sa proximité supposée avec les forces d’occupation ne laisse guère place à l’ambiguïté. Alors que la situation sécuritaire continue de se dégrader à l’Est, cette série de décisions pourrait bien inaugurer une nouvelle phase de polarisation extrême dans la vie politique congolaise avec à la clé, un affrontement judiciaire et institutionnel de grande ampleur. Wait and see !

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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