La liberté de la presse en République Démocratique du Congo est aujourd’hui remise en cause par la suspension de nombreuses radios et télévisions privées.
Le 14 septembre 2000, un arrêté ministériel signé, à Kinshasa, par le ministre de la Communication Dominique Sakombi, interdisait de diffusion en République Démocratique du Congo (RDC) dix stations de radiodiffusion et de télévision, pour des motifs multiples.
Selon le ministre, ces entreprises ne respectent pas » les dispositions finales du cahier des charges « . Ces suspensions ne sont cependant pas en accord avec la loi, puisque les exploitants privés du secteur audiovisuel n’ont pas contresigné ce cahier des charges. Une semaine plus tard, ce même ministre a placé deux chaînes privées sous tutelle de l’Etat.
Ainsi, Radio-Télévision Kin Malebo et Canal Kin 1 et 2 sont désormais, et » jusqu’à la fin de la guerre « , sous l’emprise du ministère de la Communication, qui s’arroge le droit de redéfinir leurs lignes éditoriales et les effectifs de leurs équipes rédactionnelles.
La presse audiovisuelle est ainsi placée sous le joug du gouvernement de Kabila, et il en est de même pour la presse écrite. » De nombreux journaux sont connus pour leur penchants pro-gouvernementaux, à l’instar de L’Avenir ou du Palmarès « , nous confie Alain Shiungu, journaliste congolais, correspondant de RFI et de Reporters sans frontières (RSF) à Brazzaville.
Nous avons essayer en vain de recueillir l’avis du ministère de la Communication sur ce problème de liberté de la presse à Kinshasa. Pour sa part, l’attaché de presse de l’ambassade de France à Kinshasa, M.Jean-François Guillaume, déclare » ne pas pouvoir faire de commentaires au sujet de la liberté de la presse, par téléphone, pour des raisons évidentes « . Il estime cependant que certaines radios suspendues seraient sur le point d’émettre de nouveau.
La mainmise de l’Etat sur la presse rend la situation des journalistes indépendants à Kinshasa très précaire. Le bilan de cette situation a été dressé en mai 2000 par une équipe de RSF qui nous livre un rapport remarquable, après avoir enquêté sur place.
Journaliste en danger
Une association présente sur place, » Journaliste en danger « , nous a permis, grâce à l’intermédiaire d’Amnesty International, de recueillir des témoignages de journalistes emprisonnés sur tout le territoire.
Pierre Sosthène Kambidi, correspondant permanent du quotidien Le Phare à Tshikapa, a été arrêté et emprisonné le 20 août 2000. Les raisons de son arrestation n’ont pas été révélées. Toutefois, dans une lettre du 9 septembre 2000 adressée à Journaliste en danger, il estime que son arrestation est liée à sa collaboration avec le journal Le Phare, que certains qualifient de » journal rouge « , c’est à dire proche de l’opposition. Dans sa lettre Kambidi soutient que les conditions dans lesquelles il est détenu sont inhumaines. Il affirme être enfermé dans une cellule de trois mètres sur quatre avec cinquante-six autres détenus. Il ajoute : » Nous dormons nus sur des morceaux de carton. Alors que la prison se trouve à moins de dix mètres de la rivière Kasaï, se laver, pour un prisonnier, est un véritable luxe « . En outre, Kambidi n’a pas de droit de visite, la lettre qu’il a rédigée a été écrite dans les toilettes, avec l’aide d’un gardien à qui il avait remis de l’argent.
D’autres journalistes emprisonnés sont soutenus par l’association Journaliste en danger, à l’instar de Freddy Loseke. Ce journaliste, éditeur de La Libre Afrique, est enfermé depuis le 31 décembre 1999. En mai 2000, il a été jugé et condamné par la Cour d’ordre militaire (une juridiction d’exception qui juge en premier et dernier ressort) à trois ans de prison pour » outrage à l’armée « .
Dans une lettre du 1er septembre 2000 qu’il adresse à Journaliste en danger, Loseke affirme que sa jambe droite est paralysé et qu’il souffre d’une insuffisance rénale. Après l’avoir examiné le 26 septembre, les médecins ont diagnostiqué une hernie discale. A la suite de cette consultation, le journaliste a été reconduit au centre pénitentiaire de Kinshasa, où il suivra une rééducation jusqu’à ce que ses médecins jugent utile de l’hospitaliser.
Franck Baku Fuita, rédacteur en chef du quotidien La référence Plus, a eu plus de chance que ses confrères puisqu’il a été relâché le 22 septembre 2000. Il a tout de même passé 22 jours en prison, pour » outrage à la magistrature « .