C’est à travers la voix et la sensibilité d’une femme, Hortense, que l’écrivain congolais Alain Mabanckou nous livre son quatrième roman. Une invitation au voyage où la tradition et les croyances africaines sont intimement liées à l’héritage culturel de la colonisation française. Confessions.
À peine mariée, Hortense quitte sa région natale du Viétongo, au Nord, pour rejoindre la famille de son époux à Batalébé, au Sud. Premier voyage dans cette ancienne colonie d’Afrique centrale, premier exil, loin des siens. Une expédition fastidieuse où elle découvre pour la première fois le monde qui l’entoure. Tensia (Hortense) entreprend aussi un autre voyage, plus intime. Elle écrit son journal. Elle y trouve « son refuge » et « s’y déshabille sans gêne » tout en poursuivant un seul but : laisser une trace de son existence, témoigner.
Au fil des pages, la confidente cherche ses mots, la juste expression pour raviver ses souvenirs éparpillés. Elle nous livre un dédale de détails minutieux. Plus qu’une invitation au voyage, elle donne au lecteur à voir, à aimer, à détester, à humer, à goûter parfois. Des limbas aux okoumés, en passant par les baobabs, tout y est ou presque. Des gens qu’elle aime, Hortense dresse le portrait. Sa famille, son mari Kimbembé, Christiane, son amie rencontrée au marché et Mam’Soko, une vieille femme un peu bougonne mais touchante. De sa condition de femme, elle rend compte. Obéir à son mari, en apparence. Rester au foyer pour s’occuper de leur fille, Maribé, et de la maison. Sans amertume, Hortense décrit, constate. Elle aime son mari et sa fille, lit à ses heures perdues Lamartine, Proust, Camus. La vie lui sourit.
Terrible guerre civile
Jusqu’au jour où tout bascule. La guerre civile entre les populations du Nord et du Sud explose. Les rivalités, les trahisons, les meurtres deviennent le lot quotidien. Les Sudistes déplacés au nord et les Nordistes au sud en sont les premières victimes. Du mari aimant et attentionné qu’il était, Kimbembé plonge dans un mutisme total, ignore sa femme du Nord, brutalise sa fille. Un dernier voyage s’impose à Tensia. Retrouver les siens, au Nord. C’est au cours de cet exode qu’Hortense profite d’une pause pour tout consigner, préciser, confesser. Elle qui court après sa vie. Ou plutôt la démêle pour comprendre ce qui la mène aujourd’hui à fuir son mari.
Dans ce pays imaginaire, le Viétongo, Alain Mabanckou évoque ses souvenirs du Congo, qu’il a quitté il y a près de quinze ans. Dans ce quatrième roman, l’auteur tente de dire l’indicible, le chaos… tout en douceur et parfois même, avec humour. Ce ne pouvait être dit que par une femme !
Par Orlane Dupont
Les Petits-fils nègres de Vercingétorix d’Alain Mabanckou, éditions Le Serpent à Plumes.
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