Jordanomics, le paradigme


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Houston, Etat du Texas, jeudi 20 décembre 2012, des centaines de personnes bravent le froid glacial et les barricades de police devant un centre commercial, le Northline Mall ; d’autres plus nombreuses sont attroupées devant le Greenspoint Mall.

Auntsville, Etat d’Alabama, même nuit du 20 décembre, émeutes et combats de rue entre des foules qui se disputent les meilleures places dans les rangs devant le Madison Square Mall ; la police est obligée de recourir aux bombes à eau pour contrôler la situation. Le vendredi 21 décembre, toutes les grandes chaines de télés américaines font leur une sur des scènes similaires dans plusieurs villes des Etats-Unis ! Mais que se passait-il donc cette nuit du 20 au 21 décembre ? Que faisaient ces foules immenses de jeunes et adultes devant les centres commerciaux ? Était-ce encore la fièvre de la sortie d’un nouvel I-phone ? Non ! Qu’est-ce qui liait donc toutes ces histoires, les dégâts matériels, le nombre de blessés ? Non !

Ces événements qui se sont déroulés sur pratiquement toute l’étendue du territoire américain avaient un dénominateur commun : Michael Jordan ! Plus précisément Air Jordan ou encore Nike Air Jordan ! Le dieu vivant du basketball professionnel ne venait pas de marquer encore un de ses paniers de génie dont lui seul avait le secret. Ce qui l’amenait ce jour de 2012 sous les feux de l’actualité, lui le retraité quinquagénaire, c’était plutôt la sortie ce 21 décembre 2012 du nouveau modèle, le onzième du genre, de Air Jordan, cette marque de chaussures de basket qu’il a créée en 1984, en partenariat avec le géant Nike, alors qu’il venait de rejoindre l’équipe des Chicago Bulls.

Grâce à la légende que le sportif a établie par ses prouesses sur le parquet, les fanatiques supporteurs d’hier se sont transformés en encore plus fanatiques acheteurs aujourd’hui et font vivre, à travers ses chaussures, et peut-être pour l’éternité, le mythe Michael Jordan. Après avoir été le dieu mondial du basketball, Michael Jordan est devenu aujourd’hui une industrie en lui-même, créant des produits pour tous les âges, enfants, jeunes et adultes. Faut-il mentionner la liste impressionnante de produits allant des boissons pour sportifs aux voitures en passant par les eaux de Cologne pour lesquels il a signé des partenariats ?

Selon le magazine des affaires, Forbes, Air Jordan contrôlait en 2012, 58 pour cent de l’immense marché américain des chaussures de basket, loin devant la marque de son partenaire Nike (34 %), Adidas (5,5%) et Reebook (1,6%). Et derrière cette performance, Son Altesse Jordan, confortablement assis sur ses 50 ans, gagne un revenu de 80 millions de dollars par an, bien plus qu’il ne récoltait hier sur les terrains de basket. Sa marque Air Jordan est aujourd’hui au marché des chaussures de basket ce que Michael a été au sport basketball. Le dernier modèle sorti en 2012 se vendait entre 185 et 200 dollars la paire en magasin, et entre 300 et 500 dollars sur le marché secondaire. C’est ce marché secondaire là qui intéressait la plupart de ceux qui attendaient dans le froid la nuit du 20 décembre ; et Dieu qu’ils ont fait de bonnes affaires avec la rupture rapide des stocks en magasin au matin du 21 décembre !

Sous son mythique nom, Michael Jordan, avec certainement de bons conseillers, a ainsi fondé un véritable empire industriel qui emploie des centaines de milliers de personnes aux USA et dans le monde et fait vivre des millions d’autres directement et indirectement. Ces personnes vont des designers qui dessinent les modèles de Air Jordan, aux ingénieurs qui font tourner les usines de fabrication, aux commerciaux et propriétaires de magasins, jusqu’aux techniciens de surface qui entretiennent les belles vitrines d’exposition de la marque à l’homme volant.

Biographie de Marcellin Alle Koffi

Marcellin Alle Koffi est économiste de formation et travaille comme Conseiller principal de l’Administrateur pour l’Afrique au Fonds monétaire international (FMI) à Washington, D.C. Il totalise plus de 12 ans d’expérience professionnelle dans la conception et la mise en œuvre de politiques économiques et dans les questions de développement des pays d’Afrique Sub-saharienne.

Avant de rejoindre le FMI en 2006, Mr Alle Koffi a été Chargé d’études, puis Conseiller technique du Ministre de l’Economie et des Finances de la Côte d’Ivoire (1999-2005), et Consultant à la Région Afrique de la Banque mondiale à Washington (2006).

M. Alle Koffi est titulaire d’un Master en politique économique de Columbia University aux Etats-Unis et d’un D.E.A en économie publique de l’Université d’Abidjan. Il est également titulaire de parchemins postuniversitaires dont un en Leadership et politiques publiques de Harvard Kennedy School. Passionné des questions de développement de l’Afrique, l’auteur a écrit plusieurs articles dont le dernier s’intitule « Africa’s Development Conundrum : Too Rich to Rise ? », publié en Janvier 2013 par le magazine international African Business.

Par Marcellin Koffi Alle

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