Dans le cadre de sa Saison créole, le Parc de la Villette, à Paris, présente une série de concerts, pièces de théâtre et débats qui mettent les cultures de la Caraïbe et de l’Océan indien à l’honneur jusqu’en octobre. Au cœur de cet événement, une exposition d’art contemporain exceptionnelle, Kréyol factory, rassemblant les œuvres de 60 créateurs.
Le comédien et metteur en scène guadeloupéen Jacques Martial, président du Parc et de la Grande Halle de la Villette depuis septembre 2006, est à l’origine de l’événement Saison créole 2009. Pour lui, « la Villette est un formidable espace d’énergie, c’est un lieu d’éveil artistique, un lieu d’émergence, un lieu de partage » où les cultures de la Caraïbe et de l’Océan devaient trouver leur place. Une façon de mieux les faire connaître et aussi de pousser la France à s’interroger et réfléchir un peu plus sur sa propre diversité. Interview.
Pilibo mag : Bonjour Jacques Martial, nous nous voyons aujourd’hui pour parler de Kréyol Factory et des rencontres artistiques prévues autour de l’exposition.
Jacques Martial : Kréyol Factory est une exposition qui a lieu jusqu’ au 5 juillet, elle est la colonne vertébrale de ce que j’ai appelé la « Saison Créole » qui est la thématique des événements se déroulant au parc de la Villette du mois d’avril au mois d’octobre 2009. Cela se déroule soit dans le cadre de l’exposition, soit sur les autres rendez-vous traditionnels où nous présentons des artistes sur nos diverses scènes.
A quel moment vous est venue l’idée de cet événement ? Est-ce avant ou après votre nomination en tant que président du parc de la Villette en septembre 2006 ?
L’idée d’ouvrir la Villette au monde créole faisait partie de mes projets. Dès mon arrivée fin 2006, j’ai souhaité que la saison 2009 traite des Outres mers, de la réalité ultramarine de la France, parler de ces mondes que nous connaissons, que nous aimons et qui nous questionnent. Je souhaitais aborder ce sujet de manière importante et visible dans le cadre de ma situation et de ma présidence de la Villette. Il y a beaucoup de raisons à cela. Pas uniquement parce que je suis ultramarin ; ce n’est pas seulement le fait du « clan », c’est aussi une réponse à divers questionnements ici en métropole, sur ce qu’est la France aujourd’hui, cette diversité qui questionne beaucoup le pays. Notre programmation apporte des éléments de réponse, de visibilités et d’histoire. En tout cas, la Villette, en tant que lieu de programmation culturelle, participe de ce débat. La Villette est un lieu où nous interrogeons en permanence la société. Les artistes le font, je le fais en tant qu’artiste. Quand on étudie, quand on travaille à du repérage, quand on regarde ce que font les musiciens, les comédiens ou les metteurs en scène, on se rend compte qu’ils parlent, qu’ils traduisent finalement dans leurs œuvres des questionnements qui traversent leur époque, au 21ème siècle comme au 20ème siècle ou encore les siècles passés. Le projet consiste à parler de cette réalité ultramarine que vivent la France et même l’Europe ; c’est aussi raconter ce qu’est l’Europe aujourd’hui, parce que la France est dans l’Europe, cette Europe qui est une évolution du monde dans lequel nous vivons. Ce sont des métiers très différents qui se mettent au service de la réussite de ce projet. C’est aussi un établissement public qui met ses moyens pour parler et témoigner, dans une œuvre particulière, d’un problème de société. C’est aussi, essayer de créer de nouveaux liens avec la Villette et l’Outre-Mer. Il y a un public traditionnel à la Villette ; maintenant, il faut qu’il soit rejoint par un public moins traditionnel, le public ultramarin.
Toutes les énergies des équipes sont mobilisées pour cet événement depuis 2 ans, le temps de sa création et de son montage.
