La martiniquaise Jenny Hippocrate mène depuis plus de dix-ans un combat sans merci contre la drépanocytose, une maladie génétique de l’hémoglobine qui touche essentiellement les noirs. Cette lutte qu’elle mène à travers plusieurs associations est devenue une évidence lorsqu’elle a appris, il y a dix-neuf ans, que son fils Taylor était atteint de la forme la plus grave de l’affection. Le collectif « Ensemble contre la drépanocytose » (ECD), qu’elle préside, organise un concert le 12 juin au Zenith de Paris pour soutenir les malades.
La vie de Jenny Hippocrate a basculé dix mois après la naissance de son fils Taylor, lorsque les médecins lui ont annoncé qu’il était atteint de la forme la plus grave de la drépanocytose, maladie génétique de l’hémoglobine. Elle le savait au plus profond d’elle-même, étant porteuse du gène. « J’ai senti dès le départ que quelque chose n’allait pas, bien que Taylor ne présenta aucun symptôme de la maladie. J’ai insisté plusieurs fois auprès des médecins pour qu’ils fassent des analyses mais ils me disaient à chaque fois : votre enfant n’est pas malade, rassurez-vous », raconte-t-elle. Pourtant ses craintes se sont avérées légitimes. « Lorsqu’elle j’ai appris la terrible nouvelle j’ai d’abord pensé à me jeter par la fenêtre, confie-t-elle. Mais Taylor m’a affiché son plus beau sourire. Et j’ai su à cet instant qu’il serait le combat de ma vie ».
Une maladie taboue
Dès lors, débute pour la Martiniquaise, âgée aujourd’hui de 52 ans, une lutte sans merci pour sensibiliser le public, les personnels de santé, les enseignants et les politiques sur cette maladie encore méconnue, qui affecte majoritairement les populations noires. Elle estime que « si la drépanocytose suscite un tel désintérêt, c’est avant tout parce que beaucoup pensent que seuls les noirs en souffrent. Ce qui est totalement faux ! » Elle est bien placée pour affirmer que « les préjugés autour de la maladie sont bien réels ». Elle a subi à maintes reprises des réflexions humiliantes du personnel médical, qui lui interdisait parfois de passer la nuit auprès de son fils. « Le pire c’est que la maladie reste toujours un tabou dans certaines sociétés. Notamment en raison des douleurs qu’elle engendre aux malades », déplore Jenny Hippocrate. Selon elle, « en République Démocratique du Congo, les enfants atteints de cette maladie sont considérés comme des sorciers. Leurs proches n’hésitent pas à s’en débarrasser ».
Elle s’est engagée dans des associations pour sortir la maladie de l’ombre. Elle est à la tête de plusieurs d’entre elles, dont l’Association Pour l’Information et la Prévention de la Drépanocytose (APIDD), qui compte, déclare-t-elle, 154 bénévoles et 7000 adhérent. Cette dernière participe à de nombreuses rencontres internationales afin de tenir informées les familles des malades sur l’état d’avancement de la recherche et des programmes de lutte contre la maladie à travers le monde. Jenny Hippocrate préside également le collectif « Ensemble contre la drépanocytose » (ECD), qui organise un concert le 12 juin au Zenith de Paris, qui regroupera plusieurs artistes qui soutiennent son action. « Il y aura de grandes personnalités comme Singuila, Admiral-T, Gage… tous ces artistes nous ont toujours beaucoup soutenu », précise la présidente de l’ECD.
Un parcours exceptionnel
Hormis l’univers associatif, Jenny Hippocrate a aussi eu un riche parcours professionnel. Arrivée à l’âge de 18 ans en France après un bac scientifique en poche, elle a mené des études à l’université pour devenir assistante sociale. « Mais j’ai su que ce n’était pas ma voie, alors je me suis dirigée vers la psychologie », explique-t-elle. Une réorientation qui lui a permis de travailler comme psychologue dans le secteur carcéral. « Au début les prisonniers me traitaient de tous les noms, raconte-t-elle. Quand ils ont compris que je ne me laissais pas faire et que je pouvais utiliser le même langage qu’eux, ils ont fini par m’adopter ». En parallèle, elle a également effectué des études sur la Drépanocytose. « Il était important pour moi que je maîtrise tous les aspects de la maladie. J’ai mené des recherches partout dans le monde : aux Etats-Unis, en Haïti, aux Antilles, en Afrique, affirme-t-elle. J’ai même travaillé sur la question avec la première dame, du Sénégal Mme Viviane Wade ».
Une femme de lettres
La Martiniquaise est aussi écrivain. Elle a écrit pas moins de 5 ouvrages, dont Mon fils a la drépanocytose, et alors ?, publié aux éditions Delma en 2002. Ses débuts dans la littérature remontent à l’adolescence. « J’avais treize ans quand j’ai commencé à écrire des poèmes dans un journal au collège. Mon premier livre intitulé L’Espérance a été publié en 1995 ». Toutes ces activités ont valu à la quinquagénaire plusieurs prix. Elle a été décorée, le 16 septembre 2010, Chevalier de l’ordre du Mérite par Patrick Karam au siège de la délégation interministérielle. Elle a aussi été nommée « femme formidable » de l’année 2010 par le magazine Femme actuelle. Sa détermination l’a menée jusqu’aux plateaux de télévisions, notamment ceux du Téléthon. Ce qui fait d’elle une femmes très médiatisée. Et elle n’est pas prête d’arrêter. Elle ne cessera pas son combat avant d’avoir rendu son dernier souffle, prévient-elle.
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