Un projet de loi actuellement débattu au Sénat kenyan fait des vagues. Porté par le sénateur Aaron Cheruiyot, cet amendement propose de protéger les entreprises donneuses d’ordre, principalement les géants de la technologie, de toute poursuite judiciaire de la part des employés de leurs sous-traitants locaux.
Cette initiative vise à maintenir la compétitivité du Kenya sur le marché mondial des technologies, en rivalité avec des puissances comme l’Inde et les Philippines.
Les employés face à un mur juridique
Selon le texte, les sous-traitants kényans seraient désormais les seuls responsables des conditions de travail de leurs employés. Ces derniers, pour toute réclamation, ne pourraient plus engager de poursuites contre les commanditaires internationaux, même en cas de violation de leurs droits. Le sénateur Cheruiyot insiste néanmoins sur le fait que les salariés continueront de bénéficier des protections offertes par le droit du travail kényan.
Un contexte juridique tendu
Ce projet d’amendement survit dans un climat déjà marqué par des tensions entre les entreprises de la tech et leurs sous-traitants locaux. En octobre, un tribunal kényan avait jugé recevable une plainte déposée par 185 anciens modérateurs de Facebook contre Sama, le sous-traitant local de Meta. Les employés dénonçaient des conditions de travail indignées et des licenciements abusifs. Cette décision judiciaire a ouvert une brèche, en permettant à des multinationales comme Meta d’être jugées au Kenya, une première qui a suscité de nombreuses réactions.
Des critiques virulentes
Le Kenya Union of Gig Workers (KUGWO), syndicat des travailleurs indépendants, n’a pas tardé à réagir. Pour le syndicat, cette réforme pourrait fragiliser encore davantage les droits des travailleurs kényans face aux puissantes multinationales.
Compétitivité ou régression sociale ?
Pour le sénateur Cheruiyot, cet amendement est un outil stratégique pour renforcer la position du Kenya comme hub technologique en Afrique. Il souligne le potentiel de création d’emplois, avec des milliers de postes déjà existants et des millions envisagés dans le futur. Mais ses détracteurs estiment que cette approche privilégie les intérêts des entreprises au détriment de la justice sociale.
Un débat central pour l’avenir du travail au Kenya
Alors que le Sénat s’apprête à trancher, cette proposition accentue un dilemme : comment attirer les investissements étrangers tout en protégeant les droits des travailleurs ? La décision finale aura des répercussions majeures non seulement pour le secteur technologique kényan, mais aussi pour le modèle économique et social du pays.