Joyeux anniversaire


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Fresque consacrée au 17 octobre 1961
Fresque consacrée au 17 octobre 1961

Il y a quelques années de cela, un père de famille fit à son fils le récit de son quatorzième anniversaire.

En France, beaucoup d’adolescents soufflent les quatorze bougies avec une joie particulière. Car c’est l’âge où la législation gauloise autorise d’enfourcher les 49 cm 3. Les mobs, meules et autres cyclos, vrombissantes Peugeot, élégants Ciao ou poussives « Bleues » qui apportent au novice les premières ivresses d’une liberté encore longue à venir.

Fort de cet acquis l’adolescent emprunta dès l’aube la mobylette de sa soeur aînée et bien disposé à pousser à l’extrême les performances de la machine, il fila vers les quais de Seine où en ce matin d’automne, la circulation automobile était aussi nulle que la chevelure d’un crâne quinquagénaire.

Là, point de Tractions, ni Dauphine, ni de rutilantes Déesses pour entraver son bel enthousiasme, mais une vision atroce. Des dizaines, des centaines de corps flottant sur le fleuve sale. Des parents désespérés cherchant à récupérer leurs proches assassinés tout en évitant les patrouilles de police.

C’était le 17 octobre 1961. Le préfet Papon, fidèle à sa carrière de tueur de la République, qui de Bordeaux à l’eau de Vichy à Oran mon colon a toujours mis un point d’honneur à attirer l’attention de sa hiérarchie sur son zèle massacreur, venait de commettre l’une des pires boucheries de la cinquième République. Combien d’Algériens furent-ils froidement assassinés cette nuit-là ? Les historiens d’aujourd’hui s’accordent sur un vague bilan de plusieurs centaines de tués. Pourquoi cet épisode tragique ne fut-il pas mentionné dans les livres scolaires pendant près de trente ans ? Pourquoi le procès de Bordeaux qui expédia Papon derrière les barreaux pour complicité de crime contre l’Humanité, jeta un voile pudique sur une autre question brûlante : pourquoi tous les régimes des années 30 jusqu’à celui de Giscard d’Estaing ont recouru aux services d’un tel personnage, le félicitant, lui accordant promotions et honneurs, le faisant même ministre ?

Ce n’est pas aujourd’hui que la République une et indivisible t’offrira une réponse. Bon anniversaire quand même, papa.

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