Jean-Louis Roy a-t-il inventé la citoyenneté francophone ?


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La Francophonie est une belle idée qui a souvent été reprochée à ses illustres initiateurs, et analysée comme des chaines que les anciennes colonies auraient sciemment données à l’ancien maître pour bien les assurer de leur fidélité et de leur servitude éternelles.

Comme toute belle idée, elle a ses hérauts et ses pourfendeurs. La francophonie est dans une certaine opinion publique le pendant culturel de la Françafrique. Et quand celle-ci tendrait à disparaître, ce ne sera qu’au bénéfice de celle-là. C’est écrit, il y aura toujours dans les relations françafricaines un relent de soupçon, leur amour est teinté de défiance.

Calixthe Beyala, candidate plusieurs fois malheureuse à la place actuellement occupée par Abdou Diouf, défendait dans ses campagnes l’idée d’une « francophonie des peuples », non seulement en résonance au Commonwealth, mais encore pour marquer qu’en l’état, la francophonie était surtout le fait des élites, qu’elle est un syndicat de chefs, un réseau d’entraide et d’échanges de bons procédés entre dirigeants.

Qu’à cela ne tienne ! Poète, journaliste, diplomate, et historien, il n’est pas une de ses compétences que Jean-Louis Roy n’ait mises dans le marché de l’espoir africain, où la demande bien que rampante ne suscite pas une offre intéressante des pays du Nord. La désespérance, c’est bien connu, est plus vendeuse.

L’ancien secrétaire général de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, premier avatar de l’OIF, est notre ami. Il respecte l’Afrique, aime les Africains et ne s’en est jamais caché. Ses écrits sur l’Afrique sont un témoignage de son engagement en faveur d’une francophonie « concrète » et efficace.

« Si l’Afrique ne parle plus français, il n’y a plus de francophonie »

Yamina benguigui s’y emploie. Et François Hollande ne sera pas bien long à convaincre de la nécessité de sa présence en octobre prochain à Kinshasa, à l’occasion du XIVe sommet de la francophonie. Présentée comme la « capitale mondiale du viol », Kinshasa donne des boutons aux défenseurs des droits de l’Homme. L’on est en RDC plutôt très peu soucieux des droits humains. François Hollande hésiterait donc à s’y rendre.

Plusieurs rapports ont souvent présenté la garantie d’une francophonie forte comme un gage de l’influence française dans le monde : cette « idée » de la grandeur de la France pourrait se révéler un peu, beaucoup, voire totalement déterminante. La realpolitik finit toujours par prendre le pas sur les bons sentiments.

C’est entendu, la langue française est une force pour la France, une chance pour l’Afrique. Et si la francophonie doit continuer d’évoluer vers une espèce de société politique, il ne serait pas aberrant d’exiger aux pays les plus riches de financer entièrement l’apprentissage de la langue française dans les pays en voie de développement.

Ceux-ci sont des débouchés sûrs, des consommateurs fidèles de la culture « made in France », et des vecteurs de la langue française. Alors pour prévenir la francophonie du syndrome rwandais (Kigali a adopté l’anglais comme langue officielle), pour éviter une contamination, il serait peut-être juste de recourir aussi à des incitations financières, pour des peuples qui en ont grand besoin.
Au Cameroun, l’idée n’est pas encore discutée, mais elle a été lancée, en l’occurrence par nous-mêmes, de l’unification linguistique du Cameroun. Celle-ci peut se faire au détriment du français. La France doit agir.

Par-delà les Etats, les hommes, les grands…

Jean-Louis Roy est depuis des années un missionnaire de la francophonie, non pas celle des concepts creux et de l’irrésolution, mais celle d’une solidarité véritable, c’est ce qui ressort de son recueil de textes Ma rencontre avec un continent, écrits sur l’Afrique 1971 – 2011.

Publié à Dakar au dernier trimestre de 2011, il a présenté son dernier ouvrage, qui connaît un succès d’estime, à ses compatriotes québécois le 12 avril dernier, en présence du poète Amadou Lamine Sall, de plusieurs personnalités et d’un public venu en grand nombre.

Le 11 juin 2012, ce sera au tour de Yaoundé, en présence notamment de Jean Tabi Manga, recteur de l’université de Yaoundé II, titulaire de la chaire Senghor dans ladite université, et de Christian Wangue, journaliste et héraut de la francophonie, par ailleurs chargé de mission à la présidence de la République du Cameroun.

Les universités camerounaises seraient bien inspirées de décerner à ce fier beauceron un doctorat honoris causa à cette occasion. Il n’en a pas besoin, mais il est plus que temps pour nos institutions d’attirer à elles des noms prestigieux.

A l’heure où les nationalismes s’exacerbent alors que l’on avait cru lors de la chute du mur de Berlin à leur disparition progressive, à l’heure où citoyen du monde veut dire capitaliste forcené, il est plutôt rafraichissant de croiser un « nègre blanc », au service d’une cause dont on se demande ce qu’il en a à fiche.

Jean-Louis Roy réinvente le cosmopolitisme et créé la citoyenneté francophone de fait. Pour lui, il ne s’agit pas de donner, mais de partager. Il se met au service des peuples africains en contribuant à mettre en œuvre les intuitions magnifiques des plus illustres des fils de ce continent: Diori, Bourguiba, et bien sûr Senghor.

Croyons-nous au hasard ? Est-ce alors un hasard si Jean-Louis Roy est à ce jour la seule personnalité non issue du continent africain à avoir jamais dirigé l’institution francophone ?

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