John F. Kerry : une chance pour l’Afrique ?


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John Kerry
John Kerry

Les Américains s’apprêtent à élire le 2 novembre prochain leur nouveau Président. Entre George W. Bush, dont la politique africaine a été plus que mitigée, et John F. Kerry, quel candidat devrait servir au mieux les intérêts africains ? A priori le démocrate si l’on s’en tient à ses promesses de campagne.

Lors du premier débat télévisé, la totalité du temps de parole était consacrée aux affaires internationales. Cependant, 90 % de ce temps concernaient la guerre en Irak. On trouve là une différence fondamentale entre les deux candidats. John Kerry regrette une telle évolution. Selon lui, les affaires irakiennes, en concentrant tous les efforts des Etats-Unis dans une seule zone géographique, font perdre de vue la nécessité pour la première puissance mondiale d’avoir un point de vue global sur le monde.

Ainsi, la politique africaine de l’administration républicaine lui semble nettement insuffisante, alors que plus de 30 millions d’Américains peuvent de se réclamer d’un héritage africain. En juillet 2004, le président George W. Bush consolide le African Growth and Opportunity Act. Cette loi a pour objectif d’encourager les liens commerciaux entre les Etats-Unis et les pays d’Afrique subsaharienne, qui n’ont pas accès aux marchés extérieurs et aux investissements qui génèrent la croissance. Pour Kerry, cette loi ne saurait seule tenir lieu de politique africaine. Le démocrate propose un plan en huit points.

Sécurité, lutte anti-terrorisme et sida : même combat

Il s’agit d’abord de consolider les avancées démocratiques et de résoudre les crises de certains Etats clefs : l’Angola, le Soudan, la République démocratique du Congo, le Burundi, la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone. Le Golfe de Guinée est pour lui essentiel : en 2015, 25% des importations américaines de pétrole pourraient provenir de cette zone. Le deuxième point, dans la tradition américaine, associe les bons sentiments et l’intérêt économique du pays. Le marché africain – 700 millions de personnes – est trop important pour être négligé.

L’administration démocrate encouragerait les organisations économiques africaines, comme la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) et le marché commun de l’Afrique centrale et de l’est (comme les Etats-Unis avaient soutenu les débuts du marché commun européen). Le démocrate propose également l’annulation de la dette des Etats les plus pauvres. La nouveauté est de ne pas lier l’annulation de la dette aux seules réformes économiques, mais également au développement humain. En ce qui concerne le volet éducation, l’aide américaine à l’école publique ne doit pas se limiter au monde arabe et musulman. L’objectif est la mise en place d’une éducation de base universelle pour tous les pays d’ici 2015.

La sécurité de l’Afrique passe par une prévention des conflits. Là encore, les méthodes différeraient de l’administration républicaine. Il conviendrait de renforcer en Afrique les capacités diplomatiques de l’Amérique. Cette proposition renvoie à la politique de Bill Clinton et renoue plus généralement avec la tradition démocrate, le renforcement des ambassades américaines en Afrique étant l’un des thèmes de la campagne de John Kennedy en 1960. Kerry insiste sur la nécessité de répondre avec plus de rapidité et d’efficacité aux crises qui surviennent.

Pour ce faire, il conviendrait de rompre avec l’unilatéralisme de Bush : les Etats-Unis doivent mieux collaborer avec leurs alliés et avec les organisations régionales africaines. Ainsi au sujet du Darfour, le candidat Kerry stigmatise l’impuissance de l’actuelle administration, qui n’a pas su tirer de leçons du Rwanda. Kerry propose que les Etats-Unis, au sein du conseil de sécurité, préparent le déploiement d’une force des Nations Unies pour désarmer l’armée de Karthoum, protéger les civils et faciliter le travail d’une aide humanitaire aux réfugiés. Il propose également qu’une commission d’enquête internationale sur les crimes contre l’humanité soit mise en place.

Les Africains-Américains : un électorat qui compte

Le coeur (au lieu de centre) de la politique à l’égard de l’Afrique est constitué par la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria. Kerry sait qu’il y a un intérêt électoral à reprendre un sujet auquel l’opinion publique américaine est déjà sensibilisée. Un épisode récent de la série Urgences, l’une des séries les plus populaires, se déroulait au Congo et évoquait la lutte contre cette pandémie. Kerry évoque le fait que ce drame pourrait avoir des implications politiques, déstabilisant des pays qui pourraient devenir des bases arrières pour des terroristes.

Il propose donc le doublement des aides antisida (30 milliards d’ici 2008). Pour ce dernier, le gouvernement américain doit faire pression sur les pays qui ignorent les traitements. John Kerry entend ainsi rompre avec la politique « scandaleuse » de l’administration républicaine, qui conditionne la mise en place des traitements à la réussite des politiques de planning familial.

La lutte antisida est d’autant plus déterminante qu’elle a un volet intérieur. Ce qui en fait un véritable enjeu électoral. Kerry rappelle qu’en 2001, 70% des nouveaux cas de sida concernaient les minorités. Les politiques de prévention aux Etats-Unis doivent donc être centrées sur les communautés hispaniques et africaines-américaines. Si Kerry insiste sur l’Afrique, c’est qu’il sait que les Noirs américains pèseront sur les élections. Contrairement à une idée reçue, c’est un électorat qui sait se mobiliser.

Les observateurs français, lorsqu’ils évoquent l’abstention au Etats-Unis, oublient de rapporter le nombre de votants au nombre d’inscrits. Lors des dernières élections présidentielles, 57% des Noirs inscrits ont votés (contre 62% pour les Blancs). Non seulement les Noirs sont en train de rattraper leur retard sur la majorité blanche, mais ils sont plus nombreux à aller voter que les Hispaniques (45 %) ou que les Asiatiques (43%), qui sont souvent présentés comme une « minorité modèle ».

D’après le programme de Kerry, la politique africaine des Etats-Unis devrait donc profondément changer. Cependant, pour que les élections américaines aient une incidence sur l’avenir du continent africain, encore faut-il que le candidat démocrate l’emporte, puis que les promesses électorales deviennent une réalité politique.

Par François Durpaire

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