Les diplomates occidentaux ont rejeté les résultats annoncés dimanche par la Commission électorale du Kenya (ECK) donnant le président sortant, Mwai Kibaki, vainqueur du scrutin de jeudi dernier et, par conséquent, réélu pour servir un second et dernier mandat de cinq ans. Ils dénoncent des fraudes et irrégularités.
Le président Kibaki n’avait pas perdu de temps pour se réinstaller dans le fauteuil de président moins d’une heure après la proclamation des résultats à la télévision nationale, marquée par l’expulsion de tous les journalistes ainsi que des observateurs étrangers du centre de presse de la Commission.
Pour sa part, le Mouvement démocratique orange (ODM), principale formation de l’opposition, qui dénonce la fraude électorale, a fait savoir qu’elle allait former un gouvernement parallèle si jamais la Commission refusait de procéder à un recomptage des bulletins.
Raila Odinga, le candidat de l’ODM, a ainsi estimé qu’il ne servait à rien de saisir les juridictions d’un recours contre le résultat des élections.
Les problèmes ont commencé avec la remise en cause, par l’ODM, des résultats de certaines zones de l’immense Vallée du Rift, du centre du Kenya et aussi de l’est du pays. Les diplomates occidentaux accrédités à Nairobi ont rejeté les résultats du scrutin, estimant qu’ils ne sont pas libres et transparents.
La Mission d’observation de l’Union européenne à Nairobi a, par la suite, rendu public un communiqué pour expliquer que les chiffres en sa possession démontraient le caractère frauduleux des résultats annoncés par l’ECK et contestés par l’opposition.
Par ailleurs, Anna Owen, l’attachée de presse de la mission d’observation de l’UE, avait aussi indiqué que dans certaines zones pour lesquelles un afflux massif de 75.000 électeurs avait été constaté, seuls 50.000 électeurs avaient en réalité été comptabilisés sur le terrain. « Il y a des doutes sur la crédibilité de ce processus », a estimé la mission de l’UE.
Intervenant dans le même sens, l’ambassadeur de la République d’Allemagne, Walter Lindner, a indiqué que les informations diffusées par l’ECK n’étaient pas crédibles. « Je pense que tout ceci est très mauvais pour le Kenya et je soutiens le communiqué de l’Union européenne (UE) affirmant que les élections n’étaient ni libres ni transparents », a-t-il encore affirmé.
L’ambassadeur américain, Michael Ranneberger, a reconnu que ces résultats étaient le fruit de massives irrégularités. Le Haut commissaire (ambassadeur) du Canada, Ross Hynes, affirme, pour sa part, que les résultats annoncés soulèvent de graves questions de crédibilité au sujet de l’intégrité du processus électoral. « Tout avait bien commencé le jour des élections mais, à mon sens, la suite n’est pas de bon augure pour le Kenya », a encore ajouté l’ambassadeur Lindner.
Vers l’Etat d’urgence
Samuel Kivuitu, président de la Commission électorale du Kenya (ECK), a indiqué que ses 22 commissaires avaient pris en considération les objections soulevées par l’ODM, mais n’étaient pas en mesure de trancher, ajoutant que les questions soulevées au sujet de la falsification des résultats étaient de caractère juridique et que, par conséquent, seuls les tribunaux étaient habilités y apporter des réponses.
Une victoire facile du candidat de l’ODM à la présidentielle, Raila Odinga, semblait pourtant se dessiner samedi, ce dernier ayant recueilli 3,7 millions de voix, contre 3,4 millions à Kibaki, alors que les résultats de 183 circonscriptions sur 210 étaient connus. Cependant, les résultats définitifs rendent compte d’une avance de 231.728 voix au profit du président Kibaki.
Les forces de sécurité kenyanes avaient expulsé des centaines de journalistes du Centre international des Conférences Jomo Kenyatta (KICC), où l’ECK devait proclamer les résultats du scrutin présidentiel.
Les agents de la sécurité ont également expulsé les observateurs étrangers des locaux du KICC quelques instants après une interruption de la fourniture d’électricité. La Police avait aussi bouclé les locaux du centre de conférences.
Actuellement, certaines informations laissent à penser déjà que l’Etat d’urgence pourrait être décrété dans le pays.
Des camions ont convoyé des personnels de Police, des gardiens de prison ainsi que des éléments de l’Unité paramilitaire d’élite et de l’Unité du service général (GSU) qui se sont déployés dans les zones sensibles de Nairobi.
Les résultats du scrutin sont toutefois révélateurs d’un vote de défiance à l’endroit du gouvernement Kibaki, 20 de ses ministres ayant perdu leur siège au Parlement.
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