Le jour qu’il attendait tant est arrivé. Alassane Ouattara sera investi président de la République de Côte d’Ivoire, samedi à Yamoussoukro. De nombreux invités venus du monde entier seront présents. Parmi eux, 23 chefs d’Etats. Coulisses d’une cérémonie placée sous le signe d’une « Côte d’Ivoire rassemblée ».
Après six mois de crise sanglante, Alassane Ouattara peut savourer sa victoire. Le monde entier s’est donné rendez-vous samedi à Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’ivoire, pour assister à son investiture. Elle « marque le point de départ d’une nouvelle Côte d’Ivoire, du grand rassemblement de tous les Ivoiriens. M. Ouattara recevra l’onction de tout le peuple ivoirien et montrera au reste du monde qu’il a été élu à la tête du pays », a assuré à l’AFP Anne Ouloto, l’une des porte-parole du nouveau gouvernement ivoirien. Près de 300 000 à 500 000 personnes sont attendues. Une grande mobilisation nationale est prévue à travers les différentes régions du pays, notamment au nord, où le président Ouattara compte le plus grand nombre de ses partisans. La cérémonie, qui débutera à 10h30 (GMT et locales), sera retransmise en direct sur la télévision de Côte d’Ivoire (TCI) et abritée au sein de la fondation Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance, dont il a été le Premier ministre de 1990 à 1993. Un grand concert avec la participation de 200 artistes ivoirien est aussi au menu.
Cette investiture sera marquée par la présence de 23 chefs d’Etats, dont le président français Nicolas Sarkozy, qui fera un bref aller-retour dans la journée. Sa présence est très critiquée par l’ex-conseiller de l’ancien président Laurent Gbagbo, Alain Toussaint, qui estime dans un communiqué publié ce vendredi que «cette visite n’a pas d’autre signification que celle de sonner la reprise en main de ce pays par la France. Elle marque sa recolonisation par l’ex-puissance coloniale». «Manifestement, la Côte d’Ivoire est devenue le 102ème département français, le 6ème situé Outre-mer, et M. Ouattara son
Préfet », a-t-il ajouté.
une importante délégation
Le chef d’Etat ivoirien a tenu personnellement à convier le Pape Benoît XVI. Il ne pourra pas effectuer le déplacement mais sera représenté par Mgr George Antonysamy. Les dirigeants européens seront représentés par de nombreuses délégations ministérielles. Notamment les représentants des gouvernements d’Espagne, de Belgique, du Royaume uni, et de l’Union européenne. Le président Américain Barack Obama a, quant à lui, chargé les ambassadrices Brooke Anderson et Julia Stanley de le représenter. Le secrétaire général des Nations Unies (ONU), Ban ki-Moon, sera aussi aux premières loges.
Du côté des chefs d’Etats africains, au moins dix-sept d’entre eux sont attendus, dont : Goodluck Jonathan (Nigeria), président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Ali Bongo (Gabon), Mouhamadou Issoufou (Niger), Alpha Condé (Guinée), Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), Idriss Deby (Tchad), Mohammed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jikaya Kikwete (Tanzanie). Le président de la commission de l’Union Africaine (UA), Jean Ping, sera aussi présent, ainsi que les anciens dirigeants africains nigerian et malien, Olusegun Obasanjo et Alpha Konaré. Jacob Zuma, le président sud africain, a signifié son absence, en raison de la tenue des élections locales dans son pays.
Des pro-Gbagbo invités
Alassane Ouattara, qui a prêté serment le 6 mai à Abidjan, a placé son investiture sous le signe de l’union nationale. Parmi les invités nationaux, il y aura aussi des membres du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ancien-président Laurent Gbagbo. Cette décision intervient six mois après les violences meurtrières qui ont secoué le pays, suite aux résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre, contestés aussi bien par Alassane Ouattara que Laurent Gbagbo. Ce dernier, interpellé le 11 avril par les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), pro-Ouattara, appuyées par la force française Licorne et les forces de l’ONU (Onuci), a été assigné à résidence à Korhogo, dans le nord du pays. Les membres de son régime, dont son épouse Simone Gabgbo, ont également été placés en détention surveillée à travers tout le pays. Toutefois, certains responsables du FPI sont libres de leurs mouvements, dont le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly. Le comité d’organisation de la cérémonie d’investiture d’Alassane Ouattara a envoyé des invitations à une quinzaine de membres du parti, rapporte RFI. Le FPI n’a pour le moment toujours pas reconnu officiellement la victoire d’Alassane Ouattara.
Les défis du président Ouattara
Alassane Ouattara a réussi à prendre le dessus sur son ancien rival. Mais de multiples défis l’attendent. Rétablir la sécurité du pays est l’un des plus grands chantiers auquel il doit faire face. Le pays qui se relève peu à peu de plusieurs mois de crise est toujours très instable. Par conséquent, un important dispositif sécuritaire a été déployé pour assurer le bon déroulement de son investiture. Les patrouilles ont été multipliées et renforcées. Le chef d’Etat devra également réconcilier les Ivoiriens qui sont toujours très divisés et se faire accepter par toute la Nation. Répondre à leur soif de justice ne sera pas chose aisée. Des auditions de Laurent Gbagbo et des membres de son camp ont débuté. Et le président en place a demandé au procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, d’enquêter sur « les crimes les plus graves » commis sur l’ensemble du territoire ivoirien depuis le 28 novembre 2010. Une enquête qui ne saurait écarter les exactions commises par les FRCI et leurs alliés…. Enfin, le nouveau président devra relancer l’économie qui est en grande difficulté depuis de nombreuses années. Une aide internationale de 700 millions d’euros a été promise pour son redressement. Alassane Ouattara doit faire face aux blessures profondes et toujours saignantes du pays. Lui suffira-t-il un mandat pour les panser ?