?La chanteuse française de R’NB et Hip-Hop, K-Reen, dont la voix a fait rêver tout une génération, est de retour sur la scène musicale avec son nouvel album « Racines K’Raïb » entièrement écrit et enregistré en ?Guyane, d’où elle est originaire. Dans cet opus aux sonorités très caribéennes, elle explore un autre univers musical. Un véritable retour aux sources pour celle qui est connue aussi pour ses featuring avec les plus grands artistes du rap français. Elle présente son nouvel album à AFRIK.COM et revient sur son parcours parsemé d’embûches, qui a fait d’elle ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Rencontre.
Décontractée, vêtue tout simplement d’un pantalon moulant, marié à un haut, le sourire aux lèvres, c’est en scooter que K-Reen arrive à notre rendez-vous, à la rédaction d’AFRIK.COM. Celle qui revient tout juste d’un long séjour en Guyane, a encore de merveilleux souvenirs en tête. Quand on lui demande de chanter en acapela le fameux titre Tu me plais, écouté par tout une génération, qu’elle a réalisé en featuring avec le rappeur Def Bond, elle n’hésite pas à se lancer, donnant la chair de poule aux premiers sons de sa voix suave et profonde. Après toutes ces longues années de sa carrière musicales, où elle a accompagné en featuring les plus grands du rap français, Oxmo puccino, Def Bond, Mystik, elle n’a visiblement pas changé. K-Reen est toujours aussi simple, spontanée, ponctuant les conversations avec ses interlocuteurs par de grands éclats de rires, très contagieux. Alors qu’aujourd’hui la plupart des artistes dans l’univers musical ont des plans de carrière millimétrés, et font tout pour correspondre aux standards commerciaux, elle, est bien loin de tous ces méandres, revendiquant sa liberté de faire de la musique sans contraintes, au gré de ses inspirations et envies. Celle qui a désormais quatre albums à son actif se dit d’ailleurs très ouverte à d’autres horizons musicaux, tout simplement pour toujours être en phase avec une évolution perpétuelle de la musique.
Afrik.com : ?On vous connait plus dans le registre du R’NB et du Hip-Hop. Dans cet album, vous avez opté pour des sonorités très caribéennes. Pourquoi ce choix ?
K-Reen : J’ai passé beaucoup de temps en Guyane auprès de ma famille, et j’ai donc été influencée par l’univers caribéen. Ce sont toutes ces influences dont je me suis nourrie en Guyane qui se reflètent dans cet album.
Est-ce que le titre de l’album Racines K’Raïb évoque aussi un retour aux sources ?
Un retour aux sources ? Pas complètement. C’est plutôt une rencontre entre la musique de R’NBb Hip-hop d’avant avec la Caraïbes. En clair, ce sont les musiques afro-caribéennes qui ont vachement évolué, qui sont venues à la rencontre du Hip-Hop.
Q?ue représente ?pour vous ce quatrième album par rapport aux précédents ?
?Il représente beaucoup pour moi, car je l’ai écrit entièrement en Guyane que j’adore. J’ai beaucoup d’influences là-bas?. J’ai pris mon temps, je ne me suis pas mis de pression. De toute façon, on ne m’attendais plus au niveau du disque, puisque des gens ont décrété que le R’NB est mort. Donc voilà. Dans cet album, j’ai eu envie de donner ma vibe, c’est vraiment un album très personnel. Enfin, tous mes albums étaient personnels, mais celui-là encore plus que les autres. Actuellement, ?c’est ?plus dur? qu’avant de faire de la musique,? car? il y a? moins de moyen?s. Il? faut se battre ?si on veut que nos projets voient le jour. Si on ne se fait pas violence, ça ne fonctionne pas. ?Avant, quand ?tu signais un contrat avec un major, il organisait tout pour toi, les heures auxquelles tu enregistrais, les promos. Bref tout. Maintenant, ce n’est plus du tout le cas, il faut se prendre en charge pour s’en sortir.
?Dans plusieurs titres de cet album vous abordez des thèmes très sérieux, tels que les problèmes qu’engendrent les familles éclatées par exemple, vous parlez aussi d’amour. Quel message principal tenez-vous à délivrer ? ?
?Elle éclate de rires avant de répondre. J?e ne sais pas?…(rires). Non plus sérieusement?, le message principal que je veux transmettre est que la famille est la chose la plus importante ?qu’on ait. Il ?faut par conséquent profiter de nos proches? et également? prendre soin d’eux.
?Est-ce que toutes les histoires que vous racontez dans cet album vous les avez vécues personnellement ?
?Oui, cet album est très inspiré de ma vie?. ?J’avais beaucoup de pudeur par rapport à ma vie, mais là je me suis plus dévoilée?.?
