Le Secrétaire d’Etat français à la Coopération et à la Francophonie, Jean-Marie Bockel, a vivement critiqué mardi à Paris la gestion des revenus pétroliers en Afrique avant d’annoncer « le décès de la Françafrique ».
« L’un des premiers freins au développement de l’Afrique, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie des structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants », a-t-il déclaré lors de la présentation de ses vœux à la presse. « Tout le monde le sait, bien peu le disent », a dit M. Bockel en évoquant très longuement le cas particulier des pays africains producteurs du pétrole dans un contexte marqué par l’enchérissement du cours du baril sur le marché international.
« Quand le baril est à 100 dollars, et que d’importants pays producteurs ne parviennent pas à se développer, la gouvernance est en question. Quand les indicateurs sociaux de ces pays stagnent ou régressent tandis qu’une minorité mène un train de vie luxueux, la gouvernance est en question », s’est emporté le Secrétaire d’Etat français.
Il s’est ensuite longuement interrogé sur l’usage des revenus tirés du pétrole en estimant que la France ne doit plus attribuer son aide au développement aux Etats africains qui gaspillent leurs ressources.
« Que deviennent ces revenus pétroliers ? Pourquoi la population n’en bénéficie-t-elle pas ? Est-il légitime que notre aide au développement soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources ? », a-t-il lancé au public composé essentiellement de fonctionnaires français en charge de la coopération franco-africaine.
« En tant que responsable politique, je suis comptable de la bonne utilisation des deniers du contribuable. J’ai le droit, j’ai même le devoir de poser ces questions. Ce n’est pas de l’ingérence : c’est être fidèle au principe de solidarité qui guide notre action », s’est défendu Bockel.
Prenant ses distances avec la politique africaine du président Nicolas Sarkozy, le Secrétaire d’Etat français, entré au gouvernement comme «ministre d’ouverture », a dit que « la rupture annoncée se fait encore attendre six mois après ». « Je veux le redire clairement : ces changements sont nécessaires et ils auront lieu. (…) Le poids des habitudes est un obstacle à ce changement, la rupture annoncée à Cotonou tarde à venir », a dit M. Bockel qui est par ailleurs maire de la ville de Mulhouse, dans l’Est de la France.
« Je veux que cessent les interférences de ceux que le président Sarkozy a qualifiés à Cotonou d’émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent. C’est une nécessité pour tenir un discours exigeant aux Africains », a poursuivi le Secrétaire d’Etat français.
« Aujourd’hui, devant vous, je vais signer l’acte de décès de la Françafrique. Je veux tourner la page de pratiques d’un autre temps, d’un mode de relations ambigu et complaisant dont certains, ici comme là-bas, tirent profit au détriment de l’intérêt général et du développement », a-t-il martelé, suscitant interrogations et scepticisme au milieu d’un auditoire où l’Afrique était très peu représentée.