Lorsque les Africains attrapent un voleur en fuite, ils le lynchent en groupe sans autre forme de procès. Des violences qui peuvent être mortelles. Par manque de moyens ou de volonté, la police est peu réactive face à la violence de la vindicte populaire.
Pas de pitié pour les voleurs ! En Afrique, lorsque l’on crie « au voleur ! », un élan de solidarité gagne la foule présente autour du « tout-juste-dépossédé ». Elle se rue sur le bandit, à qui elle ne laissera pas le loisir d’appeler un avocat pour sa défense. C’est la loi de la vindicte populaire, où, bien souvent, la foule se livre à un lynchage en bonne et due forme des malfaiteurs. Certains n’en ressortent pas vivants. Un châtiment violent et spontané que même les forces de l’ordre n’ont pas toujours le courage d’affronter.
Les bastonnades sont surtout fréquentes à la périphérie des villes. Willy est un Congolais de 31 ans. Le 30 décembre 2000 un homme est entré par effraction dans sa cour. « Je dormais tranquillement, lorsque, vers 3 heures du matin, j’ai été réveillé par des bruits de pas sur le toit. Je suis sorti silencieusement. Et là, j’ai vu un voleur avec mon antenne parabolique dans les bras. Mon premier réflexe a été de crier : moyibi (voleur en lingala, ndlr) ! La réaction de mes voisins (appelés « chats gris » parce qu’ils ne dorment que d’un œil, ndlr) a été immédiate : ils m’ont tous rejoint en dépit de l’heure tardive et de la pluie. Nous avons fouetté et battu le voleur sur la tête avec des crosses de mitraillettes », se souvient-il. Pour ce jeune habitant de Poto Poto, un quartier chaud au nord de Brazzaville, pas le moindre regret. Il s’agissait d’un acte de légitime défense face à un individu qu’il estimait être aussi dangereux qu’un assassin.
Œil pour œil, dent pour dent
En Côte d’Ivoire, la population corrige également collectivement le voleur avant de l’amener au commissariat. Ce qui laisse présager une certaine indulgence, forcée ou volontaire, de part de la police. « Certains agents assistent à des passages à tabac mais restent à distance. Ils restent passifs de peur que la foule ne se retourne contre eux, ou par manque d’effectifs », explique un policier sénégalais. Parfois, les forces de sécurité soutiennent ouvertement les représailles violentes. « Lorsque les policiers arrivent après le lynchage d’un voleur, ils n’hésitent pas à dire qu’il fallait ‘en finir avec lui’ avant leur intervention », raconte Rasmané, un Burkinabé d’une trentaine d’années.
Beaucoup font d’ailleurs le choix de ne pas appeler la police. D’une part, parce qu’elle arrive souvent trop tard. D’autre part, « les populations estiment qu’elle va traiter le fautif avec trop de clémence ». Les offensés préfèrent donc se faire justice eux-mêmes. S’ils agissent en groupe, c’est par solidarité. L’objectif est de réparer l’injustice selon laquelle ce sont les plus pauvres qui sont victimes de vol. Une injustice qui provoque une rage aveugle et souvent incontrôlable. « Les lynchages pour vol sont fréquents sur le marché de Mfoundi (Yaoundé, ndlr). J’en ai déjà vu un de mes propres yeux il y a quelques années », commente Michel, un jeune Camerounais.
Morts sous les coups
De nombreux voleurs y ont laissé leur peau. « Un homme qui se baladait avec son amie s’est fait braquer un soir. Le malfaiteur voulait son téléphone portable. Une fois l’appareil donné, le citoyen détroussé l’a froidement abattu avec son arme à feu », raconte la police ivoirienne. Et d’ajouter l’histoire d’un voleur mort sous les coups, avant de subir le supplice du pneu (des pneus sont enfilés sur la personne avant d’être enflammés).
Bien évidemment, certains citoyens s’opposent à ces châtiments extrêmes. « Certains appellent la police, qui envoie alors un véhicule d’intervention. Cela peut sauver la vie du bandit. Ailleurs, nous avons reçu plusieurs appels anonymes dénonçant des habitants qui ont participé à un lynchage. En cas de décès du voleur, ils risquent la prison à perpétuité ou les travaux forcés », raconte le policier sénégalais. La bastonnade de voleurs n’est pas une punition qui convient à tout le monde. Une compassion encore bien loin d’être générale.