?Vous avez longtemps consacré beaucoup de temps aux autres artistes en multipliant les featurings. Pourquoi avoir mis tout ce temps ?pour travailler sur vos propres projets solos ?
Bah… J’en suis à mon quatrième album quand-même ?! (rires). Oui c’est exact, j’ai consacré beaucoup de temps aux projets d’autres artistes…? Je pense que c’est parce que j’ai?me faire des chansons à plusieurs, ça m’aide à me dépasser. C’est pour ça que j’ai fait beaucoup de featuring. Quand on fait des featuring, on se compare à la personne avec laquelle on chante et donc ça nous pousse à être meilleur, à nous dépasser. Souvent, quand on bosse à plusieurs en studio, on s’amuse à s’auto-critiquer, ce qui nous rend meilleur aussi. Alors que lorsqu’on est seul, ce n’est pas le cas, on n’a pas forcément le recul nécessaire par rapport à ses chansons. J’ai ?toujours ?aimé partager ?la musique?. J’aime l’adrénaline?,? les défis, ?qu’on ressent dans les projets de groupe. D’autant que ce n’est ?pas ?toujours ?évident de se motiver tout seul.??
Revoyez-vous tous ces artistes ?avec lesquels ?vous ?avez effectué des featuring ?
On ?est maintenant tous dans des choses différentes. Mais je suis restée en très bons termes avec eux. ?Oxmo fait des trucs ?maintenant ?plus pointus?, donc lui?, je ne le croise pas trop?. ?Mais ?il arrive qu’on ?se croise sur des plateaux, on se rappelle toujours de bons souvenirs?. On se dit qu’il faudrait qu’on se revoie pour faire des choses ensemble. De toutes les façons,? j’ai tissé des liens avec tou?s ceux ?avec qui j’ai chanté. Toutes ?ces chansons ont créé des l?iens ?entre nous. Aujourd’hui, tout le monde s?’est ?ouvert à d’autres choses? et a évolué. ?Tant mieux.
?Pour vos prochains albums, peut-on s’attendre à ce que vous continuiez à explorer les sonorités caribéennes ou comptez-vous revenir au R’NB et Hip-Hop??
?J?e ne me donne pas de limite ?en musique. Je n’ai pas de plan de carrière, je réalise mes albums au fil du temps, en toute liberté, et j’essaie de faire le plus de sons possibles.
« Ma mère m’a mise dehors quand j’avais 16 ans, ça a été difficile pour moi »
?Vous avez vécu en banlieue de Créteil?. Et votre adolescence a été très difficile. Pouvez-vous revenir sur cette période sombre de votre vie ?
Ma jeunesse?, en effet,? s’est ?mal ?passé?e, ?c?’était? la galère ?! ?(?Elle éclate de rire avant de redevenir sérieuse?)?. En fait, ce n’était pas la banlieue le problème, où la vie était plutôt douce. Mais c’était plutôt au niveau de la famille que ça n’allait pas. ?Ma famille était en crise, mes parents vivaient séparés. Ma mère était seule avec nous en France et mon père était en Guyane. Donc, je ne l’ai pas connu étant jeune. Ma mère m’a mise dehors lorsque j’avais 16 ans. Ça a été difficile pour moi. ???C’est en fin de compte la musique ?qui ?m?’?a sauvée car ?à cette âge-là, on est plus fragile, ?on a envie de faire des conneries, on peut se laisser entraîner dans des trucs ?pas très sains. J’aimais faire des conneries, mais ?heureusement que ?j’aimais la musique par dessus tout. C’est encore une fois la musique ??qui m’a sauvée?.
Pour quelles raisons votre maman vous a-t-elle mise dehors ?
?Je ne sais pas si c’était de ma faute, si c’est parce que j’étais ingérable ou pas, je ne sais pas ce que j’étais, mais c’était ainsi. J’ai vu des choses, j’ai galéré. Mais mon fil conducteur a toujours été la musique, qui m’a permis de me ressaisir, de ne pas sombrer, de ne pas succomber à la drogue. Surtout que quand on est jeune comme je l’étais à l’époque, il y a beaucoup de prédateurs.
?Avez-vous été soutenue quand vous avez quitté le domicile familial ?
Non. J’?avais seulement 16 ?ans? quand je suis partie, sachant que j’étais la cadette du côté de ma mère, où on est quatre?. Mes amies avaient le même âge à l’époque, elles n’étaient donc pas en mesure de m’aider. ?Je me suis bougée pour m’en sortir. J’étais obligée de me bouger, je n’avais pas le choix, pour ne pas sombrer.
« Ma situation familiale était désastreuse, mais j’avais toujours des choses à faire en musique »
?Q?uand vous êtes partie de chez vous, avez-vous poursuivi vos études ?
