Joseph Kabila se sépare de trois de ses ministres rattrapés par le rapport Kassem sur les pillages des ressources naturelles de la République Démocratique du Congo. La mesure n’est pas dénuée de tout calcul politique à la veille des négociations politiques dites de dernière chance à Pretoria.
De notre correspondant à Kinshasa
Le rapport Kassem fait des malheurs à Kinshasa. Devant la montée des revendications des partis politiques et de la société civile congolaise, et plus particulièrement des confessions religieuses, Joseph Kabila vient de frapper fort en suspendant trois de ses ministres ainsi que trois hauts fonctionnaires de l’Etat cités dans le rapport Kassem, sur l’exploitation illégale des richesses de la RDC, commandé par les Nations Unies.
Il s’agit, pour les membres du gouvernement, de Jeannot Mwenze Kongolo, ministre de l’Ordre et de la sécurité Publique, impliqué dans les transactions qualifiées d’illégales dans la vente du diamant et du cobalt, d’Augustin Katumba Mwanke, ministre délégué à la Présidence de la république, accusé d’avoir signé des contrats léonins de joint-ventures avec des sociétés étrangères, notamment zimbabwéennes et sud-africaines et du général Denis Kalume, ministre du Plan et de la reconstruction, cité comme actionnaire, à titre personnel, dans la société Sengamines spécialisée dans l’exploitation et le commerce du diamant et dans bien d’autres en dépit de son statut de ministre.
Ministres ripoux
Ironie du sort, Denis Kalume présidait jusqu’ici la commission nationale de lutte contre la corruption. Il s’agit également, pour les hauts fonctionnaires de l’Etat, de Mawapanga Mwana Nanga, ancien ministre sous le président Laurent Désiré Kabila, actuellement ambassadeur de la RDC au Zimbabwe, de Didier Kazadi Nyembwe, le patron des services de sécurité, impliqué, selon le rapport, dans divers trafics, notamment d’armes en faveurs de rebelles burundais et autres groupes armés disséminés à travers le Congo et, enfin, Jean-charles Okoto, ancien ministre des Affaires étrangères de Laurent Désiré Kabila et jusqu’ici patron de la MIBA (Minière de Bakwanga), la plus grande société minière d’Etat spécialisée dans l’exploitation et le commerce du diamant.
Face aux enjeux politiques du moment, le chef de l’Etat congolais n’avait pratiquement pas d’autre choix. Depuis la publication des résultats du panel des Nations Unies sur les pillages des ressources naturelles de la RDC, les Congolais focalisaient toute leur attention sur le président de la république et son gouvernement qui cachaient mal leur gêne face à ce scandale qui risquait d’éclabousser tout le régime, le Président y compris, en cas d’absence d’une réaction spectaculaire et exemplaire. Les personnalités impliquées appartiennent soit au pré-carré du président Joseph Kabila, soit à celui de son père, Laurent Désiré Kabila, de sorte qu’elles passaient pour inamovibles.
Gêne gouvernementale
C’est le gouvernement qui avait demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies, la constitution d’une équipe d’experts pour enquêter sur les pillages des ressources naturelles de la RDC » en violation de la souveraineté du pays et de son intégrité territoriale « . Dans un sens, les résultats de l’enquête font l’effet d’un boomerang sur le même gouvernement. Dans sa communication officielle, lue à la télévision nationale par son directeur de cabinet, le président de la république se félicite tout de même du fait que les résultats du panel aient établi un rapport direct de causalité entre la présence des troupes étrangères qui ont agressé la RDC et l’exploitation illégale des richesses congolaises et le fait » que cette présence n’est nullement motivée par des préoccupations sécuritaires avancées par le Rwanda ou l’Ouganda « .
Difficile de prévoir dans quelle mesure les négociations politiques en cours à Pretoria pourront être affectées par ce bouleversement au sein du gouvernement de Kinshasa. Augustin Katumba Mwanke était le chef de la délégation gouvernementale à ces négociations dites de dernière chance et desquelles doit pouvoir sortir une nouvelle structure politique qui devra piloter la transition.