Les ordures sont partout à Kibera, le plus grand bidonville d’Afrique, situé à quelques kilomètres à peine du centre-ville de Nairobi, la capitale kényane. Elles jonchent le sol non seulement entre les cabanes délabrées du bidonville, mais aussi, bien souvent, sous ces dernières, qui risquent ainsi de s’effondrer en période de crues. Mais le bidonville commence peu à peu à changer de visage à mesure que des légumes frais apparaissent là où auparavant, des ordures se décomposaient.
Les jeunes de Kandimiru, un des villages du bidonville, ont créé, par le biais d’un groupe d’entraide, la première ferme organique dans une ancienne décharge. « Nous voulions que cette zone reste propre, alors nous avons cru bon de la transformer en potager », a expliqué à IRIN Augustine Oramisi, président de l’Initiative de développement communautaire des jeunes de Kibera, un organisme local qui chapeaute plusieurs groupes d’entraide à Kibera.
La plupart des jeunes investis dans ce projet ont pris part aux affrontements post-électoraux qui ont secoué le bidonville, cette année, a indiqué Augustine Oramisi. « C’était le groupe le plus virulent au cours des échauffourées », a déclaré M. Oramisi.
Face au taux de criminalité élevé, à de nombreuses maladies et à un chômage endémique, ce projet est considéré par bon nombre de personnes comme un moyen d’aider les jeunes du bidonville à se reconvertir.
« La plupart des membres sont des criminels qui ont choisi de se reconvertir », a indiqué Mohammed Abdullahi, un responsable du groupe. « J’ai vu beaucoup de gens mourir ici ». Au moins 10 membres du groupe ont été tués alors qu’ils se livraient à des activités criminelles, a-t-il rapporté. « Personne ne pouvait passer ici », a dit à IRIN Hussein Hassan, un membre du groupe, en s’occupant d’un plant d’épinards, dans le potager de 1 000 mètres carrés, situé à côté d’un tas d’ordures.
En plus de s’occuper de la ferme, M. Hassan travaille également comme ramasseur de déchets dans la zone. Les choux, les tomates, les épinards, le chou frisé, les potirons et les tournesols cultivés dans la ferme sont vendus sur place, dans le bidonville. Le groupe a récolté ses premiers choux récemment.
En plus de produire des vivres et de générer des revenus, la ferme permet également de former les étudiants de la région à la remise en état des sols, dans le cadre d’un projet pilote.
Kibera, vaste bidonville déréglementé, a vu le jour pendant la Première Guerre mondiale : à l’époque, le terrain était temporairement occupé par les soldats nubiens (soudanais) des King’s African Rifles. Le nom « Kibera » provient du mot nubien « kibra », qui signifie forêt ou jungle.
Parmi les conditions qui prévalent dans le bidonville, on recense également un manque de ressources de base en eau, des systèmes d’assainissement insuffisants, une mauvaise gestion des déchets solides, des problèmes d’électricité, des routes inadéquates et une forte densité de population.
Selon Eric Agoro Simba, coordinateur du groupe de jeunes, les habitants de Kibera ont besoin d’un forum où les bailleurs potentiels et les organisations humanitaires pourront les consulter avant de traiter les différents problèmes auxquels la plupart des habitants du bidonville se trouvent confrontés.
« Les problèmes des bidonvilles sont sans doute graves, mais nous détenons aussi les solutions », a expliqué M. Agoro. « Ce dont ces gens ont besoin, c’est d’un coup de pouce, pas de pitié ».
Une opinion dont s’est fait l’écho Claire K Niala, un médecin qui mobilise des fonds pour soutenir le projet de la ferme ainsi que d’autres projets de développement dans la région. « Ils (les habitants des bidonvilles) ont plus besoin d’être autonomisés », a-t-elle expliqué à IRIN, le 2 septembre. Il faut assurer que les fonds consacrés par les bailleurs aux projets menés dans le bidonville profitent véritablement aux habitants de la région, ont-ils dit.
« Tout ce qui comporte le mot “Kibera” se vend, mais l’argent ne finit pas dans les bonnes mains », a estimé M. Agoro.
Selon UN Habitat, un cadre financier communautaire d’accès aux crédits pour se loger ou bénéficier d’autres services, tels que l’eau et l’assainissement, permettrait aux communautés de la région d’obtenir des fonds afin d’améliorer leurs conditions de vie et leurs capacités d’auto-gouvernance et de prise de décisions.