Kery James revient dans les bacs. Le rappeur d’origine haïtienne sort ce 31 mars son nouvel opus, A l’ombre du show-business. Un album composé de titres engagés – dont le fameux « Banlieusards » – que l’artiste a dévoilés lors d’un concert privé au Réservoir, à Paris, le 26 mars dernier. Ambiance.
Kery James n’est pas grand, mais il est captivant. Même les profanes ne restent pas insensibles à son charisme. Il faut dire que le rappeur d’origine haïtienne sait résolument y faire. A peine a-t-il posé le pied sur la scène qu’il en jette. Pas besoin de grands gestes. Les textes forts suffissent. Et A l’ombre du show-business en fait partie.
Exemple avec « Banlieusards », l’un des titres phares du nouvel album de l’artiste trentenaire. Cette ode aux quartiers rappelle qu’il y a « deux France ». « Moi je suis de la deuxième France, celle de l’insécurité, des terroristes potentiels, des assistés. C’est c’qu’ils attendent de nous mais j’ai d’autres projets, qu’ils retiennent ça. Je ne suis pas une victime mais un soldat », déclame Kery James, les yeux fermés, le corps contracté, les veines des tempes gonflées.
« Pas condamné à l’échec »
Cette chanson n’est pas juste un brûlot contre les injustices. « Ceci n’est pas une plainte, c’est une révolution », précise-t-il, pour enjoindre les banlieues à prendre leur destin en main. Pas à le subir. « Il ne suffit pas de chanter, « regarde comme ils nous malmènent ». Il faut que tu apprennes, que tu comprennes et que t’entreprennes avant de crier « c’est pas la peine ! Quoi qu’il advienne, le système nous freine ! » A toi de voir ! T’es un lâche ou un soldat ? Brandis l’épée du courage, entreprends et bats toi ! ».
Et l’ex-rappeur du groupe Idéal J de lancer, avec la foule en chœur : « On n’est pas condamné à l’échec ». Un appel plein d’espoir qui expose les faits, sans critiquer. Enfin si, un peu. « Qu’a-t-on fait pour nous-mêmes ? Qu’a-t-on fait pour protéger les nôtres des mêmes erreurs que les nôtres ? Regarde c’que deviennent nos petits frères. D’abord c’est l’échec scolaire, l’exclusion donc la colère, la violence et les civières, la prison ou le cimetière »,
Kery James ne manque pas d’évoquer dans ce titre fleuve (7’56) l’Afrique qui lui est si chère. « Regarde moi, j’suis noir et fier de l’être. J’manie la langue de Molière, j’en maîtrise les lettres. Français parce que la France a colonisé mes ancêtres. Mais mon esprit est libre et mon Afrique n’a aucune dette », indique cette boule d’énergie arborant fièrement le tee-shirt noir manche longues du collectif de rappeurs africains Mafia K’1 Fry, auquel il appartient et dont l’un des membres l’accompagne sur une chanson.
Changement de ton avec « Vrai Peura ». Traduction : « vrai rap », pour ceux qui seraient fâchés avec le verlan. Kery James se déchaîne sur ce morceau résolument nerveux qui crache sur le rap commercial et leurs producteurs. « Je n’accepte aucune pression des maisons de disques. J’y suis hostile, j’suis authentique. On s’en fout d’tes conditions, on n’a pas les mêmes ambitions : nous on fait du vrai peura ! Tu veux du rap sans opinion, sans prise de position. Non ! On fait du vrai peura ! ».
Pas de doute, les spectateurs ont apprécié le show. Ils en ont même redemandé. Mais, malgré les rappels, Kery James n’est pas revenu. Il flottait alors dans l’air une légère frustration. A l’allumage des lumières, l’assistance, résignée, s’est égrenée, grisée par les décibels. Certains se consoleront en écoutant enceintes tambourinantes A l’ombre du show-business, sur lequel de nombreuses personnalités chantent en featuring. Comme Grand Corps Malade, Zaho, Vitaa, Kayna Samet et… Charles Aznavour, qui s’exprime sur le morceau d’où le nom de l’opus est tiré.
Habibou Bangré, pour Parisiens du bout du monde
Commander A l’ombre du show-business, Kery James, Warner, 2008