Une explication de Kigali au sujet d’un incident diplomatique provoqué par le ministre rwandais des Affaires étrangères permet à la RDC et au Rwanda de reprendre le dialogue et d’envisager la reprise de relations diplomatiques normales après pratiquement huit ans de guerre. Démonstration par l’absurde.
De notre correspondant Octave Kambale Juakali.
Après l’orage, peut-être le beau temps entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. A l’origine : un incident diplomatique suffisamment grave pour provoquer la colère de pratiquement tous les Congolais. Début octobre, en effet, Charles Muligande, ministre rwandais des Affaires étrangères, recevant à Kigali le sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, accuse le gouvernement de la RDC de continuer d’entretenir financièrement et logistiquement les ex-Forces Armées Rwandaises (ex Far) ainsi que les milices Interahamwe encore présentes sur le territoire de la RDC. « Si cela perdure, avait-il déclaré, nous sommes prêts à intervenir de nouveau militairement au Congo ». Il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’échauffent à Kinshasa, du simple citoyen aux hommes politiques.
Rattraper le temps perdu
La colère de Kinshasa a dû avoir un impact particulièrement significatif pour que le Président du Rwanda, Paul Kagame, décide de dépêcher le fautif en RDC pour réparer sa gaffe. Aux lendemains de sa réélection à la tête de l’Etat, Paul Kagame ne veut plus donner l’impression d’être resté le même seigneur de guerre qui a écumé la région des Grands Lacs pendant près d’une décennie. Aussi Charles Muligande a-t-il passé 36 heures difficiles et délicates à Kinshasa, du 20 au 21 octobre 2003, où il a pu rencontrer toute la hiérarchie politique du pays. « Nos deux pays ont passé trop de temps à se chercher des noises, a-t-il déclaré. Il est temps de taire nos divergences et de construire une coopération plus efficace. Avec les autorités congolaises, nous avons envisagé la reprise progressive de relations diplomatiques normales entre Kigali et Kinshasa ». Inimaginable il y a quelques mois. La visite à Kinshasa d’un ministre des Affaires Etrangères du Rwanda constitue une véritable première.
De la présence en RDC de groupes armés, ex-Far ou milices Interahamwe, il en a été fortement question au cours des différentes rencontres entre Charles Muligande et les autorités congolaises. Kigali parle tantôt de 45 000 hommes, tantôt de 30 000 hommes encore sur le territoire congolais prêts à envahir le Rwanda. Kinshasa a promis de travailler de concert avec la Monuc (Mission des Observateurs de l’Onu au Congo) pour neutraliser tous les groupes armés et rendre la frontière rwando-congolaise plus sûre. La Monuc, qui reconnaît n’avoir pas réussi à rapatrier tous les Rwandais réfugiés au Congo sur la base d’un retour volontaire, s’étonne néanmoins que le Rwanda accuse le Congo d’entretenir des groupes armés rwandais. « Les Rwandais ont administré ce territoire qu’ils disent infesté par les ex-Far et les milices Interahamwe sans réussir ni à les débusquer ni à les déloger », avait déclaré le général Moutanga Diallo, le chef d’état-major de la Monuc. Mais il n’empêche. La visite de Charles Muligande à Kinshasa a beaucoup intéressé l’organisation onusienne, qui, par le truchement de son patron, M. William Swing, a été la première à « féliciter les gouvernements de la RDC et du Rwanda pour cette importante première étape franchie dans la mise en application des principes de relations de bon voisinage et de coopération entre la RDC, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda adoptés à New York le 25 septembre dernier ».
La méfiance persiste
Il serait cependant exagéré de dire que la confiance est revenue entre les deux pays voisins. Autant les Rwandais soupçonnent les Congolais d’entretenir des groupes armés hostiles à Kigali, autant les Congolais accusent les Rwandais non seulement de n’avoir jamais quitté le Congo mais aussi d’y revenir sous des formes déguisées, en dépit des accords de New York. Au moment même où le ministre rwandais des Affaires étrangères visitait le Congo, des organisations des droits de l’Homme signalaient la présence sur le territoire congolais, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, de troupes de l’Armée Patriotique Rwandaise. Accusations bien entendu rejetées par le ministre rwandais mais confirmées, le 23 octobre à Kinshasa, par Amnesty International. C’est sur cette toile de fond de méfiance réciproque que le ministre congolais en charge de la coopération régionale, Mbusa Nyamwisi, entame, cette semaine, une tournée diplomatique qui le conduira à Kampala et à Kigali en vue de diminuer la tension sur la frontière entre les deux pays et la RDC. L’Ouganda comme le Rwanda souhaitent la reprise des relations diplomatiques avec Kinshasa. Avec la guerre, les bâtiments abritant les ambassades des deux pays ont été pillés et nécessitent une remise en état.