La Journée mondiale contre le diabète a pour thème : « Aucun enfant ne doit plus mourir du diabète ». Les décès surviennent suite à la détection tardive de la maladie et aux soins hors de prix pour les foyers pauvres. Stéphane Besançon est directeur des programmes de l’ONG française Santé Diabète Mali. Il fait le point sur la situation des enfants diabétiques d’Afrique.
Le diabète est en passe de devenir une épidémie mondiale. Cette maladie métabolique concerne aujourd’hui 240 millions de personnes et pourrait bien en toucher 350 millions en 2025, dont 15 millions en Afrique… L’un des constats alarmants est que le diabète de type 2, non insulino-dépendant, se répand chez les moins de 15 ans alors qu’il concerne d’ordinaire les adultes. Cette tendance est la conséquence du surpoids et de l’obésité qui touche les pays développés mais aussi émergents. Parce que la menace des générations futures est criante, la Journée mondiale contre le diabète de ce mercredi est consacrée à la protection des plus jeunes. Le slogan est d’ailleurs qu’« aucun enfant ne doit plus mourir du diabète ». Stéphane Besançon, directeur des programmes de l’ONG française Santé Diabète Mali, dépeint quelques aspects de la vie des jeunes diabétiques en Afrique.
Afrik.com : Quel bilan faites-vous de la situation des jeunes diabétiques en Afrique ?
Stéphane Besançon : Pour le type 1 (insulino-dépendant), je ferai un bilan relativement catastrophique puisque la grosse difficulté est aujourd’hui la prise en charge, en termes de qualité de soins, et que le gros problème est la survie. On est dans l’urgence car ces enfants meurent très rapidement faute d’accès financier et/ou géographique à l’insuline et aux soins. Pour le type 2, c’est le même problème qu’en Europe ou aux Etats-Unis. C’est un problème d’éducation, de sensibilisation et d’information sur la nutrition, sur l’activité physique, sur des pratiques sociales qui peuvent être négatives en termes de santé.
Afrik.com : Luttez-vous contre les coutumes sociales africaines qui veulent que les filles soient rondes, pour des raisons esthétiques ou de prestige ?
Stéphane Besançon : Dans les populations du Nord Mali, qui sont à culture arabo-africaine, cette culture est extrêmement présente car le surpoids et l’obésité donnent aussi un statut social. Alors lutter c’est difficile parce qu’il y a des gens qui disent qu’ils préfèrent peut-être mourir d’une maladie que de mourir socialement. C’est pour ça que c’est vraiment intéressant de travailler avec les enfants parce qu’on peut déjà les sensibiliser. Tout d’abord, ce sont de futurs parents qui ne transmettront pas forcément cette culture à leurs enfants. Ensuite, peut-être qu’eux-mêmes ne vont pas totalement suivre cette culture : si une jeune fille qui était pré-destinée à faire 110 kilos ne fait plus que 80 kilos parce qu’elle a été sensibilisée, ce n’est toujours pas bon, mais c’est un progrès. Nous avons vraiment une démarche de nous installer dans le temps. Le but n’est pas d’aller frontalement contre le social, mais d’essayer de modérer.
Afrik.com : Qu’en est-il des garçons ?
Stéphane Besançon : Il y a aussi une augmentation du surpoids et de l’obésité. Par contre, ce surpoids et cette obésité sont prestigieux pour des gens plus âgés déjà. Ce qui aggrave moins la situation est qu’en Afrique, les garçons sont extrêmement sportifs en général. Cela tend à baisser, mais ils jouent au basket, ils jouent au foot… Il y a revanche des problèmes nutritionnels. Donc là il faut aller, comme on le fait en France, sur des campagnes de sensibilisation sur la nutrition.
Afrik.com : On prévoit une explosion du diabète de type 2 en Afrique. Comment l’expliquez-vous ? Quelles seraient les conséquences sur le plan socio-économique ?
Stéphane Besançon : On retrouve ce diabète dans les familles où cette maladie était déjà présente. Les enfants ont donc plus de facteurs de risque. On a ainsi des cas où dans une famille il y a deux parents et trois enfants touchés. L’augmentation des cas est due aux changements alimentaires et à sédentarisation très forte. Si la situation s’aggrave, il y aura de fortes répercussions économiques et sociales. Il faut savoir qu’aujourd’hui 50% des amputations en hôpital sont d’origine non traumatique. Si c’est un chef de famille qui est touché, toute la famille en pâtit. Il risque aussi d’y avoir une hausse des dialyses, qui sont hors de prix. Il faut alerter les pouvoirs publics et ne pas attendre la catastrophe.
Afrik.com : Quelles actions mène votre association pour lutter contre le diabète ?
