Isaac Sinkot (deuxième partie) : « Les critiques n’enlèvent rien aux valeurs d’Aliou Cissé »


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Aliou Cissé, coach du Sénégal
Aliou Cissé, coach du Sénégal

Le Sénégal est vainqueur de la 33ème Coupe d’Afrique des Nations. Un titre remporté au bout du suspense par les hommes d’Aliou Cissé, qui en a vu des vertes et des pas mûres, avant de parvenir à se hisser au sommet du football continental, après un quart de finale en 2017 et une finale perdue en 2019. Pour L’ancien international camerounais Isaac Sinkot, les critiques n’enlèvent rien aux valeurs du sélectionneur sénégalais, qui vient de prouver sa compétence aux yeux du monde.

Entretien de notre Envoyé spécial au Cameroun,

Le Sénégal vient de remporter son tout premier titre de champion d’Afrique de l’histoire, au Cameroun, après deux finales perdues en 2002 au Mali et 2019 en Égypte. Comment avez-vous trouvé cette finale ?

Une finale impeccable. C’est un grand succès, parce que le Sénégal était parmi les équipes favorites de cette CAN. Il y avait le Sénégal, le Cameroun pays organisateur, le Nigeria, à mon avis et un peu la Côte d’Ivoire. Voilà les équipes ténors, mais, beaucoup d’équipes ont été découvertes. En plus des équipes que je viens de citer, il y a d’autres équipes qui ont émergé et qui ont prouvé qu’elles ne restaient pas à la queue. Bravo au Sénégal, qui a su braver beaucoup d’imperfections pour gagner cette CAN qu’il cherchait tant.

Aliou Cissé, un sélectionneur très critiqué dans son pays avant cette compétition, mais qui n’a jamais lâché. Pouvons-nous dire qu’il a brisé le mythe du sorcier blanc ?

Isaac Sinkot
Isaac Sinkot

Pas dans ce sens, mais je tiens à le féliciter, car le fonctionnement du coach sénégalais ressemble un peu au mien. C’est-à-dire, j’ai été joueur du Dynamo, directeur technique et président. Donc, le coach Aliou Cissé est la personne la mieux placée pour parler du Sénégal. Il est un peu comme Samuel Eto’o, qui est aujourd’hui à la tête de la FECAFOOT. Il a été joueur de haut niveau, ensuite président. Qui peut être mieux placé pour parler de cette équipe qu’Aliou Cissé ? Je pense qu’il est encouragé pour sa persévérance et sa conviction. Il prouve par sa volonté d’aller plus haut et il est vraiment à féliciter. Maintenant, chacun peut dire ce qu’il veut contre lui. Mais les critiques permettent de changer un peu. Tout ça n’enlève rien aux valeurs d’Aliou Cissé. Il a prouvé aux yeux du monde qu’il avait beaucoup de qualités.

Le Sénégal et l’Egypte vont se croiser à nouveau au mois de mars prochain, dans le cadre des barrages de la Coupe du monde Qatar 2022. Pensez-vous que ces deux matchs seront faciles pour les Sénégalais ?

Non, pas du tout, parce que l’Égypte est rentrée avec un goût d’inachevé. Les Egyptiens vont vouloir revenir sur scène pour remobiliser leur public en leur faveur, alors que le Sénégal doit se maintenir. Il ne suffit pas d’arriver, il faut se maintenir. Là maintenant, il faut qu’ils reprennent le travail. Qu’ils oublient le trophée qu’ils ont remporté et continuent à travailler pour faire des résultats. Je pense que les choses iront mieux. Mais, quand on regarde l’Égypte, elle n’est pas à comparer avec le Sénégal. Le Sénégal avait plus d’arguments, parce qu’en football, il n’y a pas de raison d’avoir une stratégie défensive quand vous êtes à 0-0. Cette stratégie qu’ils ont adoptée, est une stratégie de peur et d’incertitudes. Alors que les autres attaquent tout le match. C’est la même chose contre le Cameroun. Ce n’est pas une bonne stratégie. Le Sénégal a des arguments forts pour gagner les rencontres face à l’Égypte.

Le Mali est considéré comme une équipe émergente, mais s’est fait surprendre en quarts de finale par la Guinée Equatoriale, à l’issue de la séance des tirs au but…

C’est la loi du football, mais, les matchs se suivent et ne se ressemblent pas. Moi, je crois qu’on connaîtra le maçon au pied du mur. La même compétition que le Mali a déjà faite, on n’est pas certain qu’ils pourront la refaire dans les prochains jours. Mais, tout le monde doit continuer de travailler. Il n’y a pas de stratégie figée ou un plan fixe. Chaque jour suffit sa peine. Chaque rencontre sa stratégie, ensuite on verra. En dehors du Sénégal, qui a remporté sa finale, le Nigeria, qui avait une bonne équipe et qui est passé à côté de la plaque, le Gabon également et d’autres équipes qui sont venues en force. Donc, ça se travaille.

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Ce que je remarque, les équipes qui gagnent, sont généralement celles qui ont une stratégie de jeu différente. Les équipes ont le même style de jeu et celles qui réussissent conservent leur façon naturelle de jouer. Ce sont les équipes qui ont su faire cette différence qui ont tiré leur épingle du jeu. Je pense que nous sommes un peu influencés par le football européen. Toutes les équipes jouent de la même façon. Maintenant, comme un docteur en médecine, vous avez le b-a ba de la discipline, l’étude du corps humain. Maintenant, il y a la spécialisation. Donc, tous ceux qui entrent dans la formation des entraîneurs, ils ont une plateforme. Après, il suffit d’ajouter une identité de jeu pour faire la différence.

Justement, le Cameroun n’est-il pas en train de perdre son identité de jeu, après ce qu’on a vu durant cette CAN ?

Nous restons une grande équipe de football, mais je sentais personnellement qu’il y avait l’influence des agents de certains joueurs qu’on mettait, alors qu’ils ne méritaient pas de jouer. Je crois que c’est sa première CAN (Toni Conceição), il a ainsi beaucoup appris. C’est quelqu’un qui va bien évoluer quand il sera dans un autre pays étranger. Il a fait des remplacements du premier au dernier match. Il n’y avait pas une constance dans le choix des joueurs. Mais, on s’en est sorti. Le fighting spirit des Camerounais reste et demeure. Vous avez vu le dernier match contre le Burkina Faso, pour la troisième médaille. Il avait mis tous les titulaires sur le banc et engagé une autre équipe. Vous vous rendez compte, alors qu’on avait envie de remporter au moins cette médaille. Une médaille qui est avivée parce que son honneur était également en jeu. Il l’a fait pour justifier ses erreurs, Dieu merci, ça a marché.

Par rapport à cette influence des agents de joueurs, beaucoup pensent qu’un sélectionneur local ne peut pas être à la tête du Cameroun ?

Comparaison n’est pas raison. Ce n’est pas que les locaux n’arrivent pas à faire l’affaire. Parmi les entraineurs locaux, ils ne sont pas blancs comme neige, mais il y en a qui peuvent faire l’affaire, sans qu’on parle d’agents de joueurs. Il y en a vraiment, c’est-à-dire qu’on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Au milieu de ceux qui n’ont pas une bonne moralité, il y en a beaucoup plus qui sont bons, contrairement à ceux qui installent leur comptoir de commerce.

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