La place de la République à Paris était transformée, mercredi, en un vaste hall de gare. Les manifestants du collectif des Ivoiriens de France y attendaient leur bus afin de se rendre à Marcoussis où se tient une table ronde sur la crise en Côte d’Ivoire.
9h30, place de la République. A l’heure où les Parisiens se rendent encore somnolents mais déterminés à leur travail, un spectacle attire le regard. De l’orange, du vert… des couleurs chatoyantes arborées par une dizaine de personnes d’origine africaine disséminées sur la place. Parmi elles, une jeune fille, coquettement vêtue, une écharpe rose au cou, brandit un panneau : » Côte d’Ivoire terre d’espérance, pays d’hospitalité, tu as été violé et poignardé par les gens que tu considérais comme tes amis « . Mercredi, débute à Marcoussis (France) la table ronde entre les partis et les mouvements rebelles ivoiriens, pour une solution à la crise que connaît le pays depuis quatre mois.
Peu à peu, la place se remplit. A présent se pressent des centaines de manifestants qui ont répondu à l’appel du collectif des Ivoiriens de France, qui rassemble diverses associations et partis, dont le RDR de Allassane Ouattara, selon le vice-Président du Fejif (Fédération des étudiants et de la jeunesse ivoirienne en France), Simplice Sokouri. Ils discutent par petits groupes éparpillés et semblent tous se connaître. Le drapeau de la Côte d’Ivoire porté en guise de foulard, les jeunes Ivoiriennes apportent de la gaieté sur la place qui, à 11 heures, n’a gagné que quelques degrés et d’où l’ombre n’a pas commencé à se retirer. Cernés par le bruit et la pollution automobile, ils attendent les bus qui vont les mener à Marcoussis.
Ivoirité
Les manifestants sont remontés car, affirment-ils, » la presse française ne parle que des rebelles ». Beaucoup assurent ne pas connaître les revendications de ces derniers mais des tracts sur Ouattara et la question de l’ivoirité son distribués. » Avant que Ouattara n’institue la carte de séjour et ne divise les citoyens, il y avait de nombreux couples mixtes en Côte d’Ivoire. De plus, il a demandé à ses électeurs de voter la Constitution qu’il critique aujourd’hui », explique Simplice, écoeuré à l’idée que le Ivoiriens puissent passer pour xénophobes. Le responsable de la Copaci (Courant de pensée et d’action de Côte d’Ivoire) regrette que le processus d’identification des citoyens ivoiriens ait été interrompu. Quoi qu’il en soit, » on ne change pas une Constitution avec les armes. Il faut faire respecter les élections démocratiques « .
Néo-colonialisme
Plus à l’écart se tient un grand bonhomme qui dépareille avec l’agitation et la nervosité ambiante. Il semble hésitant et ne participe pas encore aux palabres. Habillé simplement, avec une veste sombre juste assez épaisse pour le protéger du froid, il observe le spectacle d’un oeil bon, sans juger. Amari Kondé, enseignant à Abidjan, est en France depuis quatre jours.
Il explique avec une voix au timbre chaleureux ce que d’autres hurlent depuis tout à l’heure. » Les Ivoiriens sont en colère contre la France parce qu’elle n’a pas tenu ses engagements. La Côte d’Ivoire est sous la protection de la France, qui l’a toujours empêchée de s’armer. Dès le début de l’insurrection, la France aurait dû neutraliser les rebelles. Au lieu de cela, le Président Gbagbo se retrouve à négocier avec eux « . » Avec des terroristes « , spécifie un manifestant qui s’est convié à la discussion. L’homme se retourne, les bus sont arrivés. Armés de leurs pancartes et bardés de slogans, les manifestants s’y engouffrent. Ils vont marcher sur Marcoussis.