Stéphane Besançon : Pour le diabète de type 1, le gros enjeu est la détection et la prise en charge rapide. Il faut que les médecins reconnaissent les symptômes et réfèrent les malades au personnel compétent. Pour le diabète de type 2, nous avons un projet pilote qui cible les non diabétiques. Au niveau du primaire et du collège, nous travaillons avec des dessinateurs de bandes dessinées et des enseignants que nous avons formés et qui vont véhiculer le message. Ils travaillent en atelier avec les élèves sur la nutrition, les mauvaises pratiques alimentaires, les sports à pratiquer… Pour les lycéens, comme il existe déjà des choses sur l’alimentation dans leur programme, on renforce ce programme. Les professeurs vont notamment utiliser des mallettes pédagogiques.
Afrik.com : Comment se passe le quotidien des enfants diabétiques ?
Stéphane Besançon : Pour les enfants diabétiques de type 1, qui ont besoin d’insuline, le gros souci c’est d’avoir de l’insuline mais également de pouvoir avoir tout ce qui va autour de l’insuline : injecter de l’insuline sans pouvoir faire des glycémies c’est un problème, injecter de l’insuline sans avoir une éducation adéquate sur comment manger ce n’est pas bon non plus… C’est important de comprendre qu’avoir l’insuline ne fait pas tout. C’est vraiment un ensemble.
Afrik.com : De quelles complications souffrent les enfants ?
Stéphane Besançon : Pour les enfants, surtout de type 1, ça peut passer par un coma, dû au manque d’insuline notamment. Et souvent ils décèdent suite à un coma diabétique. Pour le type 2, le diabète suit une évolution classique de diabète mal pris en charge : il va y avoir des complications rénales, des amputations, des choses comme ça. Mais on n’a pas assez de recul sur des enfants suivis depuis assez longtemps pour connaître toutes leurs complications car ces complications arrivent à long terme.
Afrik.com : Les enfants diabétiques de type 1 peuvent-ils faire du sport ?
Stéphane Besançon : C’est une question d’éducation. Qui dit activité sportive dit ressources humaines pour expliquer aux enfants que s’ils jouent au foot deux heures par jour il faut adapter les doses d’insuline, l’alimentation, l’hydratation… Un enfant ne peut pas le savoir tout seul. En somme, les enfants peuvent faire du sport s’ils sont bien éduqués et bien encadrés. Sinon, il y a un risque pour leur santé.
Afrik.com : Un enfant diabétique coûte très cher. Arrive-t-il que des parents les mettent de côté ou leur fassent ressentir qu’ils sont un poids ?
Stéphane Besançon : Certains parents qui ont peu d’argent se posent cette question dramatique. Ils ont sept ou huit enfants, pour qui ils ont un budget nourriture, vêtements, scolarité… Lorsqu’un enfant est diabétique, ils se demandent s’ils ne pourraient pas mieux s’occuper de trois au quatre enfants avec le coût de l’insuline. Car avec une ampoule d’insuline de 15 euros, on peut payer la scolarité de trois ou quatre enfants.
Afrik.com : Ces enfants subissent-ils une discrimination au niveau de la famille, de l’école… ?
Stéphane Besançon : De la discrimination, je ne pense pas. Il existe en revanche une méconnaissance. On s’est aperçu en travaillant dans les écoles que les enseignants ne connaissent pas la maladie. Ils ne savent pas que si un enfant les insulte et qu’il est nerveux c’est à cause d’un problème de glycémie. Donc il faut travailler avec les enseignants pour que l’on assiste plus à ces situations.
Afrik.com : Que pensez-vous du programme Child sponsporship qui permet notamment aux enfants d’avoir de l’insuline ?
Stéphane Besançon : Nous avons 14 enfants dans ce programme, qui a débuté il y a trois mois au Mali. Je pense que c’est une très bonne initiative d’urgence, pas de développement. Il faut parer à des besoins, les enfants n’ont pas accès aux médicaments, alors le Child Sponsorship les donne. Maintenant, il faut faire un travail en parallèle pour pérenniser. Car si du jour au lendemain les financements s’arrêtent, les enfants à qui on donnait de l’insuline depuis un an devront se débrouiller. Au point de vue éthique, c’est moyen, et le but est quand même de pérenniser le système. Et pour pérenniser, l’idée serait que les gouvernements s’investissent.
Afrik.com : Le mot de la fin ?
Stéphane Besançon : Il faut qu’il y ait une réelle prise de conscience qu’un médicament comme l’insuline, essentiel pour la survie, n’est pas accessible financièrement et géographiquement dans beaucoup de pays. Il faut changer ça.
Le 12e Salon du diabète se déroulera les 16, 17 et 18 novembre
Adresse :
Espace Charenton
327, rue de Charenton
75012 Paris
Métro : Porte de Charenton
Entrée gratuite
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Photo : Youssouf Sogodogo