En lisant la programmation, je vois du théâtre…
Jacques Martial : Du théâtre et aussi des concerts. Nous avons souhaité traiter de cette dimension extrêmement importante de la musique dans notre culture ultramarine. Elle a été et est présente à chaque instant de notre histoire créole, de manière festive ou encore vindicative. Nous avons un parcours dans la musique proposé sur trois grands week-ends, fédérateurs en expression des différents genres, fonds et styles musicaux des îles.
Toutes les manifestations de spectacles vivants donnent droit à une entrée dans l’exposition.
Est-ce la volonté d’une convergence?
Jacques Martial : Tout à fait, je ne suis pas pour les exclusifs et les clivages. Au contraire, c’est essayer au maximum de donner l’opportunité au public de découvrir quelque chose. Un public qui vient d’abord pour la musique peut pousser sa curiosité en allant vers une exposition d’art contemporain auquel il n’est pas habitué.
Et vice-versa ? L’entrée de l’exposition donne-t-elle accès à un concert par exemple ?
Jacques Martial : Non, parce que le tarif d’entrée de l’exposition est moins élevé.
Tout à l’heure, vous me parliez de parcours dans la musique, est-il également historique ?
Jacques Martial : Absolument, il y a la Nuit du Kompa avec par exemple Tabou Combo qui fête ses 40 ans. Il y a un grand week-end dédié aux musiques traditionnelles avec K’Koustik ; la musique reggae, le Maloya de la Réunion …
Peut-on y voir un message rassembleur dans ce choix musical ?
Y a-t-il une intention d’inviter le public à venir, accompagné ou non, seul ou en famille ou encore en groupe ?
Jacques Martial : C’est le moment de se dire : « allons y ! C’est la fête ici à la Villette. C’est un établissement de territoire, la culture est une fête chez nous.
Son agencement s’y prête d’ailleurs ?
Jacques Martial : Oui il s’y prête. Des concerts auront lieu cet été dans le parc ainsi que du cinéma de plein air. Des compagnies de danses venues de la Martinique, de la Guadeloupe, se produiront dans le cadre des rencontres de la Villette. Il y aura aussi des rendez-vous de théâtre créole en septembre et en octobre. Nous rendrons aussi un hommage à Aimé Césaire. Notre événement « Femme de la liberté » s’inscrit dans le témoignage de ce que la femme a construit, et de ce qu’elle est aujourd’hui.
C’est vraiment un ensemble de manifestations qui invitent le public à entrer à la Villette, à venir découvrir ce qu’il ne connaît pas et à venir participer à ce qu’il connaît déjà et qu’il aime bien et pourquoi pas le faire connaître à ses proches, amis ou famille. C’est un vrai rendez-vous. Il y a un restaurant, on peut manger, on peut boire, on peut faire des œuvres magnifiques, on peut passer une journée à la Villette.
« Kréyol Factory » a été montée par Yolande Bacot la commissaire d’exposition.
Qu’en est-il pour les autres événements de cette Saison Créole ?
Avez-vous bénéficié de services d’un directeur artistique ?
Jacques Martial : J’ai des collaborateurs, de très bons collaborateurs dont la programmation est le métier. Ils sont en permanence sur les routes pour voir et proposer le meilleur. Ils ont aussi rencontré des gens car c’est aussi cela être programmateur. Claudy Siar a été aussi très présent ; il est une encyclopédie de la musique caribéenne, noire en général. Ce qui a été formidable, c’est que ce soit avec l’exposition ou les autres rendez-vous, cela a permis à des gens de se rencontrer, de discuter, de s’ouvrir à l’autre. C’est aussi ouvrir la porte à d’autres lectures et d’autres opportunités.
Alors qu’avez-vous envie de dire au public?
Jacques Martial : Venez, parce que la Villette est un formidable espace d’énergie, c’est un lieu d’éveil artistique, un lieu d’émergence, un lieu de partage !
Propos recueillis par MM. Manquat, pour PILIBO mag n° 35.