Un projet éducatif dans le nord-ouest de la Tanzanie lancé par un Burundais. Ce n’est autre que le Kigoma college by radio (Kicora) lancé par Deo Baribwegure et fonctionnel depuis janvier 2007. Formation et sensibilisation à distance profitent à quelque 300 personnes dans la région enclavée de Kigoma. L’acquisition d’un émetteur radio, étape ultime du projet, devrait lui donner toute son ampleur.
La formation à distance adaptée aux contraintes locales. Kigoma college by radio (Kicora) en est la parfaite illustration. En attendant de rendre opérationnel l’enseignement par la radio. Kicora participe à éduquer les populations d’un point de vue académique et social. On transmet le savoir et on permet aux citoyens d’être informés de leurs droits civiques, d’être sensibles à la promotion de la femme et à la protection de l’environnement à Kigoma. Une région, dans le nord-ouest de la Tanzanie, qui s’étend sur 40 000 km² et où vivent environ deux millions de personnes.
Une éducation sociale et économique
L’initiative est celle de Deo Baribwegure et trouve son origine dans une expérience douloureuse vécue par le Burundais. A la veille de se rendre en Belgique, où il doit faire son doctorat, Deo est arrêté sans aucune justification. Il sera relâché un an plus tard sans qu’on ne lui explique jamais les raisons de sa détention. « Quel est ce pays, pense-t-il alors, qui emprisonne sans raison ses intellectuels ? Quel est cet Etat dirigé par des gens qui ont pourtant reçu une éducation et qui semblent en faire fi dans la gestion du pays ? Que faisons-nous de ce qu’on apprend ? ». La conclusion semble évidente pour le biologiste : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Deo Baribwegure est plus que jamais convaincu que l’éducation doit être avant tout un préalable à la constitution d’une société civile responsable et capable de se prendre en charge, contrepoids à un Etat souvent défaillant ou qui a fait de l’arbitraire une méthode de gouvernance.
En 1997, Deo Baribwegure finit par effectuer son voyage en Belgique où il fait une rencontre capitale : celle du député allemand Alois Graf, comte de Waldburg-Zeil, qui lui suggère de se tourner vers l’éducation par la radio. Le parlementaire lui parle de l’expérience de ces radios en Amérique centrale, une région qu’il connaît bien. Avec le soutien de l’homme politique allemand, Deo Baribwegure est partant et entend mettre en œuvre ce projet dès son retour au pays. Mais c’est compter sans la guerre qui ravage désormais le Burundi. Il se tourne vers la Tanzanie voisine et la région frontalière de Kigoma, pauvre, enclavée, « oubliée » de l’Etat tanzanien. La forte présence des agences des Nations unies, du fait de la présence massive de réfugiés, a « dollarisé » une économie qui fragilise des populations déjà fort démunies. « C’est une région qui se situe à plus de 1400 km de la capitale tanzanienne Dar-es-salam. Plus d’un million de réfugiés, en provenance notamment du Burundi ou de la République Démocratique du Congo voisine, y vivent. Le niveau d’éducation est faible et le sida fait des ravages.» Kigoma s’avère le lieu idéal pour tenter cette expérience d’enseignement à distance par la radio, un bon moyen selon Deo Baribwegure, « de toucher les gens chez eux ». A partir de 2000, il se rend chaque année à Kigoma pour sensibiliser les populations et les autorités locales à son initiative. Deo Baribwegure y fera des allez-retours réguliers jusqu’à son installation définitive en 2007 où le projet devient fonctionnel en janvier. Un an plus tard, il est récompensé par la première édition du concours Harubuntu, qui valorise les potentiels africains, dans la catégorie société civile.
Toucher encore plus d’élèves avec la radio
La distinction vient saluer un travail de longue haleine et un projet qui s’est mis en place par petites touches. Un ordinateur, puis une imprimante pour les manuels scolaires, édités en kiswahili et conformes au programmes de l’Education nationale tanzanienne. La radio est un projet fédérateur qui réunit toutes les sensibilités religieuses. « Kigoma est une région très sensible sur le plan religieux. Notre conseil d’administration est composé de 11 membres, 5 musulmans et de 5 chrétiens représentant les autorités locales, la société civile et le secteur privé. Nous essayons de faire de Kicora un liant pour la communauté. » L’enseignement de Kicora s’adresse à des adolescents et adultes à partir de l’âge de 14 ans. «Notre méthode est basée sur l’enseignement volontaire, précise Deo Baribwegure. « Les élèves » sont encadrés par deux types d’enseignants : ceux qui préparent les cours, plus d’une dizaine de personnes, et les facilitateurs. Une quinzaine encadre les 300 élèves de Kicora. Le facilitateur rencontre régulièrement les élèves pour suivre ensemble les leçons résumés sur des supports audio ou MP3 en kiswahili ou pour revenir sur des points qui n’ont pas été compris. Chaque élève reçoit deux manuels : un pour les programmes scientifiques, l’autre pour la littérature et les sciences humaines. « Le programme est intensif. Ils font l’équivalent de deux niveaux en 4 mois de cours, à partir d’un niveau qui correspond à la 4e année du primaire dans le cursus normal. » Les programmes sont reconnus par l’Etat tanzanien et permettent à ses bénéficiaires de se présenter aux examens nationaux.
Aujourd’hui, Deo Baribwegure attend de pouvoir faire de Kicora ce véritable outil d’éducation par la radio auquel il consacre sa vie depuis plus de sept ans. Sa motivation est celle d’un homme qui veut contribuer au développement de son continent, conscient des enjeux environnementaux de son monde – il voudrait que la future radio fonctionne à l’énergie solaire et qu’elle soit reçue par des transistors qui n’utilisent pas l’énergie électrique –, et surtout qui souhaite toucher le maximum de personnes avec son projet éducatif. « Un millier » prévoit Deo Baribwegure.
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