Le médecin d’origine palestinienne détenu huit en Libye avec cinq infirmières bulgares a porté plainte, mercredi, contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Il accuse de « tortures » le dirigeant libyen, ainsi que des « hauts gradés » et un médecin. Cette plainte, qui aurait peu de chances d’aboutir, tombe alors que la visite du Guide en France n’en finit pas de susciter la polémique.
L’affaire des soignants bulgares détenus huit ans en Libye refait surface. Le médecin bulgare d’origine palestinienne porte plainte pour « tortures » contre le Guide libyen Mouammar Kadhafi et six autres personnes, dont des « hauts gradés » et un médecin. La branche française de l’association Avocats sans frontières a déposé la plainte mercredi, alors que le maître de Tripoli est en visite dans l’Hexagone depuis lundi, et jusqu’à vendredi.
Terribles sévices
Ashraf Ahmed Gomma el Hagoug a été emprisonné avec cinq infirmières bulgares de février 1999 à juillet 2007 après que la justice de la Libye les a reconnus coupables d’avoir inoculé le virus du sida à quelque 400 enfants de Benghazi, la deuxième ville du pays. Les soignants ont été libérés après d’intenses tractations menées par le président français Nicolas Sarkozy, son ex-épouse Cécilia et l’Union Européenne.
Le 8 novembre, le médecin a expliqué le calvaire qu’il a subi devant la commission parlementaire française chargée du dossier. Il dénonce pêle-mêle la torture à l’électricité, les brutalités physiques et son viol par un chien. Ses ex-codétenues auraient aussi été torturées. Par conséquent, ils ont renoncé à se rendre en France cette semaine pour ne pas s’y retrouver au même moment que Mouammar Kadhafi. En revanche, le défenseur d’Ashraf Ahmed Gomma el Hagoug a profité de la visite du Guide pour porter plainte en vertu de la convention de New York de 1984, qui permet à ceux qui l’ont ratifiée – comme l’Hexagone – de juger toute personne soupçonnée de torture si elle se trouve sur son sol.
Chef d’Etat ou pas ?
Techniquement, la plainte d’Ashraf Ahmed Gomma el Hagoug a peu de chances d’aboutir. Mouammar Kadhafi bénéficie en théorie de l’immunité protégeant les chefs d’Etat en exercice. Seulement, plaide l’avocat du plaignant, qui ne se fait « guère d’illusion », « Kadhafi clame sur tous les toits qu’il n’est pas chef d’Etat ». Un précédent judiciaire laisse toutefois penser que cela ne sera pas suffisant. En 2001, la cour de cassation avait reconnu l’immunité du leader africain en se basant sur les principes du droit international qui « s’opposent à ce qu’un chef d’Etat en exercice puisse (…) faire l’objet de poursuites pénales dans un pays étranger ».
Ce jugement concernait l’attentat imputé à la Libye sur le DC-10 de la compagnie UTA, qui avait fait 170 morts en 1989, au-dessus du Niger. Le président français reçoit justement ce jeudi les associations des familles de victimes de cette attaque. Certains proches ne cachent pas leur émotion de voir Mouammar Kadhafi dans l’Hexagone. A l’image de cet internaute, qui a posté un message sur un article d’Afrik : « Ayant perdu des membres de ma famille dans l’attentat du DC10, je ne peux que me révolter et vomir de voir mon pays accueillir cet assassin. Et c’est celui-là même qui a fait un jour un discours sur le monument dédié aux victimes qui accueille ce monstre les bras ouvert. (…) Les larmes de honte coulent sur mes joues. Comment parler de justice ? Comment ne pas être indigné, révolté ? ».
Kadhafi dénonce le terrorisme
Indigné et révolté, c’est l’image que Mouammar Kadhafi a cherché à donner lorsqu’il a condamné, mercredi, les attentats d’Alger qui ont officiellement fait une trentaine de morts mardi. Il a qualifié les attaques revendiquées par Al-Qaida au Maghreb islamique d’« actes condamnables ». « Qu’est-ce qui explique un tel acte ? Peut-on dire que c’est l’islam ? Jamais de la vie. Jamais l’islam ne pense ça. C’est un acte criminel qui n’a aucun but », a-t-il déclaré mercredi sur France 24, avant de réitérer ses dires devant un parterre de femmes africaines réunies dans une salle parisienne cossue.
Ces propos auraient pu apaiser ceux qui avaient été outrés par ses déclarations au Sommet Union Européenne-Afrique des 8 et 9 décembre, à Lisbonne (Portugal), où il avait légitimé l’emploi du terrorisme par les pays pauvres – propos qu’il a plus tard jugés mal traduits. C’était sans compter que, selon l’Elysée, la condamnation de Mouammar Kadhafi n’avait rien de spontané. Nicolas Sarkozy aurait vivement encouragé le Guide, qui a appelé le président algérien Abdelaziz Bouteflika, à condamner les attentats d’Alger.
A noter que le chef de l’Etat français a une nouvelle fois déclaré, dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, qu’il avait bien parlé à son invité des droits de l’homme, ce que ce dernier avait fermement nié. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat français à la coopération, confirme les dires de Nicolas Sarkozy, en précisant : « Le colonel Kadhafi, lui, n’en a pas parlé, mais il a entendu le président en parler »…