Parmi les sports les plus remarqués à l’occasion de ces 11èmes Jeux Africains, le Nzango est peut-être celui qui suscite le plus de curiosité. Discipline typiquement congolaise qui se pratique en chantant, inscrite comme sport de démonstration lors des Jeux de Brazzaville, celle-ci a entre autres particularités de n’être pratiquée que par des femmes. L’occasion pour les Congolaises de montrer toute leur souplesse et leur sens du rythme dans un sport original qui se diffuse progressivement dans les autres pays de la sous-région.
« Je trouve ce sport… stupéfiant », s’exclame Bijou, une athlète sénégalaise. Avec quelques unes de ses compatriotes, elle est venue assister à une partie de Nzango, l’un des deux sports de démonstration, avec la « boxe des Pharaons », créés par le Congo et pratiqués à l’occasion de ces « Jeux Olympiques africains » de Brazzaville. « Je n’en connaissais même pas l’existence avant le début des compétitions. J’étais sceptique en arrivant. Mais là, je suis totalement conquise. » Et Binta, sa compatriote de lancer, euphorique : « Pourquoi ne pas créer une fédération de retour au Sénégal ! »
De simple jeu de cours d’école réservé aux jeunes filles avant les indépendances, le Nzango, qui signifie « jeu de pied » en lingala, accède peu à peu au statut de sport à part entière. Codifié avec des règles précises, il se pratique sur un terrain de 16 mètres sur 8, délimité par une bande rouge au niveau central et deux bandes bleues de part et d’autre. Il oppose deux équipes de 17 joueuses, dont 11 qui démarrent la partie et 6 placées en réserve.
Les règles peuvent, a priori, paraître complexes aux profanes. Elles sont, en réalité, relativement simples. Le but du jeu consiste à reproduire le plus fidèlement possible les mouvements dansés de l’adversaire. Un arbitre juge si les joueuses ont convenablement imité les pas de danse de leurs opposantes. Celles-ci sont éliminées au fur et à mesure jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une seule concurrente. Des cartons jaunes et rouges sanctionnent celles qui enfreignent les règles du jeu. Un reportage de démonstration est disponible sous youtube…
La grande particularité du Nzango, outre le fait qu’on ne parle pas de « but » mais de « pied normal » ou de « pied ko », provient du fait que les joueuses doivent applaudir et chanter tout au long des cinquante minutes que dure la partie. Le rythme de celle-ci va d’ailleurs de pair avec la chanson entonnée. Si la chanson est rapide, le jeu l’est aussi ; et inversement, si la chanson est lente, le jeu le devient également.
Afin de populariser ce sport et d’en faire la pédagogie dans le cadre des Jeux Africains, outre le tournoi qui se déroule depuis le 6 septembre sur le terrain de tennis de Kintélé et qui met aux prises les équipes championnes de cinq départements du Congo (Brazzaville, Pointe-Noire, la Bouénza, le Niari et le Pool), la Fédération congolaise de Nzango a organisé, le 12 septembre dernier, au Palais des Sports de la Fraternité des séances de démonstration technique sous les yeux admiratifs des différentes délégations africaines présentes à Brazzaville. « C’est une découverte totale », nous confie Antonia, une athlète mozambicaine, mi-surprise mi-ébahie. Un sentiment largement partagé chez les spectatrices originaires d’autres pays d’Afrique.
Discipline purement congolaise, le Nzango a, en l’espace de quelques années, complètement changé de statut. De plus en plus populaire au Congo, il dispose désormais d’une fédération présidée par Blanche Akouala. « D’un jeu auquel nos enfants adolescentes jouaient dans les cours des écoles primaires. Maintenant, c’est devenu un sport de femmes », indique Gervais Bemba, coordonnateur au service des Sports. Par ailleurs, autrefois confiné à quelques régions, le Nzango se pratique aujourd’hui sur toute l’étendue du territoire congolais. « Du nord au sud et d’est en ouest, son succès ne se dément plus », explique Christiane, une pratiquante assidue.
Aujourd’hui, le Nzango est en passe de se diffuser dans les autres pays d’Afrique centrale. Avant, peut-être, de conquérir le reste du continent africain et en attendant, un jour, pourquoi pas, d’être reconnu comme discipline olympique. Sans doute le meilleur moyen de faire valoir, au plus haut niveau, le génie créatif et sportif congolais… et, plus particulièrement, celui des Congolaises.