Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia a exposé début novembre dans un entretien à la BBC l’état du développement de l’encyclopédie participative en Afrique. Le développement des éditions en langues vernaculaires est difficile mais nécessaire, selon lui, pour garantir au plus grand nombre l’accès à la culture. Le développement progressif du réseau Internet en Afrique devrait pourtant créer une dynamique, et même bouleverser les rapports de force interculturels en l’espace de quelques années, à en croire Jimmy Wales.
Internet est une arme pour l’Afrique de l’avis de Jimmy Wales. Dans une interview diffusée par la BBC les 3 et 10 novembre, le fondateur américain de l’encyclopédie participative en ligne Wikipédia affiche une vision optimiste et volontariste. L’objectif de Wikipédia est de donner à tout individu sur la planète un accès gratuit et instantané à la connaissance dans sa propre langue. Et même si aucun de ces objectifs n’est encore véritablement atteint sur le continent africain, Jimmy Wales a bon espoir que la situation évolue.
Une production balbutiante
Peu d’éditions en langue vernaculaire ont véritablement atteint une taille substantielle, regrette Jimmy Wales. Par exemple, l’édition en swahili (Afrique de l’Est) « est autour de 10 000 entrées à présent [14 650 le 16 novembre, ndlr], ce qui est relativement peu comparé à ce que nous considérons comme un projet à succès, soit 200 000 articles », et très loin des 3,1 millions d’entrées de la version anglophone.
Le fondateur s’interroge donc sur la façon de toucher un large public, alors que, toutes langues confondues, « les chiffres de fréquentation depuis l’Afrique sont en fait tellement bas qu’ils sont difficiles à mesurer ». La question porte, pour Jimmy Wales, sur la façon d’intéresser aux éditions en langues locales les personnes qui, en plus de leur langue locale, ont été éduquées en anglais ou en français. Un objectif important, selon lui, « pour aider les gens qui ne savent pas lire l’anglais ni le français ».
Une réflexion inscrite dans le long terme
Cet intérêt porté au développement de Wikipédia en Afrique n’est pas tout à fait nouveau. Depuis plusieurs années, la réflexion a été entamée par Jimmy Wales. En 2007, par exemple, la rock-star des campus universitaires s’exprimait à la première Wikipedia Academy de Johannesburg (vidéo en anglais) :
En 2005, le néerlandais Kasper Souren a pris l’initiative de reverser un dollar l’article (70 centimes d’euros) aux rédacteurs pour l’édition bambara (Mali) de Wikipédia. Un choix critiqué, comme l’a rapporté en 2006 The New York Times, car contre la culture de gratuité de Wikipédia. D’une centaine d’article en août 2006, l’édition bambara est passée à 280 en novembre 2009.
Un réseau peu démocratisé
Mais le premier problème reste celui de l’accès à Internet. « Le nombre de personnes connectées à Internet en Afrique est assez faible, même dans les zones développées », constate Jimmy Wales. En Afrique du Sud, par exemple, « le coût pour une connexion haut-débit est plutôt exorbitant », explique-t-il, entre autres pour des raisons de monopole. Mais tout n’est pas si sombre : en Afrique de Est, « une nouvelle ligne [un câble à fibres optiques, ndlr] a été ouverte, qui a augmenté le débit Internet ».
Jimmy Wales en est certain, tout va changer dans les 5 à 10 ans à venir. A l’heure actuelle, même les médias qui s’intéressent à l’actualité mondiale, comme la BBC, ont toujours une perspective occidentale, remarque-t-il. Mais une multiplication des centres d’intérêts est à prévoir et « nous [Occidentaux, ndlr] allons être influencés par des cultures venant d’endroits dont nous ne connaissons presque rien aujourd’hui ».