L’auteur belgo-tunisien Karim Gharbi, remarqué dès 2010 à la Biennale de la Chanson Francophone, à Bruxelles, sort un premier CD, « Poisson d’or » (Igloo Records). Il nous offre des chansons aux textes très poétiques, dont certaines sont très politiques aussi, hommages à son pays-racine, pays meurtri aujourd’hui…
Sur le sable se pose la rose que tu m’as donnée
C’était un jour de décembre, nous étions beaux, j’étais ton frère, tu étais cendres
Le vent soufflait si fort et dans la mer tu t’es éparpillé
Égraine-toi mon frère
Égraine-toi
Sur le sable se pose la rose que tu m’as donnée
Karim Gharbi, qui est né et a grandi en Belgique dans une famille tunisienne, se trouvait en Tunisie, pour un concert, en décembre 2010, lorsqu’a éclaté la Révolution du jasmin, déclenchée après qu’une jeune vendeur ambulant se soit immolé par le feu, le 17 du même mois… Cet événement l’a profondément marqué, et a donné naissance à cette chanson, qui nous parle plus intensément de ce drame, que bien des reportages savamment commentés, ou des images télé « choc »…
Si l’artiste, qui est auteur-compositeur, a grandi en Belgique, plusieurs chansons de cet album sont ainsi nourries de cette appartenance tunisienne, qu’il revendique au fil de ses interviews. Ainsi « Poisson d’or », qui donne son nom à l’album, nous parle, avec infiniment de poésie et de pudeur, des migrants qui traversent la Méditerranée sur des bateaux de fortune :
Poisson d’or, poisson mal venu
Nage, vers des soleils pendus
(…)
Le vent se lève, la mer s’agite, raclée salée, ça tangue, ça glisse, tenir la barre, espoir devant, muscle saillant, gifle d’écume, la barque flanche (…)
Poisson d’or, poisson retrouvé nu
Seul et blême, le regard suspendu
Coquillages, cannettes, mégots, morues
Du courage il t’en aura fallu
Du courage, il n’en manque pas à l’artiste, qui crie dans « Je crie ton nom » : « Je crie ton nom pour tuer le prophète » (en évitant sagement de mettre une majuscule à « P ») et pour évoquer, dans la même composition, les viols – masculins aussi bien que féminins – auxquels la police se livrait, sous l’ancien régime, sous prétexte d’interrogatoires, et dont la presse occidentale a enfin entendu parler : « Je crie ton nom du palais chiffonné où tu m’a violé… ».
Des textes tantôt forts et politiques, tantôt poésie pure, tantôt les deux mêlés. De la vraie « chanson à texte », comme on n’ose plus en publier en France – ou en diffuser – et que seuls nos amis Belges, et Canadiens francophones, restés attachés au mot, à la poésie, et à la beauté de la langue française lorsqu’elle s’accompagne de musique, semblent encore savoir honorer : Karim Gharbi a ainsi été repéré, dès 2010, et primé, lors de la Biennale de la Chanson Francophone qui se tenait à Bruxelles. Merci à nos amis belges, et au label Igloo Records d’avoir permis la naissance de ce disque… et d’un artiste prometteur !