Suivant le Manuel de l’armée de terre des États-Unis (1996), « dans la guerre, l’information est la clé de la victoire ». Chaque bon soldat sait que les guerres conventionnelles et non-conventionnelles sont menées sur plusieurs fronts. Aujourd’hui, pour aboutir à la victoire, il ne suffit pas de gagner des batailles importantes sur le terrain, mais il faut également gagner les cœurs et les esprits des gens dans les pays ou territoires de l’assaut. L’exploitation stratégique des informations est essentielle dans toute guerre ou bataille et peut influer sur le résultat final du conflit. Même les putschistes militaires savent que pour déloger un régime politique existant, ils doivent d’abord saisir les stations de radiodiffusion nationales pour contrôler la circulation de l’information, attiser les émotions contre le régime et garder le soutien du peuple.
Les organisations terroristes ont mené des campagnes d’information (ou désinformation) comme moyen de transmettre leur idéologie extrémiste et d’instiller un maximum de peur au sein des populations. Les groupes terroristes comme les shebab utilisent à la fois les médias grand-public et les réseaux sociaux pour impulser de nouvelles attaques et façonner l’opinion publique. Bien que les shebab aient sensiblement perdu la guerre sur le terrain, après avoir été délogé par les Forces de défense du Kenya (KDF) d’une grande partie du territoire qu’ils détenaient dans le sud de la Somalie, les militants semblent gagner la guerre psychologique au Kenya.
Le nouveau récit des shebab selon lequel le Kenya devrait retirer ses forces de la Somalie a été soutenu par des médias locaux qui mobilisent constamment des « experts » superficiels et l’opposition politique pour répandre la propagande de ces terroristes comme l’ultime panacée aux attaques terroristes répétées dans le pays. Ce que ces professionnels des médias et ces politiciens oublient est que les shebab capitalisent sur la diffusion de la haine, la peur et l’indignation parmi les Kényans ordinaires pour atteindre un objectif politique : le retrait de KDF de la Somalie. Et certains médias locaux, journalistes et politiciens sont pris au piège en exhortant le gouvernement à accéder aux demandes des terroristes.
Ils ne peuvent pas prospérer sans les médias. Ils adorent cette publicité qui permet de propager leur idéologie et leurs objectifs. L’exposition médiatique leur permet également de répandre la peur et le découragement parmi les victimes réelles et potentielles. La technologie a créé un espace virtuel sans limites et les médias sociaux qui ont donné aux organisations terroristes un moyen très utile et abordable pour répandre leur propagande, idéologie extrémiste, recruter de nouveaux adeptes et mobiliser des ressources.
Depuis novembre 2011, les shebab ont créé et maintenu des comptes réels et fictifs dans les médias sociaux à cette fin. Les blogueurs et les militants des médias sociaux font une la propagande active. Les grands médias et les journalistes accrédités, aussi désireux de rivaliser avec les blogueurs, sans le vouloir, relayent la même information au grand public qui la prennent invariablement pour une vérité évangélique. De même, la concurrence entre les maisons de presse locales pour obtenir et relayer les informations permettant de capter l’audience publique, booster leurs parts de marché et accroître leurs recettes, a donné aux shebab l’opportunité d’influencer l’opinion publique. En conséquence, les shebab deviennent de plus en plus impitoyables et exposent leur cruauté pour attirer les médias et mobiliser l’attention et l’indignation.
Les professionnels des médias doivent se rendre compte que les terroristes sont prêts à tout faire pour les manipuler et les utiliser. Certains reporters peuvent être soudoyés et certains éditorialistes crédules manipulés pour chercher des informations à partir de blogs et de faux comptes exploités par des groupes terroristes. Outil rêvé de propagande. Le Secrétaire de Cabinet Joseph Nkaissery a censuré les médias locaux pour avoir diffusé, à plusieurs reprises, des chiffres exagérés sur le nombre de victimes de la récente attaque des shebab au Yumbis à Garissa County.
Les premiers scoops diffusés par certains médias et certains journalistes sur les évènements du 26 mai 2015 les ont montré comme des monstres prêts à tout pour répandre la guerre. Cette propagande reposait sur des sources peu fiables. Certains médias sont trop vulnérables à la manipulation par les shebab. A la recherche du scoop, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont les principaux promoteurs des atrocités de ces groupes. Ces journalistes doivent se rappeler que les shebab sont un groupe terroriste qui n’a aucune chance de vaincre sur le terrain le KDF ou les forces de l’Union Africaine en Somalie. Raison pour laquelle la « crédibilité » du groupe ne repose que sur la guerre psychologique à travers la violence à l’égard des civils et sa volonté affichée de gagner de nouveaux territoires.