Jacques Chirac : « ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire »


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Le Président français est sorti de son mutisme au sujet de la loi sur le « rôle positif » de la colonisation française. Là où son ministre de l’Intérieur déclarait mercredi qu’il fallait « cesser avec la repentance permanente », le chef de l’Etat, évoquant les « mémoires blessées (…) de nos compatriotes », a indiqué vendredi que « ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire ». Mais il n’a pas réclamé l’abrogation du texte.

Les militants, enseignants et professeurs d’université l’avaient déjà crié avec force lorsqu’ils se sont élevés contre la loi sur le « rôle positif » de la colonisation française, votée en catimini le 23 février dernier. Vendredi, le Président de la république l’a confirmé : « ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire. Dans la République, il n’y a pas d’histoire officielle (…) l’écriture de l’histoire, c’est l’affaire des historiens », a-t-il insisté depuis le palais de l’Elysée. C’est la première fois que Jacques Chirac, qui selon l’historien Claude Liauzu aurait admis en privé que la loi était « une énorme connerie », intervenait dans ce débat de plus en plus chaud.

Le Premier ministre Dominique De Villepin avait fait part du même point de vu sur le « rôle du Parlement », un jour plus tôt, alors que le ministre de l’Education, Gilles de Robien, avait indiqué le 16 octobre qu’il n’était pas question pour l’Etat d’imposer « l’enseignement d’une histoire officielle ». Mais aucun n’a pris l’initiative d’appeler à l’abrogation de la loi. Le chef de l’Etat a simplement demandé au président du Parlement, Jean Louis Debré, de « constituer une mission pluraliste pour évaluer l’action du Parlement dans les domaines de la mémoire et de l’Histoire ». Il a également invité le gouvernement à créer « dans les meilleurs délais » la Fondation sur la mémoire, prévue à l’article III de la loi incriminée, et de la doter « des moyens nécessaires pour son bon fonctionnement ».

« Respect des mémoires blessées »

Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, également président de L’Union pour un mouvement populaire (UMP), avait dû repousser mercredi son voyage aux Antilles, les Français d’Outre-Mer ayant très mal pris le refus des parlementaires UMP d’abroger le texte le 29 novembre dernier. Loin de chercher à calmer les esprits, dans un contexte social déjà tendu, notamment avec la jeunesse française issue de l’immigration, il avait déclaré le soir même avec un tact qui lui est désormais indissociable qu’il fallait « cesser avec la repentance permanente (…) qui touche parfois aux confins du ridicule ». Au contraire, Jacques Chirac s’est adressé à cette même jeunesse en considérant le poids d’une histoire où les colonisés d’hier sont les Français d’aujourd’hui.

« L’Histoire, c’est la clé de la cohésion d’une Nation, mais il suffit de peu de choses pour [qu’elle] devienne un ferment de division, que les passions s’exacerbent, que les blessures du passé se rouvrent (…) Comme toutes les nations, la France a connu la grandeur, elle a connu les épreuves. Elle a connu des moments de lumière et des moments plus sombres (…) L’Histoire, « c’est un héritage que nous devons assumer tout entier, que nous devons assumer dans le respect des mémoires de chacun, des mémoires parfois blessées et qui constituent chez beaucoup de nos compatriotes une part de leur identité ». De sages paroles qui ne prendront tout leur sens que lorsque les pages qui reçoivent la loi du 23 février seront nettoyées, au karcher ou autrement.

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