Kgalema Motlanthe, le vice-président du Congrès national africain (ANC), a été désigné lundi président de la République d’Afrique du Sud. Il remplace Thabo Mbeki, qui a démissionné hier, suite à l’injonction de l’ANC.
Avec Panapress
En choisissant son vice-président, Kgalema Motlanthe, 59 ans, pour occuper la fonction de chef d’Etat, le Congrès national africain (ANC) a voulu annihiler tout risque de crise politique en Afrique du Sud. Politicien modéré, fin stratège et très populaire au sein de son parti, M. Motlanthe est moins controversé que le président de l’ANC, Jacob Zuma. Ces derniers mois, il a d’ailleurs mené une campagne de réconciliation dans le pays, afin de rassurer la minorité blanche et les investisseurs étrangers inquiets de bientôt voir Jacob Zuma succéder à Thabo Mbeki.
M. Motlanthe « sera le nouveau président, pas un président par interim, il sera le président de la République jusqu’aux élections » générales au 2ème trimestre 2009, a déclaré le porte-parole du groupe parlementaire de l’ANC, K. K. Khumalo, à l’issue d’une réunion du groupe parlementaire au Cap. En obtenant ces pleins pouvoir, le nouveau président pourra constituer un vrai gouvernement de transition et devrait pouvoir gérer au mieux les problèmes du pays.
Thabo Mbeki rappelle les défis qui attendent le pays
Thabo Mbeki a confirmé, dimanche soir, dans un discours à la nation avoir remis au Parlement sa lettre de démission. « J’ai aujourd’hui remis à l’Honorable présidente du Parlement, Baleka Mbete, ma lettre de démission de l’éminent poste de président de l’Afrique du Sud », a-t-il déclaré lors de son intervention diffusée en direct par la télévision.
Dans son discours, le président Mbeki a abordé bon nombre des questions qui ont conduit au premier limogeage d’un président sud-africain de l’ère post-apartheid. Il a déclaré être un militant loyal du Congrès national africain (ANC), et s’est dit heureux de pouvoir respecter les décisions de sa formation.
Thabo Mbeki a consacré une importante partie de son discours au détail des réalisations à inscrire au bilan de son gouvernement de l’ANC depuis 1994. Il s’est également déclaré loyal, tout en insistant sur certaines des réalisations de son administration dans les domaines social et économique.
« Nous devons reconnaitre qu’il nous reste encore de nombreux défis à relever à cet égard », a-t-il affirmé. Il a tout particulièrement insisté sur le système de la justice pénale, qui devrait œuvrer à l’intensification de la lutte contre la criminalité et promouvoir la renaissance morale. « Je vous remercie très sincèrement de m’avoir donné la possibilité de vous servir », a ensuite affirmé Thabo Mbeki, en concluant une intervention qui a été suivie par des millions de Sud-africains.
Samedi, le parti au pouvoir avait annoncé sa décision de « rappeler » Mbeki, suite au commentaire accablant du juge Chris Nicholson, de la Haute Cour de Pietermaritzburg, qui avait, en rendant sa décision, accusé Mbeki d’avoir tenté d’influer sur la procédure judiciaire enclenchée contre le président de l’ANC, Jacob Zuma. Un acte qui constituait une violation des dispositions de la Constitution.
L’opposition sud-africaine salue la sortie « digne » de Mbeki
L’Alliance démocratique (DA), l’opposition officielle en Afrique du Sud, estime que la manière « digne » dont le président Thabo Mbeki a géré sa sortie permet d’espérer une certaine continuité dans les instances gouvernementales d’ici à la prochaine élection.
Pour le leader de la DA, Helen Zille, « le gouvernement doit maintenant regarder vers l’avenir et réfléchir à ce qui est dans l’intérêt supérieur de notre pays ». « Surtout, il est essentiel que le gouvernement soit stable. Une purge totale des ministres, particulièrement ceux qui ont bien rempli leur mission, aurait des conséquences désastreuses. Ceci doit être évité à tout prix », a-t-elle ajouté.
Mme. Zille a analysé que la démission forcée du président est clairement motivée par l’ANC soucieuse de trouver « une solution politique » aux problèmes juridiques de M. Zuma. D’après elle, la manière « vicieuse » dont M. Mbeki a été contraint à rendre le tablier par ses ennemis a choqué la nation. « En conséquence, l’ANC s’en trouve irrévocablement divisée, de même que ses militants. Ironie du sort, le président Mbeki a évoqué la valeur africaine de l' »Ubuntu » (j’existe à travers toi en zoulou), qui lui a été clairement refusée par son propre parti ».
« J’appelle depuis longtemps à un regroupement des politiques pour unir tous les Sud-africains qui veulent défendre la Constitution et les acquis de notre démocratie. Nous devons résister ensemble aux va-t- en-guerre hostiles à la Constitution qui ont pris les rênes de l’ANC. Notre heure est venue maintenant. Nous devons redoubler d’efforts pour réunir tous ceux qui croient en la Constitution afin de nous opposer à la soif de pouvoir et aux abus de pouvoir de l’ANC de Jacob Zuma ».
La future gouvernance Zuma inquiète nombre de sud-africains. Cependant, l’attitude de Thabo Mbeki, qui a accepté de se retirer sans essayer de s’accrocher au pouvoir par les moyens les plus brutaux, reste exemplaire. Elle prouve qu’en Afrique du Sud, le respect de la démocratie n’est pas un vain mot . Gageons que Jacob Zuma respecte lui aussi, une fois au pouvoir, la volonté de son parti et du peuple sud-africain.
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