Ma vie familiale comme mes études, c’était un désastre ! Je n’étais pas à l’aise à l’école. ?J’ai appris l’essentiel à l’école?, ?j’ai appris à parler français, à peu près bien?. J’ai des? bases en anglais? et en histoire. Les? maths, c’était zéro?, pareil pour la compta. Tout ce qui ne m’intéressait pas dans la vie?, ?je l’ai trié et comme on ne fait pas ce qu’on veut à l’école, donc j’ai fait très vite mon choix de ne pas poursuivre mes études.
?Vous avez donc arrêté vos études pour la musique. C?omment votre aventure a?vec? la musique? a-t-elle commencé ??
?Ma?lgré que j’ai dormi dans des endroits ?improbables… J’ai même dormi dehors, des fois?. Malgré ?tous mes problèmes, j’avais toujours des choses à faire en musique?, je n’avais donc ?pas le temps de faire des ?trucs bizarres.? ?J’ai commencé à penser mes premiers textes,? ?peu à peu, sur le chemin de l’écol?e. ?J’avais plein de mélodies? en tête?, j?’?essayais d?’échapper ?à la réalité par tous les moyens?. A l’époque, on n’avait pas tous les moyens technologiques de maintenant, il n’y avait pas de MP3. Dès que j’avais un micro en face de moi, je sautais dessus pour montrer ce que je savais faire. La première fois que je suis rentrée en studio, je voulais montrer ce que je valais.? ?Je me suis encore plus consacrée à la musique lorsque j’ai rencontré mon tout premier groupe de rap, Red Stek. ??Dans le groupe, on avait tous des problèmes à l’époque, on se réfugiait dans la musique?. C’est comme ça, de fil en aiguille, que j’ai commencé à me faire connaître. On a commencé à m’appeler de plus en plus souvent pour faire des featuring. Des artistes comme Def Bond m’ont contactée, et les autres ont suivi… ?
Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien? pour écrire vos textes ??
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La ?nature, ?j’adore la ?for?ê?t?,? les trucs simple?s, la? plage?, ?me détendre?, ?manger du poisson?. Quand je rentre le? soir?, ?tout ça m’inspire? pour l’écriture de mes textes.?
« Le rap est devenu un produit comme un autre »
?Quel ?regard ?portez-vous sur le rap en ?F?rance actuellement ??
?J?e dirai ?que ?toutes le?s ?musiques sont emmené?e?s à évol?u?er?. Il ?y? ?a des périodes dans le rap que j’aim?e? moins que les autres?. Mais je trouve que? à mon époque,? il y ?avait plus de créativité,? même si aujourd’hui, il y a des choses que j’aime bien dans le rap. Je respecte des artistes comme Youssoufa, par exemple.? Après, je ne juge pas ce qui se fait aujourd’hui. De toute façon, on ne peut pas juger ce qu’on n’écoute pas. ?Actuellement, le rap? ne me touche pas. Aujourd’hui, dans les chansons, on ne raconte pas ce qu’on vit. Avant, les artistes racontaient ce qu’ils vivaient, aujourd’hui, il jouent des personnages?. On privilégie le marketing, le produit. Il n’y a pas vraiment d’artistes authentiques. Le rap est devenu un produit comme un autre. Il va y avoir de temps en temps un son que je vais écouter, mais sans plus. Avant, tous les artistes de l’univers du rap étaient une grande famille. Aujourd’hui encore, les plus sérieux dans le milieu du rap restent des anciens.
« Le R’NB est toujours là, mais il doit se refaire une santé »
?Le R’NB a eu son âge d’or en France puis s’est peu à peu essoufflé. Peut-on toujours parler de R’NB ?en? France ?
Je pense qu’il existe toujours, même si on ne l’entend pas ?à la radio? et que les maisons de disques ne s’y intéressent plus. ?Je pense que le R’NB ?a été ?victime de son succès?. ?Voir autant de mauvais chanteur?s ?se dire chanteur?s? de ?R’NB ?ne lui a pas été bénéfique. Il doit se refaire u?ne ?santé,? mais il est toujours là. Hier par exemple, j’ai sorti une chanson de R’NB, juste comme ça, pour me faire plaisir?. ?C’est important, ?je pense, ?de continuer? à en faire. Il y en a qui aiment? ça, on ne peut? pas faire ?de la ?musique que pour les maisons de disque?.?
Quels sont vos futurs projets ?
?Il y a des ?concerts à venir.? En ?Guyane, ?je me suis déjà représenté?e.? ?J?e dois aller au Cameroun, en février, pour un Festival de musique?. J’ai hâte! J’adore voyager et rencontrer du monde!
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?Parvenez-vous à vivre de la musique ?
?Oui j’arrive à en vivre, mais les revenus ont baissé?. Il? faut travailler beaucoup plus? qu’avant. Ceux qui croient? que la? musique? ce sont? des vacances?, ?ils se trompent lourdement? !