Le vice-président kényan Rigathi Gachagua fait face à une motion de destitution votée par l’Assemblée nationale, un événement sans précédent qui fragilise le gouvernement.
Le Kenya est le théâtre d’une crise politique sans précédent. Le vice-président Rigathi Gachagua, figure influente du gouvernement, est désormais sur la sellette. Mardi 8 octobre, les députés kényans ont approuvé une motion de destitution contre lui, marquant ainsi une première dans l’histoire politique du pays. Ce processus, motivé par des accusations de corruption et de division ethnique, doit encore être validé par le Sénat, mais les tensions entre Gachagua et le président William Ruto soulèvent des questions sur l’avenir politique de la nation.
Un vote massif à l’Assemblée nationale
Dans une ambiance électrique, 281 députés sur les 349 que compte l’Assemblée nationale ont voté en faveur de la destitution de Rigathi Gachagua. Les débats, qui se sont prolongés toute la journée, ont vu le vice-président tenter de se défendre face à des accusations accablantes.
Parmi les griefs retenus contre lui figurent des faits de corruption, d’incitation à la division ethnique, ainsi que des actes d’insubordination envers le président Ruto. Malgré un épais dossier de 500 pages présenté par ses avocats et plusieurs vidéos à l’appui, Gachagua n’a pas su convaincre la majorité parlementaire.
Une procédure inédite au cœur d’un conflit ouvert
Cette motion de destitution constitue un moment clé dans le conflit qui oppose Rigathi Gachagua au président Ruto depuis plusieurs mois. Les tensions entre les deux hommes, qui formaient un tandem gagnant lors de l’élection présidentielle de 2022, se sont aggravées suite aux récentes manifestations antigouvernementales, réprimées dans la violence et ayant causé la mort de plus de soixante personnes. Le vice-président est accusé de ne pas avoir soutenu le chef de l’État face à ces contestations, un manque de loyauté qui pourrait sceller son sort politique.
Les accusations : corruption et division ethnique
La motion votée par l’Assemblée nationale repose sur onze motifs de destitution, allant des crimes économiques aux atteintes à l’unité nationale. Rigathi Gachagua est notamment accusé d’avoir accumulé de manière inexpliquée un patrimoine immobilier colossal, estimé à 36 millions d’euros, grâce à des fonds présumés issus de la corruption. Le vice-président a nié en bloc ces accusations, expliquant que son patrimoine provenait en grande partie de son frère défunt et qu’il avait constitué ses biens légitimement au cours de sa carrière dans les affaires.
Le sort de Rigathi Gachagua repose désormais entre les mains du Sénat, où la motion de destitution sera soumise à un vote décisif. Pour être validée, elle devra recueillir les deux tiers des voix des sénateurs, soit au moins 45 votes sur 68. En cas de confirmation, il deviendrait le premier vice-président kényan à être écarté du pouvoir via une telle procédure depuis l’instauration de la Constitution de 2010. Toutefois, Gachagua a déjà annoncé qu’il contestera cette décision en justice, promettant une longue bataille juridique pour défendre son innocence.
Un vice-président marginalisé, mais déterminé
Malgré l’ampleur des accusations et l’isolement politique auquel il fait face, Rigathi Gachagua reste combatif. Il a publiquement dénoncé un « complot politique » visant à l’évincer du pouvoir, accusant le président Ruto d’avoir manœuvré en coulisse pour orchestrer cette procédure de destitution. Refusant de démissionner, il a promis de se battre jusqu’au bout, affirmant être convaincu que la justice finira par lui donner raison. Quoi qu’il en soit, cette affaire marque un tournant dans l’histoire politique kényane, et le pays attend désormais de voir si le Sénat confirmera la décision des députés.