Joseph Kabila et Paul Kagamé, les présidents de la République démocratique du Congo et du Rwanda, se sont rencontrés en tête à tête, jeudi, pour la première fois en RDC, à Goma. Hier ennemis jurés, les deux hommes ont décidé, sous la pression de la communauté internationale, de s’allier pour combattre la rébellion à leur frontière commune et développer l’économie de leurs pays.
C’est un pas essentiel dans le processus de normalisation des relations entre Kinshasa et Kigali : jeudi, les présidents Kabila et Kagamé se sont rencontrés pour la première fois en tête à tête, à Goma, au nord-est de la République du Congo. L’entretien qui a duré deux heures, a porté essentiellement sur des questions sécuritaires et économiques. « C’est le premier pas de géant en avant », a déclaré Laurent Kabila, pour qui, une nouvelle ère s’est ouverte dans les relations entre son pays et le Rwanda.
Il y a un an pourtant, une telle rencontre n’aurait pas été envisageable. Les deux hommes étaient à couteaux tirés, chacun voyant dans l’autre le principal allié de ses pires ennemis. Confronté à plusieurs groupes rebelles qui mettaient à rude épreuve l’armée au nord-est de son pays, Joseph Kabila n’avait de cesse d’accuser Paul Kagamé de financer et de protéger les assaillants. De son côté, Paul Kagamé reprochait à Joseph Kabila d’avoir partie liée avec les Forces démocratique pour la libération du Rwanda (FDLR), une milice constituée essentiellement d’anciens combattants Hutus repliés en RDC depuis le génocide de 1994 au Rwanda, et désireuse de reprendre le pouvoir à Kigali.
Kabila et Kagamé s’allient contre les groupes rebelles
Puis il y a eu, en janvier, un spectaculaire retournement d’alliance. A la surprise générale, MM. Kabila et Kagamé ont lancé des opérations militaires conjointes contre les groupes rebelles dans la région de Goma. L’ex-général Laurent Nkunda, chef des rebelles du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP), jusque-là soutenu par le Rwanda, et qui s’apprêtait à lancer de nouveaux assauts contre l’armée régulière congolaise, est tombé entre les mains des hommes de la nouvelle coalition. Il est depuis incarcéré au Rwanda qui refuse cependant de l’extrader comme le réclame la RDC.
Alors qu’ils ont longtemps servi de supplétifs à son armée, Joseph Kabila qualifie désormais les hommes des FDLR de « vulgaires bandits » qu’il faut mettre hors d’état de nuire. Paul Kagamé promet à son homologue congolais que le Rwanda ne sera plus jamais utilisé par des milices comme base arrière pour déstabiliser la RDC. Les deux pays se sont engagés à lutter contre les groupes rebelles armés.
Kinshasa et Kigali ont décidé le mois dernier de rouvrir leurs ambassades respectives, alors que la RDC et le Rwanda avaient suspendu leurs relations diplomatiques en août 1998, après l’entrée des troupes rwandaises en terre congolaises. Mieux, la rencontre de Goma a permis de jeter les bases d’une coopération économique. Les deux présidents ont décidé d’initier des projets, pour l’exploitation des gisements de gaz du lac Kivu, situés de part et d’autre de leur frontière commune.
Pareil réchauffement des relations ne doit sans doute rien au hasard. Des observateurs avertis y voient en effet la main de la communauté internationale, pour qui le développement économique de la région des grands lacs aiderait à mettre fin aux conflits. Nicolas Sarkozy, le président français, avait ainsi suggéré que la RDC et le Rwanda se mettent d’accord sur l’exploitation des ressources naturelles de la région, à l’origine des conflits. En choisissant de s’arrêter à Kinshasa, puis à Goma, l’épicentre du conflit, lors de sa tournée africaine, Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine, qu’accompagne le président de la Banque Mondiale, va visiblement porter le même message.
Les présidents Kabila et Kagamé devraient se rencontrer de nouveau avant la fin de l’année à Kinshasa.