Le Président ougandais, Yoweri Museveni, a offert la sécurité contre la fin des hostilités à Joseph Kony, le chef de l’Armée de résistance du seigneur, après que ce dernier ait secrètement rencontré le vice-président du Sud Soudan. Dans cet entretien, dont Reuters a obtenu les images mercredi, le sanguinaire chef rebelle assure qu’il veut la paix. Mais la Cour pénale internationale, qui suit le dossier, ne veut pas entendre parler d’arrangement.
Joseph Kony a enfin un visage. Le chef de l’Armée de résistance du seigneur (Lord Resistance army, LRA) est apparu dans une vidéo obtenue, ce mercredi, par l’agence Reuters. Les autorités ougandaises avaient fait part, la semaine dernière, de l’entrevue entre le chef rebelle et le vice-président du Sud Soudan, Riek Machar, où la LRA trouve refuge, sans apporter plus d’informations sur le fond. Mercredi 18 mai, le Président Ougandais Yoweri Museveni avait néanmoins indiqué à Joseph Kony que le gouvernement ougandais allait « garantir sa sécurité », s’il « souhait[ait] réellement un accord de paix », et s’il déposait les armes avant la fin du mois de juillet. Mais ce n’est que mercredi que l’on a pu voir Kony faire part de ses intentions : « La plupart des gens ne me connaissent pas », affirme-t-il dans la vidéo de l’entrevue, lui qui est resté invisible depuis des dizaines d’années. « Je ne suis pas un terroriste. Je suis un être humain, je veux aussi la paix ».
Assassinats, viols, torture et enrôlements de force
Joseph Kony est le chef de l’un des mouvements les plus sanguinaires et étranges de la planète. Prophète autoproclamé, il dit vouloir diriger l’Ouganda en s’appuyant notamment sur les 10 commandements de la bible. En 1987, il a pris la suite d’Alice Lakwena, la prêtresse acholie, elle-même illuminée, qui se battait depuis le début des années 1980 contre le gouvernement de Kampala. La LRA n’est plus soutenue depuis longtemps par les populations du nord de l’Ouganda et se renouvelle en kidnappant des enfants (25 à 30 000 selon les sources) dont elle fait des soldats, des serviteurs et des esclaves sexuels. Mutilés et torturés, leurs parents assassinés, les enfants ainsi enrôlés répètent sur les nouvelles générations les méthodes de leurs bourreaux.
La LRA s’est rendue coupable de « meurtres, enlèvements, incendies de masse, pillage de villages entiers, destructions massives, esclavage et incitation au viol », énumère auprès de la BBC Sandra Khadouri, la porte-parole de la Cour pénale internationale, qui refuse que le chef rebelle s’en sorte ainsi. « C’est le gouvernement ougandais qui a transmis le cas à la CPI en décembre 2003… rappelle-t-elle. Ils ont désormais des obligations et ont pris un engagement. » Joseph Kony et ses quatre « lieutenants », Vincent Otti, Okot Odhiambo, Dominic Ongwen et Raska Lukwiya sont inculpés de crimes contre l’humanité et de guerre commis en Ouganda depuis le 1er juillet 2002. Le 13 octobre 2005, la CPI a levé les scellés sur les cinq mandats d’arrêt qu’elle avait décernés le 8 juillet de la même année.
Le SPLA/M médiateur
Le SPLA/M, ancien mouvement rebelle soudanais soutenu par Kampala contre Khartoum, et à ce titre ennemi de la LRA, était censé coopérer dans la traque de Joseph Kony et de quatre de ses « lieutenants », eux aussi recherchés par la CPI. Or, dans la vidéo, Riek Machar se pose comme un intermédiaire entre le gouvernement ougandais et la LRA. Il assure même que le SPLM/A ne fait pas partie des groupes cherchant à aider la CPI.
Les négociations entre la LRA et Kampala ont toujours échoué par le passé, l’armée régulière et le groupe rebelle s’accusant mutuellement de ne pas respecter les accords de non agression. Si Joseph Kony déclare dans la vidéo vouloir négocier avec le Président Museveni, il reste méfiant : « Ils disent que Kony est un terroriste [mais] je me bats pour la bonne cause. Je suis un rebelle, je suis l’opposition, l’opposition armée, tout comme la SPLA, comme d’autres gens, et comme tous les opposants armés d’Afrique », assure-t-il.