Alix Mathurin, alias Kery james, arrive avec un nouvel album très attendu A l’ombre du show bizness (Warner). De nombreux invités sont présents sur cet opus sorti fin mars, notamment Charles Aznavour, Mafia K’1 Fry, Vitaa et Grand Corps Malade. Un disque, tout simplement fracassant.
A 31 ans, Kery James, l’un des artistes les plus respectés dans le milieu du Rap français, sort son quatrième album solo : «A l’ombre du show bizness». Il fait suite au buzz créé par les titres Le Combat continue part 3 et Banlieusards le titre rempli d’espoir. Le Franco-Haïtien, surnommé le Sage dans le milieu Hip Hop chante depuis l’âge de 12 ans. Son Intelligent, charismatique, il s’impose naturellement. A travers ses textes, il se raconte ainsi que la vie des jeunes issues des quartiers populaires. Leader du collectif Mafia K’1 Fry, Kery nous revient plus mûr et plus posé.
Afrik.com : Ton album très attendu dans le milieu du Rap français est enfin dans les bacs. Comment appréhendes-tu cette sortie ?
Kery James : On a tout fait pour créer cette attente. Si cet album marche, on aura montré une autre manière de faire du marketing. J’ai annoncé la sortie depuis l’année dernière. On a également sorti deux clips avant l’album. J’ai un lien très particulier avec mes internautes via mon myspace et mon blog. Aujourd’hui cette pression devient autre et j’espère que les gens seront vraiment au rendez-vous.
Afrik.com : Pourquoi avoir intitulé ton album « A l’ombre du show bizness » ?
Kery James : C’est un des titres le plus forts de l’album. J’estime être un artiste qui a toujours été à l’ombre du show bizness. J’ai fait des choix dans ma vie qui ne plaisaient pas forcément au show bizness, que ce soit à l’époque où je faisais du Rap dit hardcore (Rap aux paroles jugées violentes, ndlr) ou dit conscient. Je portais certaines valeurs qui dérangeaient donc, j’étais à l’ombre du show bizness. C’est une place à laquelle je me sens bien, car que je ne sais si je peux vraiment supporter tout ce que ça peut engendrer d’être dans ce système. C’est également un titre sur laquelle Charles Aznavour nous fait honneur d’intervenir. C’est un morceau qui défend le Hip-Hop et le Rap. Je l’ai écrit de manière poétique. Il était important pour moi d’avoir une personne qui ne soit pas du milieu du Rap et avec qui j’ai des points communs. Charles Aznavour a lui-même été longtemps à l’ombre du show bizness avant d’exploser. C’est quelqu’un qui se défend lui-même dans ses interviews en tant que fils d’immigré et c’est une expression que j’ai souvent utilisée dans mes textes.
Afrik.com : Justement comment s’est fait la rencontre avec Charles Aznavour pour ce morceau?
Kery James : Ça c’est fait grâce à Jean Rachid (le gendre de Charles Aznavour), qui est le producteur de Grand Corps Malade et qui est très proche de Charles Aznavour. La participation de Charles Aznavour à ce morceau n’est pas une simple collaboration, c’est un pas qu’il a fait vers toute une jeunesse, vers toute une génération et tout un mouvement musical. Il a pris à contre pieds l’attitude un peu bloquée que peut avoir le show bizness par rapport au mouvement Hip-Hop.
Afrik.com : Comment caractériserais-tu ce nouvel album ?
Kery James : Cet album est pour moi le meilleur de ce que j’ai pu faire dans ma carrière d’un point de vue artistique. C’est en harmonie avec les deux univers dans lesquels j’ai évolué. Sur mes deux précédents opus, notamment Le combat continue (Idéal J) et Si c’été à refaire, c’est un message social fort et une puissance musicale qui en ressort.
Afrik.com : Dans le milieu du Rap français, beaucoup te surnomment le sage ou le pape, qu’en penses- tu ?
Kery James : (Sourire) J’ai fait des choses tout au long de ma carrière qui ont pu donner aux gens cette image de sage dans le milieu du Rap français, mais j’essaie le plus possible de m’en décoller. Car je suis un homme et je peux parfois avoir mes coups de folie, et être impulsif comme tout le monde. Cette étiquette n’est pas facile à assumer.
Afrik.com : C’est pour cette raison que tu as écrit «Le combat continue Part 3» ?
Kery James : En fait, ce morceau fait suite aux événements de l’été dernier, toutes ces histoires de clash et de règlement de compte, les messages interposés sur Internet qui pour moi n’étaient qu’une tentative de déstabilisation de la part de certaines personnes mal intentionnées.
Afrik.com : Dans « Vrai peu-ra » tu t’en prends très durement aux Majors et aux médias. Pourquoi ?
Kery James : C’est une réponse à la censure qu’on tenté d’imposer les maisons de disques et les radios. L’album de Mafia K’1 Fry, qui a failli ne jamais voir le jour, car certainement ils ne voulaient plus entendre un certain type de Rap et un certain discours ayant une résonance politique. Tout ce qui prenait partie contre le pouvoir en place devait être étouffé, alors que c’est l’essence même du Rap que de défendre des idées et de s’opposer quand cela est nécessaire.
Afrik.com : Tu avais pourtant pris tes distances avec la Mafia K’1 Fry. Pourquoi ce retour ?
Kery James : Lorsque j’ai pris mes distances avec le collectif, c’était pour me restructurer. La Mafia k’1 Fry, à cette époque, était un groupe de rap et d’amis. Mais on était étroitement liés à la vie de rue et au bizness, donc j’ai dû m’en éloigner pour pouvoir me ressourcer. Aujourd’hui, la Mafia k’1 Fry est toujours un groupe d’amis soudés, de professionnels. Participer de nouveau à l’album m’a renforcé artistiquement en me collant aux réalités.
Afrik.com : Tu es très attaché à l’Afrique et à ses valeurs. Pourquoi ?
Kery James : Etant d’origine haïtienne, je suis totalement conscient que nos ancêtres étaient des esclaves venus d’Afrique. Mon africanité est donc une évidence pour moi et je ne peux pas concevoir que quelqu’un puisse le nier, de plus j’éprouve une grande fierté car Haïti est le 1er pays noir à avoir eu son indépendance.
Afrik.com : On dit que le Rap français est en crise. Quelle en est la cause, selon toi?
Kery James : On est dans une période où il y a beaucoup de productions mais très peu de qualité. Il est aujourd’hui très facile de sortir un disque, alors qu’avant ce n’était pas du tout évident. Avec Internet, on peut se créer un buzz basé sur autre chose que la qualité artistique, ce qui fait beaucoup de déchets pour très peu de qualité et cela fait beaucoup de mal au Rap français.
Afrik.com : Que penses-tu lui apporter avec ce nouvel album ?
Kery James : En réalité, ce nouvel opus ne va pas apporter quelque chose de nouveau. Il va plutôt ramener le Rap français à ce qu’il était à l’origine. C’est un disque avec un message social, un coté novateur musicalement parlant. Avant, on pouvait reconnaître l’univers d’un groupe comme La Cliqua qui n’était pas du tout le même que celui de 2bal/2neg ou de Lunatic. Ce disque défend les vraies valeurs du Hip-Hop, quelque chose qui c’est tellement perdu. Si ce disque rencontre son public et qu’il obtient un vrai succès, il aura de l’influence sur ce que les autres feront par la suite.
Commander A l’ombre du show-business, Kery James, Warner, 2008
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