Intervention en Libye : qu’en pensent les chefs d’Etat africains ?


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Après le vote par le conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 1973 autorisant la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne sur le nord du territoire libyen, plusieurs chefs d’État africains ont pris tardivement mais clairement position. La tendance majoritaire reste le rejet des bombardements par la force de coalition, mais les « voix africaines » n’ont que peu d’influence sur le commandement des opérations.

Le 17 mars dernier, tous les regards étaient tournés vers New-York où se trouve le siège du Conseil de sécurité. L’organe décisionnel des Nations unies devait statuer sur la résolution 1973 autorisant l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne en Libye. Une résolution portée par deux grandes puissances européennes – la France et le Royaume-Uni – et le Liban, seul représentant des pays arabes du conseil de sécurité. Stupeur : aucun pays africain n’a présenté le texte conjointement aux trois pays sus-nommés. De la même manière, à aucun moment l’Union africaine ne s’est prononcée officiellement à ce sujet avant le vote. Les leaders africains n’ont pas su trouver le moment adéquate pour afficher une position claire.

Des bombardements décriés

Depuis cette date, la résolution a été approuvée à 10 voix sur 15 et la coalition a procédé à plusieurs séries de bombardement de positions stratégiques et d’éléments blindés de l’armée loyale au colonel Mouammar Kadhafi. Des bombardements tour à tour décriés par l’Italie, l’Inde et la Ligue arabe qui, elle, avait su se placer en interlocutrice incontournable, lors de la préparation de l’opération. Il a fallu attendre mardi pour entendre les « voix africaines » se réveiller.

Le président ougandais Yoweri Museveni, qui faisait partie du panel de l’Union Africaine pour trouver une sortie de crise en Libye, a signé mardi une tribune dans le quotidien New Vision où il affirme que « les Occidentaux ont toujours deux poids deux mesures ». Il faisait allusion à d’autres révoltes démocratiques ignorées par la coalition comme au Bahrein ou au Yémen. Il a également profité des colonnes du journal pour saluer Mouammar Kadhafi, « un homme qui n’a pas pris assez de distances avec le terrorisme, mais quelles que soient ses fautes, un vrai nationaliste », selon lui.

Jacob Zuma, le président sud-africain, qui faisait également partie du panel de l’Union Africaine pour la Libye, a aussi critiqué les bombardements. Rappelons que l’Afrique du Sud, qui est actuellement membre non-permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, a voté en faveur de la résolution 1973 le 17 mars, au même titre que le Nigeria et le Gabon, les deux autres pays africains siégeant au Conseil de Sécurité. Jacob Zuma s’est exprimé mardi, expliquant cette contradiction par le fait que l’Afrique du Sud n’était pas partisane de la « doctrine d’un changement de régime ». Plus simplement, le pays est favorable à une zone d’exclusion aérienne pour éviter un massacre annoncé mais refuse le bombardement de la coalition, dont l’objectif caché est de destituer le « Roi des Rois d’Afrique ».

Troisième chef d’État africain a être sorti du silence, Robert Mugabe. Le président du Zimbabwe s’est exprimé dans une long discours critique envers l’action militaire en Libye. Il a expliqué qu’il s’agissait, de son point de vue, surtout d’un conflit pour « le contrôle du pétrole libyen ».

Contestant la légitimité de l’opération menée par la coalition internationale, l’Algérie s’était immédiatement démarquée de la position initiale de la Ligue arabe en demandant la « cessation immédiate » de tous types de combats en Libye. Et ce au motif du « principe de non ingérence ». L’Algérie siège à l’Union Africaine mais également à la Ligue arabe.

Seule voix dissonante à ce jour, le président rwandais Paul Kagamé qui a félicité l’opération de la coalition internationale en affirmant que « les leçons ont été tirées du génocide dans son pays », dans une tribune publiée dans le Times.

A noter également, l’intervention d’Abama Bâ Konaré. L’ancienne première dame du Mali a dénoncé « le silence des chefs d’Etat africains », dans une contribution publiée mardi dans la presse malienne. « Les Africains restent silencieux, mystérieux et incompréhensibles en ces temps graves où le sort de leur continent se joue alors qu’ils clament l’unité de leur continent, qu’ils ont créé l’Union africaine pour affirmer leur volonté d’union, mieux faire entendre leurs voix, compter davantage et s’imposer », a sermonné Abama Bâ Konaré.

L’Union Africaine est effectivement restée silencieuse jusqu’à mardi, quand un communiqué officiel a critiqué timidement les bombardements. Une position faible qui traduit son tiraillement entre ses rapports avec les grandes puissances mondiales et sa fidélité à Mouammar Kadhafi, co-fondateur et président sortant de l’Union Africaine.

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