Le président Egyptien Mohamed Morsi a fermement condamné lundi, lors d’un discours au Sommet économique arabe à Ryad, l’intervention française au Mali. Selon lui, elle pourrait déstabiliser la région. Pourquoi le dirigeant égyptien adopte-t-il une telle position ? Que cherche-t-il en se positionnant contre la guerre au Mali ? Eléments de réponse.
Mohamed Morsi n’a pas pris de gants pour afficher son opposition à l’intervention française au Mali. Lors d’un discours lundi à l’ouverture du Sommet économique à Ryad, en Arabie Saoudite, il a fermement condamné l’action de Paris. « Nous ne voulons pas que soit créé un nouveau foyer de conflit sanglant en Afrique. Ce que nous rejetons totalement, c’est la séparation du nord arabe du cœur de l’Afrique », a-t-il déclaré. Selon le chef d’Etat égyptien « toute intervention doit être pacifique et comprendre une aide financière au développement ».
Ce positionnement de Mohamed Morsi, qui est pour le moment le seul chef d’Etat africain à s’opposer publiquement au déploiement de troupes françaises au mali, n’est pas anodin. En Egypte, les prochaines législatives se tiendront en avril 2013. Issu de la confrérie des frères musulmans, le dirigeant égyptien aura besoin du soutien des salafistes et des conservateurs pour que son parti conserve la majorité au Parlement. Il souhaite ainsi les satisfaire, eux qui estiment que le conflit malien est avant tout une guerre menée par l’occident contre les musulmans.
Les Emirats arabes unis en ligne de mire
L’opposition du dirigeant égyptien sur l’intervention française au Mali serait-elle aussi une façon pour lui de régler ses comptes avec les Emirats Arabes unis, où s’est rendu François Hollande mardi dernier pour obtenir de l’aide dans le conflit malien ? Pour la blogueuse égyptienne Shahinaz Abdelsalam, auteur du livre Egypte les débuts de la liberté (ed.Michel Lafon), « il est évident que Mohamed Morsi n’a pas encore digéré l’arrestation aux Emirats des onze citoyens égyptiens Frères musulmans accusés d’avoir constituer une cellule qui visait à menacer la sécurité nationale ».
Une affaire qui ternie d’avantage les relations déjà très tendues entre Abou Dhabi et le Caire. Le président égyptien a pourtant exigé la libération de ses concitoyens. Sans succès. Il a même été jusqu’à dépêché aux Emirats son chef des services de renseignement et son conseiller pour les Affaires étrangères et haut responsable Essam el Haddad. Mais le vice-président des Emirats, le cheikh Rached el Maktoum, leur a signifié qu’il « était hors de question que les détenus égyptiens soient libérés ». Des tensions qui inquiètent les milieux d’affaires, d’autant que les Emirats sont les principaux investisseurs en Egypte. De plus, les ressortissants égyptiens qui y résident rapatrient chaque année des milliards de dollars.
Le Caire renforce ses liens avec Doha
Les Emirats arabes unis ont toujours soutenu l’intervention militaire au Mali. « Ce qui n’est pas étonnant car ils s’opposent à l’islamisme radical », affirme Shahinaz Abelsalam, contrairement au Qatar accusé de financer les islamistes qui ont pris le contrôle du nord-Mali depuis neuf mois suite au renversement du président malien Amadou Toumani Touré par le capitaine Amadou Sanogo.
Le Qatar est proche des Frères musulmans et les aide à se maintenir au pouvoir en Egypte. D’ailleurs, l’influent Cheikh Youssef al-Qardaoui égyptien, issu des Frères musulmans, abrité par Doha depuis 1961, a récemment déclaré qu’il va « scandaliser tous les pays arabes qui soutiennent les occidentaux contre les musulmans ». Le Cheikh Qardaoui, qui anime des émissions suivies par des millions de musulmans sur la chaine Al Jazira est un pion incontournable pour le Qatar qui veut préserver ses liens entre les islamistes au pouvoir en Egypte et en Tunisie.
Toutefois, la position du président égyptien sur la guerre au Mali, peut-être à double tranchant. D’une part, il renforce davantage ses liens avec Doha mais d’un autre côté, il risque de fragiliser les relations diplomatiques entre Paris et Le Caire. « Mohamed Morsi devait venir en France en février. Mais avec son positionnement sur la guerre au Mali, je ne pense pas qu’il osera venir. Son attitude risque de fâcher la France », estime la blogeuse égyptienne. « En tous cas, on l’attend de pied ferme ici à Paris. S’il ose venir, nous manifesterons contre sa visite et lui signifierons que la révolution égyptienne n’est pas terminée ! Au contraire, elle ne fait que commencer ! »