Ismaël Lô chante son « Sénégal »


Lecture 5 min.
Sénégal, de Ismaël Lô
Sénégal, de Ismaël Lô

Le dernier opus d’Ismaël Lô, Sénégal est disponible dans les bacs à compter de ce lundi. Pour sa dernière œuvre, le musicien sénégalais à choisi de rendre hommage à son pays dont il a été durant ces trente dernières années l’un des plus grands ambassadeurs culturels. Entretien.

Après Dabah en 2001, Ismaël Lô signe son retour sur la scène internationale avec Sénégal, un album dédié à sa chère patrie où l’on retrouve tout aussi bien des titres très personnels que son grand succès mondial Tajabone. Une chanson qu’Ismaël, né en 1956 à Dongo Buti, au Niger, chantait déjà quand il était tout petit à l’occasion des fêtes marquant le nouvel an musulman à Rufisque, la ville où il a grandi. Avec Sénégal, l’homme discret accepte de revenir sous les feux des projecteurs qu’il ne supporte en général que s’ils appartiennent à un décor de scène, lieu qu’il affectionne tout particulièrement. Un peu comme la Tunisie, dont il dit que c’est l’une « de ses étapes favorites ». Il y a d’ailleurs été fait Chevalier du Mérite culturel tunisien. L’homme apprécie beaucoup la distinction, le signe pour lui que son travail d’artiste est reconnu à sa juste valeur. Mais pourrait-il seulement en être autrement quand, encore une fois, il nous offre du Ismaël Lô, comme on l’aime, saupoudré de reggae et de petites confidences inattendues ?

Afrik.com : l’album Sénégal a des allures d’hommage où l’on retrouve des titres comme Joola, dédié aux victimes du tragique naufrage de 2002. Que représente cet album pour vous ?

Ismaël Lô : Beaucoup de choses. C’est une manière de rendre hommage, avec tout ce que cela comporte, à un pays qui m’a donné la foi et qui m’a toujours encouragé dans ma carrière. J’ai senti le besoin de le faire et je suis heureux qu’un album intitulé Sénégal figure dans ma discographie.

Vous avez travaillé combien de temps sur cet album ?

Le travail est permanent autour d’un album. J’écris tout le temps, il y a des chansons qui existent, mais que l’on n’utilise pas immédiatement. On a travaillé sur une chanson comme Le Joola au moment du naufrage, donc entre deux albums, mais il était évident qu’elle figurerait sur mon prochain album.

Il y a une très belle chanson d’ailleurs – Ma fille – qui parle d’un père malheureux du départ de sa fille qui va convoler en justes noces…

C’est le cri du cœur d’un papa à la fois heureux et malheureux. Heureux que sa fille puisse à son tour fonder un foyer, mais qui éprouve tout de même un pincement au cœur parce qu’il a l’impression de la perdre. Cette chanson est un signe d’affection à l’endroit de mes enfants que j’aime beaucoup et qui m’adorent aussi. Elle est née dans les quatre derniers mois précédant la fin de l’album. J’adore cette chanson parce qu’elle est claire et simple.

Après cette longue carrière de trente ans, pensez-vous être à l’heure des bilans ?

D’une certaine manière, oui. Et c’est un bilan positif « Abdulilah ! ». Je remercie le Bon Dieu de m’avoir donné la santé. J’ai démarré en 1974 et nous sommes en 2006. Entre temps, les enfants sont nés, ils ont grandi, les filles se sont séparées de moi (rires). Quoi qu’on puisse dire, la musique maintient : j’ai toujours l’impression d’avoir 15 ou 20 ans. La musique est comparable à un contrat signé pour la vie. Je fredonne tout le temps, j’écris tout le temps et tant que l’esprit est sain, que je n’ai pas de problème de voix, je continuerai de faire de la musique.

L’harmonica, et peut-être surtout la guitare sont un peu vos instruments fétiches. Qu’est-ce qui vous a attiré chez eux ?

J’ai toujours eu envie de jouer de la guitare. Mais j’ai commencé la musique en jouant de la batterie. Je l’avais fabriquée moi-même à l’aide de bidons et de bois pour les pédales. Après, je me suis essayé à fabriquer une guitare monocorde, puis j’ai appris à jouer une guitare à 3 cordes, puis à 6 cordes. La guitare est mon instrument favori. L’harmonica était plutôt un jouet, plein de symbole, parce c’est mon père qui me l’avait offert. Au fil du temps, c’est devenu un complice qui ne me quitte plus. Il me rappelle des souvenirs qui remontent à mon enfance.

Qu’est-ce que vous pensez de la musique africaine en général ?

C’est une musique qui a toujours existé, mais qui, ces dix dernières années, s’est imposée sur la scène internationale grâce à de grand noms de la musique comme Salif Keita, Yousssou N’Dour, Meiway et tant d’autres. Néanmoins, en France, l’histoire des quotas au niveau des radios constitue un frein à son développement. Mais en même en temps, sur des radios comme RFI ou Africa n°1, cette musique a sa place. La musique africaine est admirée et appréciée partout dans le monde. Et elle s’est beaucoup diversifiée, chacun peut s’y retrouver selon ses goûts. J’encourage d’ailleurs tous les jeunes musiciens à la pousser pour qu’elle aille toujours de l’avant.

Quand on suit votre carrière, on sent vraiment que vous aimez la scène. Et vous jouez autant sur des petites scènes que dans de grandes salles. Qu’est-ce qui vous fait vibrer quand vous y êtes ?

La scène est un véritable moment de bonheur. Comme de préparer un repas et de le partager avec ses amis. Il n’y a que la scène qui permet d’échanger avec son public, d’être en contact permanent avec lui. Peu importe que l’on soit en face de 1 000 ou de 10 000 personnes.

On dit de vous que vous êtes le Bob Dylan africain. Comment percevez-vous cette comparaison ?

Quand j’ai démarré ma carrière, je ne connaissais pas Bob Dylan. J’ai découvert plus tard que c’était un monument de la musique. Par conséquent, être comparé à lui ne peut-être qu’un compliment, surtout que l’on avait commencé à le faire dès les premières années de ma carrière. Ce que je crois avoir de commun avec lui, c’est la guitare, la voix et des textes engagés. Qui sait ? On pourrait peut-être faire un disque ensemble. Et si moi, je suis le Bob Dylan africain, lui est certainement le Ismaël Lô américain.

Vous avez abandonné la peinture pour la musique. Est-ce que vous en faites toujours ?

La toile de fond de la pochette de Sénégal est un de mes tableaux. Je continue de peindre. Se consacrer à la peinture demande du temps et je n’en ai pas beaucoup à cause de mes différents déplacements. Mais il m’arrive d’emporter mon matériel avec moi.

Pour commander l’album Sénégal de Ismaël Lô

YouTube video

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News