Le Président de la République centrafricaine participe au 22è sommet France-Afrique qui s’est ouvert mardi à Paris. La situation de crise que connaît son pays depuis la tentative de coup d’Etat du général François Bozizé, en octobre 2002, y sera largement évoquée. Ange-Félix Patassé s’en est expliqué au Centre d’accueil de la presse étrangère, à Paris.
La République de Centrafrique connaît une situation de crise depuis la tentative de putsch du général François Bozizé, en octobre dernier. Le coup de force a provoqué une scission entre le Nord, sous domination rebelle et qui bénéficierait du soutien du Tchad, et le Sud, où le Président Ange-Félix Patassé a pu se maintenir grâce à l’aide de la Libye et des troupes rebelles congolaises de Jean-Pierre Bemba. Au prix d’exactions qui ont poussé la Fédération internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) a saisir la cour pénale internationale contre le chef de l’Etat centrafricain. Des démarches en vue de négociations pour la paix ont débuté et la question sera largement abordée lors du 22è sommet France-Afrique, qui s’est ouvert mardi à Paris. Le Président centrafricain, Ange-Félix Patassé s’est adressé aux médias internationaux, au Centre d’accueil de la presse étrangère, avant de gagner le sommet.
Le peuple de République démocratique du Congo (RDC) n’a jamais compris ce qui vous a poussé à demander l’aide des troupes rebelles de Jean Pierre Bemba…
Ange-Félix Patassé : J’ai été le premier à condamner les agressions du Rwanda contre la RDC et à soutenir Laurent-Désiré Kabila et j’aimerais que des actions de la part de l’Onu soient engagées pour aboutir à la paix. Faut-il dire à Jean-Pierre Bemba de cesser les combats… ou aider les deux parties à s’entendre ? J’ai mené des actions pour le rapprochement entre Kabila père et Bemba, que je considère comme mon fils, et que je continue à pousser au dialogue avec les autorités congolaises. Quand ma confiance a été trahie par le général Bozizé et que mon pays a été agressé, j’ai dû faire appel à ses troupes.
Le général Bozizé est installé à Paris. Et ce que cela signifie qu’il bénéficie du soutien de la France ?
Ange-Félix Patassé : C’est la coopération d’Etat à Etat que je privilégie. Les initiatives actuelles pour la paix en Centrafrique sont dues à la France. Jusqu’ici, les relations entre nos deux pays ne sont pas ternies. Grâce à la France, les relations entre le Tchad et la RDC se sont beaucoup améliorées. Je viens à Paris pour témoigner de notre reconnaissance à la France.
Quelle est la nature des combats dans lesquels vous êtes engagé en Centrafrique ?
Ange-Félix Patassé : C’est un combat de libération du pays et des zones sous contrôle rebelle. Mais aujourd’hui, le pays est libre. Ce matin (mercredi, ndlr), Bossangoa est tombé.
Quel est l’état de la coopération militaire entre la France et la République de Centrafrique et quels sont les liens qui vous unissent à la Libye ?
Ange-Félix Patassé : Aujourd’hui c’est la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale, ndlr) qui assure la logistique… mais les problèmes de fond de l’armée centrafricaine restent entiers. Les accords avec la France ne sont pas remis en cause mais des aménagements vont être réalisés car ils existent depuis les années 1960. Quand nous avons été attaqués par les rebelles, j’ai téléphoné à Mouammar Khadafi. Spontanément, la Libye a envoyé une trentaine d’hommes pour nous aider. Mais nous avons toujours une demande auprès du Conseil de sécurité de l’Onu. Aujourd’hui, la mission de la Libye est terminée. Tout démocrate ne peut que féliciter Khadafi pour avoir soutenu un régime démocratique.
Pouvez-vous nous dire un mot des commissions mixtes centrafrico-tchadiennes ?
Ange-Félix Patassé : Comme avec tous nos pays voisins, nous avons mis en place une commission mixte avec le Tchad. Au départ, la commission a été créée au vu de la situation que connaissait le pays. Cela fonctionnait bien, jusqu’à ce que le général Bozizé commette les exactions que vous connaissez. Mais nous avons eu le courage de demander à nouveau la réunion de cet organisme. J’ai accepté de passer un coup d’éponge, à Libreville, sur la crise entre nos deux pays. Quand mon frère Idriss Déby (Président de la République tchadienne, ndlr) est venu à Bangui, nous avons discuté. Mais le déplacement d’un Président ne suffit pas. La commission centrafrico-tchadienne se réunira le 27 février prochain à Bangui.
Imposez vous des préalables à la tenue de négociations sur la crise centrafricaine ?
Ange-Félix Patassé : Je suis un démocrate. Normalement, dans un pays d’Etat de droit, la sanction d’un pouvoir se fait par le peuple à la fin d’un mandat par le biais des élections. Mais puisque mon pays connaît des crises à répétitions, j’ai demandé à mes compatriotes de venir pour dialoguer. Pas seulement avec les partis mais avec toutes les couches de la société. Comment ouvrir le dialogue en imposant des préalables ? Celui qui veut venir parler avec ses frères et soeurs sera le bienvenu. Pour celui qui veut s’exclure… nous sommes dans un pays de liberté.
La Fédération internationale des Droits de l’Homme a saisi la Cour pénale internationale à votre encontre, en raison des crimes commis par vos troupes.
Ange-Félix Patassé : Je n’ai pas encore le rapport de la FIDH. J’ai appris cela par la voie des ondes. Est-ce un rapport sérieux ? La FIDH était-elle sur le terrain ? Ce que je sais, c’est que j’ai été élu Président et qu’en tant que tel, je dois défendre mon peuple. Faut-il que je sois un mauvais chef d’Etat pour ne pas protéger mon peuple ?
Ce que dit la FIDH est que vous saviez que des exactions étaient commises par des soldats à votre service.
Ange-Félix Patassé : Je n’ai pas connaissance du rapport. Il y a des choses que je pourrais vous dire mais ce n’est pas le lieu. Ce sont les avocats qui vont en parler. Il faut que je lise les rapports pour relever les points justes et non justes. Tout en me réservant le droit d’attaquer la FIDH pour calomnies.