Des millions de Kényans ont suivi le débat à la télévision des huit candidats à la présidentielle, dont le premier tour est prévu le 4 mars. Un moment historique car un tel évènement ne s’était auparavant jamais produit au Kenya.
A Nairobi,
C’est une première dans l’histoire du Kenya. Des millions de Kényans ont assisté pour la première fois lundi à un débat retransmis à la télévision entre les huit candidats en lice à la présidentielle, dont le premier tour se déroulera le 4 mars. L’occasion pour tous ceux qui s’interrogeaient sur leur futur président de voir la position des candidats sur des sujets tels que le tribalisme, les affaires de justice mises devant la Cour pénale internationale (CPI), la sécurité ou encore l’éducation.
Diffusé sur plus de six chaînes de télévision et 34 stations de radio, le débat a suscité beaucoup d’engouement au sein de la population.
L’audience est estimée à 40 millions. Il a aussi rapidement été relayé dans le monde entier par les réseaux sociaux tels que Twitter. Sur la toile, les électeurs ont longuement débattu sur les différents candidats. Le Kenya est l’un des pays les plus actifs sur les réseaux sociaux en Afrique.
La question ethnique, un dossier épineux
Les huit candidats étaient attendus au tournant. Après leur entrée en scène, ils se sont serrés la main, avant de chanter l’hymne national pour l’évènement le plus important dans l’histoire du pays, retransmis à la télévision et la radio. Ils disposaient chacun de deux minutes pour répondre à chaque question. Leur temps de parole était minutieusement supervisé par deux célèbres présentateurs de la télévision locale. Le débat, très inspiré de l’Occident, a été divisé en plusieurs parties.
L’un des premiers sujets mis sur la table est la question ethnique, sujet encore aujourd’hui sensible dans le pays car nombre de personnes votent en fonction de l’appartenance ethnique. Les candidats ont unanimement affirmé sur ce dossier épineux qu’il n’y avait « qu’un seul Kenya et que les Kényans doivent s’unir au delà de leur groupe ethnique ». Martha Karua, la seule femme candidate, s’est particulièrement distinguée des autres sur le thème de la corruption qui, selon elle, constitue la racine des problèmes du Kenya.
Kenyatta devant le banc des accusés
La question de savoir si Uhuru Kenyatta, vice-Premier ministre et ministre des Finances, pouvait continuer à diriger le pays tout en étant accusé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) a aussi été soulevée. Martha Karua, la seule femme candidate, très critique à l’encontre du gouvernement, a pointé du doigt ses deux concurrents, affirmant qu’il serait sage pour eux de se retirer jusqu’à que la question soit élucidée. « Nous avons des lois. Si vous êtes suspectés de crime, vous devez alors vous retirez », a-t-elle déclaré.
La riposte de Uhuru Kenyatta ne s’est pas faite attendre : « Le problème est que la plupart des Kényans font face à des défis personnels et moi aussi je prends les choses comme un défi personnel », a-t-il déclaré. « Je suis convaincue que mes collègues d’ici ont aussi d’autres défis à relever mais qui ne nous empêchent pas de faire face à la réalité quotidienne ».
Kenyatta et Odinga en tête des sondages
Très médiatisés, Uhuru Kenyatta, en tête des sondages, suivi du Premier ministre kényan Raila Odinga ont particulièrement marqué les esprits lors du débat. Alors que les Kényans pensaient que leur confrontation serait houleuse, les deux hommes ont finalement eu des échanges très respectueux. Raila Odinga a d’ailleurs fait rire l’audience en déclarant : « Je pense que se sera difficile pour Kenyatta de diriger le pays via skype ».
Le débat a aussi permis de découvrir d’autres candidats, dont Peter kenneth vu comme le troisième favori. Il a adopté le même slogan que le président américain Barack Obama mais en swahili. Très jeune et dynamique, n’ayant aucun lien avec le gouvernement, il a impressionné le public avec ses réponses pertinentes.
Les candidats craignent tous le spectre des sanglantes élections post-électorales de 2007-2008, où les affrontements ethniques avaient fait 1.200 morts et des centaines de milliers de déplacés. Pour ne pas revivre cette page sombre de l’histoire du pays, ils ont d’ores et déjà annoncé qu’ils accepteraient les résultats même en cas de défaite. « Le Kenya est beaucoup plus grand que n’importe quel individu et je crois qu’une élection démocratique et transparente donnera aux Kényans le président qu’ils veulent », a déclaré Uhuru Kenyatta.
Le prochain débat, qui aura lieu le 25 février, portera sur des questions liées à la terre, la politique étrangère et l’économie.